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30 juin 2003

Pas si loin !GRANDE NOUVELLE ! CISCOBLOG va bient�t d�m�nager. Dans quelques secondes, pour tout vous dire. Je sais, �a fait un choc. J'aurais du vous pr�venir plus t�t. Je n'ai pas eu le courage. Mais CISCOBLOG ne d�m�nage pas au sens o� on le dit g�n�ralement sur internet : il ne va pas changer d'adresse electronique, pas besoin de vous jeter sur vos favoris : CISCOBLOG ne d�m�nage que physiquement, pour ainsi dire : c'est moi qui d�m�nage, avec l'ordinateur qui sert � l'envoyer presque tous les soirs sur le r�seau. L'ordinateur et moi, allons changer de maison. CISCOBLOG et moi allons en prendre bien soin et tout, de l'ordinateur, soigneusement l'emballer. CISCOBLOG est un peu inquiet. Il a raison, car je ne suis pas une fl�che en informatique, ni en d�m�nagement, d'ailleurs. Malgr� que nous ayons fait, CISCOBLOG et moi, toutes les derni�res v�rifications, sauvergard� tous les fichiers n�cessaires et m�me les pas n�cessaires, nous avons rev�rifi�, resauvegard�, CISCOBLOG et moi, craignons de ne pas �tre � l'abri d'un choc, d'une maladroite manipulation ou m�me d'une erreur impr�vue, voire ind�pendante de notre volont� comme on disait � la t�l� et qu'on vous balan�ait une "interlude" en plein Thierry la Fronde... CISCOBLOG restera donc peut-�tre muet un petit moment, le plus court possible j'esp�re, le temps de brancher � nouveau tous les cables et tuyaux sans se tromper trop. Comme je ne suis pas un grand sp�cialiste, CISCOBLOG se demande si je vais m'en sortir... Pas de quoi s'inqui�ter inutilement, je sais. Mais �a fait tout de m�me un petit quelque chose. Bon, nous sommes pr�ts pour le grand saut dans l'inconnu. Et vous ? A tr�s bient�t (j'esp�re) Deconnexion dans cinq secondes. Bye Bye, � plus !. Cinq. Quatre. trois. deux. Un. Zero. Deconnection !

25 juin 2003

Dernier d�finiston lu dans le D�finistaire : Samedi : [ Nom F�minin] Faute de frappe.
Ex.:"Ca te dit un cin� dimanche ?" "Oui, Samedi".

Pas encore all� faire un tour dans le D�finistaire ? Stun scand�le !
Pens�e de la nuit N� 32 : "My formula for living is quite simple. I get up in the morning and I go to bed at night. In between, I occupy myself as best I can.
Cary Grant (1904 - 1986)"
Direct from "Days in my life"
Terreur nocturne, deuxi�me partie


C'est donc une image de cin�ma, de t�l�vision, pour �tre tout � fait exact, car avec la t�l�vision les images de terreur sont entr�es dans les maisons commes les vampires avec les courants d'air (je me souviens d'ailleurs, exactement en ce moment, au moment o� je frappe ces lignes, d'une deuxi�me image terrifiante, elle aussi une image de t�l�vision, des archives de guerre, d'un soldat allemand en flammes, probablement br�l� au napalm, rampant sur le sol, s'accrochant de ses ongles � la terre, juste avant de mourir, mais on ne le voit pas s'arr�ter de ramper, on ne voit pas le moment de la fin, il est inexplicablement encore vivant mais plus pour longtemps du tout, il est �vident qu'il essaie d'�chapper, qu'il ne sait pas � quelle point il est une torche vivante, il y a le cut avant la fin). C'�tait donc un de ces dimanches soirs b�nis de mes dix ans, autour de l'ann�e 1960, o� nous avions gagn�s dix minutes ou un quart d'heure sur l'heure d'aller au lit et o� nous nous r�jouissions du plaisir � moiti� interdit de regarder le d�but du film du soir. Le film se passait sur la banquise. Une exp�dition polaire, scientifique ou militaire. Une d�couverte �trange. Quelque chose sous nos pieds qui nous regarde, qui nous fixe � travers l'�paisseur translucide de la banquise. Un attroupement. On se penche, on s'agenouille pour mieux voir. Il y a bien cette "chose" enfouie sous la glace (bien plus tard, apr�s de "longues recherches" j'ai retrouv� le film en question, qui est tr�s connu). Un visage, des yeux qui nous regardaient, qui me regardaient, moi, qui essayai d�j� de me cacher derri�re le dossier du fauteuil pour �chapper � la vision de ce que je n'aurais jamais d� voir, mais c'etait trop tard. C'etait un martien enfoui sous la glace. Un mort qui allait forc�ment redevenir vivant. Il avait une t�te noire carr�e avec des yeux �normes et une fente horizontale en guise de bouche. On ne voyait que ces yeux annonciateurs d'apocalypse et de fin du monde. Je me cachai les yeux, mais j'en avais d�j� trop vu. M�me le "Allez, au lit !" p�remptoire de notre m�re ne me sauva pas comme le gong sauve parfois le boxeur du KO. Ce visage de mort m'accompagna le soir m�me l� dans mon lit et je le retrouvais, d�j� l� qui m'attendait, sous les couvertures, tous les soirs suivants. Cette cr�ature me hanta des mois et peupla � elle seule mes insomnies d'enfant. Longtemps je me suis senti coupable de ces petits vols de temps des dimanches soirs. longtemps j'ai pens� na�vement que je n'aurai peut-�tre jamais rencontr� la terreur si je n'avais pas os� profiter du rel�chement de nos parents ces soirs-l�. Ce qui me frappe apr�s toutes ces ann�es, n'est pas seulemenjt le souvenir vif de la "chose" sous la glace, et bien s�r j'ai revu "La chose d'un autre monde" au moins deux fois depuis, et bien s�r l'image du martien sous la glace ne me "glace" plus d'effroi, quoique ; ce qui me frappe, donc, est que j'en ai finalement voulu � mes parents : je les ai longtemps tenus pour responsable de mes terreurs nocturnes : S'ils avaient �t� sev�res "jusqu'au bout" cela ne se serait peut-�tre pas produit. Si on veut donner une �ducation rigide � ses enfants, il faut �tre "sans faille". Nos parents �taient donc coupables des relachements des dimanches soirs. On trouve toujours une bonne raison d'en vouloir � ses parents.

21 juin 2003

Pens�e de la nuit N� 31 "Avec leur syst�me de film, la fleur qui s'ouvre au ralenti s'ouvre plus vite que la fleur qui s'ouvre au normal... avec le ralenti �a va plus vite : faudra m'expliquer" Jean Marie Gourio, Br�ves de Comptoires
Ce soir Blogger a chang� de peau (de "skin" pour faire wired). Bon, c'est assez chic, sans plus. Mais aucune nouvelle fonctionnalit�. Bof...
Je me souviens de "Oh, Oscar ma petite th�r�se me fait � grand peine six gosses", dont la version �dulcor�e �tait : " Oh, Oscar ma petite th�i�re me fait � grand peine six grogs" qui �tait la formule mn�mothechnique pour retenir les douzes paires de nerfs cr�niens : Olfactif, Optique, moteur oculaire commun, path�tique, trijumeau, etc., mais je ne vais tout de m�me pas vous imposer la liste des nerfs cr�niens, quoique... Il y avait aussi : "deux rats, excomuni�s expropri�s du cinqui�me courent sur le cul de la posti�re" qui �tait le moyen de se souvenir des insertions musculaires sur la t�te du cubitus (qui n'�tait pas - pi�ge supr�me ! - le gros bout de l'os, mais le petit !) allons y : deuxi�me radial, extenseur commun, extenseur propre du cinqui�me doigt, court supinateur et cubital post�rieur. L� je vous les cite tous, parce que je suis tout de m�me asez fier, apr�s toutes ces ann�s, de me souvenir des insertiens musculaires sur la t�te du cubitus. C'est juste pour la gloire, parce que cela ne m'a jamais, mais � grand jamais, �t� de la moindre utilit� dans ma vie professionnelle de me souvenir des insertions sur la t�te du cubitus. Il y avait aussi les branches de l'art�re ohtalmique : " La sangsue si muette " : lacrymale, centrale de la r�tine, centrale de la r�tine... Et l� je s�che un peu, je ne retrouve plus les autres, comme quoi, les formules mn�motechniques ne sont pas tout. Je n'ai d'ailleurs jamais eu besoin non plus de me servir de la liste des branches de l'art�re ophtalmique. Mais ces formules ("La sangsue si muette", c'est joli, non ? ah, oui, le "ette" c'�tait pour ethmo�dale ; si je fais un r�el effort je vais finir par toutes les retrouver. Je vous promet de vous tenir au courant) ces formules, donc, poss�dent une r�elle po�sie. Je devrais en parler aux oulipiens. Mais je n'ose pas. Il m'en vient une autre (qu'ils doivent d'ailleurs conna�tre) qui n'a rien � voir avec l'anatomie et qui m'a servi parfois pour briller en soci�t� � peu de frais. Elle donne la liste des douze premiers empereurs romains. C'est le papa de ma copine Agn�s, Georges Michel, qui reste, � quatre vingt cinq ans le puits de culture humaniste que j'ai toujours admir�, qui me l'a apprise � l'�ge de dix ans : C�sar, Auguste, Tib�re, Caligula, Claude, N�ron, Galba, Othon, Vitellus, Vespasien, Titus, Domitien (C�sotica Clonegalo Vivestido : c'est un alexandrin, ce qui explique qu'on le retienne si facilement) Mais franchement qui a � foutre aujourdhui de savoir par coeur les douze premiers empereurs romains, je vous le demande. Ah, la culture n'est plus ce qu'elle �tait, ma brave dame. Enfin pour ne pas se laisser perdre cette technique imm�moriale, je vais tout de m�me m'employer � trouver une formule mn�motechnique pour se souvenir de la liste des vingt deux vainqueurs de la coupe du monde de foot 98 : Je vous tiendrai au courant !

16 juin 2003

Merveille 7


Tartuffe, version 1974 C'est une maison immense, vide. Elle se remplira au fur et � mesure des l'avanc�e de l'action. Il y a encore les peintres, les pl�triers, les menuisiers, les vitriers. C'est le tournant du dix-septi�me si�cle. Un monde en mutation. Une maison en plein d�m�nagement. On voit passer des coffres, des meubles lourds port�s par des valets, des brass�es de linge, des tentures pas encore accroch�es, des tapis roul�s, des peintures murales pas encore s�ches. Toute la pi�ce se jouera dans les pl�tres : reconstitution historique minutieuse d'un d�m�nagement bourgeois des ann�es 1650. On sent m�me les courants d'air. Passage du f�odalisme r�volu au capitalisme naissant : une maison en mutation ; un vieux palais aust�re et sombre, remis au go�t du jour par un riche bourgeois parvenu, Orgon, un peu contre son gr�, pour faire plaisir � sa jeune femme et ses grands enfants. La pauvre madame Pernelle, m�re d'Orgon n'y comprend plus rien. Elle tra�ne sa servante, Flipote, hors de ce lieu de perdition et tout ce charivari. La sc�ne suivante sc�ne est archi-c�l�bre : c'est celle du "pauvre homme". D�j�, le duo Dorine - Orgon est �blouissant. Dorine est assur�ment le personnage principal du Tartuffe. elle est belle, trendre, maligne, on n'a d'yeux que pour son g�n�reux d�collet�, r�le oblige, car sinon point de "Avant que de parler prenez moi ce mouchoir etc.". Il n'y a qu'elle, et il n'y a que Tartuffe, au fond : tous les autres personnages sont des marionnettes, sauf peut-�tre Elmire, la jeune femme d'Orgon. C'est Roger Planchon lui-m�me qui joue le r�le de Tartuffe. il est inqui�tant et path�tique � la fois. Le g�nie de Planchon c'est d'avoir finalement invers� la probl�matique du Tartuffe sans jamais pratiquement le jouer � contre texte. Tartuffe profite certes d'Orgon, de l'ancien monde, mais avec des moyens de l'ancien monde, son imposture est d�j� d�pass�e. On peut faire mieux, largement, � beaucoup plus grande �chelle, comme peut le faire le Roi, jeune dictateur impitoyable, par exemple. Tartuffe est vraiment amoureux d'Elmire, qui a �t� mal mari�e. C'est lui qui finalement se trouve �tre la victime peu glorieuse du complot des jeunes gens, Val�re, Marianne, Dorine, Elmire, le Roi lui-m�me : Le combat est largement in�gal. Pas de suspens.Tartuffe va perdre ineluctablement, il est fini, depuis longtemps. Il sait bien que son amour pour Elmire acc�l�re sa perte. Il se jette dans le pi�ge comme pour en terminer plus vite, h�ros presque romantique, au manque total de cynisme. Le nouveau monde triomphe : C'est la naissance de l'Etat. Le personnage de l'Exempt, qui, tr�s loin des r�dempteurs ou des justiciers des mises en sc�ne traditionnelles, mais bien bras arm� d'un pouvoir absolu, nous glace d'effroi. Jamais l'invraisemblance l�gendaire des cinqui�me actes de Moili�re n'a �t� au contraire aussi vraisemblable : le nouveau monde broie tout dans sa toute puissance, les petits malfrats comme Tartuffe n'ont aucune importance, ils sont son emport�s comme f�tus de paille, rien que sur un claquement de doigt du monarque. Silence dans les rangs. Que rien ne bouge. Bigre. Bien s�r, Moli�re n'a pas vraiment voulu dire tout �a (depuis peu, il para�t que c'est Corneille, mais �a ne change pas grand chose), cependant, tout y est : il ne manque pas le moindre vers, pas le moindre mot. C'est �a l'int�r�t des grands classiques : ils disent non pas seulement l'universel du genre humain, Le Tartuffe ne "peint" personne, au fond, ou alors des arch�types plut�t passe-partout, mais ils montrent la v�ritable �me d'une �poque, ils sont une le�on d'histoire. C'est ce que Roger Planchon nous a appris � tout jamais.
Pens�e de la nuit N� 30 "Oui, les journaux avaient raison. Toute l'irlande �tait couverte de neige. Elle tombait de toutes parts sur la sombre plaine centrale, sur les collines sans arbres, tombait doucement sur le mar�cage d'Allen et, plus � l'Ouest, doucement tombait dans les vagues sombres et rebelles du Shannon. Elle tombait, aussi, sur chaque coin du cimeti�re solitaire de la colline, o� Michael Furey �tait enterr�. Elle recouvrait d'une couche �paisse les croix et les pierrres tombales pench�es, sur les piques de la petite grille, sur les �pines st�riles. Son �me d�faillait lentement tandis qu'il entendait la neige tomber l�g�rement � travers l'univers et l�g�rement tomber, comme la descente de leur fin derni�re, sur tous les vivants et les morts." James Joyce. Les morts
L�, pr�sentement, je me souviens de Valentina Terechkova, tiens, voil� !

15 juin 2003

Je me souviens des premi�res "glaces � l'italienne" qu'on vendait dans la rue au quartier latin, une patisserie, quelque part entre le Maheux et Capoulade. deux parfums seulement : fraise et vanille
Ce soir, pour changer, un peu de cul, mais si, histoire de faire monter un peu, si j'ose dire, j'ose donc, le taux de fr�quentation de ciscoblog (n'oubliez pas de cliquez sur la photo de la belle jeune femme, it's more fun !) (via Geisha Asobi)

12 juin 2003

Fen�tre sur cour N�22 (la derni�re ?)


ah, le Laphrohaig !


















10 juin 2003

Pens�e de la nuit N� 29 "Gertrud Stein a �crit : "I write for myself and strangers."J'�cris ce ci pour mes amis ; c'est une mani�re de signe. Pour moi-m�me aussi ; afin peut-�tre pour discerner o� j'en suis. Peut �tre aussi pour ne pas cesser de continuer. J'�cris ceci pour ceux que je tra�ne, sans les pr�venir dans ces pages. Et pour d'autres que cela pourrait int�resser."Jacques Roubaud, Le Grand Incendie de Londres.
Chaque mercredi, je re�ois une page de Carlotta. Cette semaine �a parle de nage (du verbe nager, dans l'eau). Il y avait ce texte magnifique d'Henri Michaux que je m' empresse de recopier int�gralement.

La Paresse

L'�me adore nager.
Pour nager on s'�tend sur le ventre. L'�me se d�bo�te et s'en va. Elle s'en va en nageant. (Si votre �me s'en va quand vous �tes debout, ou assis, ou les genoux ploy�s, ou les coudes, pour chaque position corporelle diff�rente l'�me partira avec une d�marche et une forme diff�rentes, c'est ce que j'�tablirai plus tard.)
On parle souvent de voler. Ce n'est pas �a. C'est nager qu'elle fait. Et elle nage comme les serpents et les anguilles, jamais autrement.
Quantit� de personnes ont ainsi une �me qui adore nager. On les appelle vulgairement des paresseux. Quand l'�me quitte le corps par le ventre pour nager, il se produit une telle lib�ration de je ne sais quoi, c'est un abandon, une jouissance, un rel�chement si intime...
L'�me s'en va nager dans la cage de l'escalier ou dans la rue suivant la timidit� ou l'audace de l'homme, car toujours elle garde un fil d'elle � lui, et si ce fil se rompait (il est parfois tr�s t�nu, mais c'est une force effroyable qu'il faudrait pour rompre le fil), ce serait terrible pour eux (pour elle et pour lui).
Quand donc elle se trouve occup�e � nager au loin, par ce simple fil qui lie l'homme � l'�me s'�coulent des volumes et des volumes d'une sorte de mati�re spirituelle, comme de la boue, comme du mercure, ou comme un gaz - jouissance sans fin.
C'est pourquoi le paresseux est ind�crottable. Il ne changera jamais. C'est pourquoi aussi la paresse est la m�re de tous les vices. Car qu'est-ce qui est plus �go�ste que la paresse?
Elle a des fondements que l'orgueil n'a pas.
Mais les gens s'acharnent sur les paresseux.
Tandis qu'ils sont couch�s, on les frappe, on leur jette de l'eau fra�che sur la t�te, ils doivent vivement ramener leur �me. Ils vous regardent alors avec ce regard de haine, que l'on conna�t bien, et qui se voit surtout chez les enfants.

(in La nuit remue)

09 juin 2003

Merveilles 6

Kathleen Ferrier par Cecil BeatonKathleen Ferrier, comme me l'apprend la notice du CD, est morte � quarante et un ans. J'ai toujours pens� que Kahtleen Ferrier �tait morte bien plus jeune. A vingt-cinq ou trente ans, pas plus. Au fond, bien s�r, elle est morte jeune, mais pas si jeune que �a. C'est la l�gende qui l'a rajeunie encore, probablement, peut �tre parce qu'elle a commenc� � chanter "tard", vers les trente ans. Elle aurait tout de m�me plus de 90 ans aujourd'hui. A l'�poque, on mourait encore souvent tr�s jeune (apr�s, on a su soigner la leuc�mie et puis est arriv� le SIDA, nous en sommes toujours � peu pr�s au m�me point...). De toute mani�re, mourir jeune a toujours �t� une sorte de manie chez les musiciens dou�s : Purcel, Mozart, Schubert (le record ?), Mandelssohn (ou peut �tre lui ?), et plus pr�s, Dinu Lipati, par exemple, et Scott Ross. D'ailleurs Lipati et Ferrier forment un couple dans le coeur de certains. On n'a pas h�sit� � les comparer � des anges du ciel, des com�tes fulgurantes de la musique, etc. Kathleen Ferrier �tait une vraie contralto, une contralto naturelle. Elle avait presque une voix d'homme, c'est beaucoup plus rare que l'inverse. Une voix d'homme qui aurait �t�, disons, "normale" pour un t�nor, mais avec des capacit�s extraordinaires dans les aigus. Pendant que j'�cris, en temps r�el, comme on dit maintenant, passe derri�re moi, sur la petite cha�ne de mon bureau, les "Kindretotenlieder" de Malher dans l'interpretation de Ferrier et Bruno Walter. Difficile de ne pas penser � la mort en �coutant �a, n'est-ce pas ? Les "Kindertotenlieder", c� ne s'�coute pas n'importe quand. La plupart du temps, presque toujours, m�me, je n'ai pas du tout envie d'�couter les "Kindrtotenlieder" que je tiens pourtant pour une v�ritable merveille. C'est plut�t bon signe, au fond. Ca co�te. C'est dur. Ca fait mal : les "Kindertotenlieder" sont une �preuve. A vrai dire, je dois toujours faire un effort intellectuel pour �couter Malher ; c'est une musique difficile, en g�n�ral. Avec les 'Kindertotenlieder", c'est particuli�rement difficile, mais cela ne vient pas du c�t� intellectuel : on ne peut pas se dire : "Tiens, j'�couterais bien un petit coup de "Kindretotenlieder", en buvant l'ap�ro, par exemple, ou en se livrant � une t�che r�p�titive. C'est le genre de musique qui n�cessite vraiment un �tat particulier pour l'�couter. Il y a certains �tats, les plus fr�quents, o� ce n'est pas le moment d'�couter les "kindertotenlieder", on a mieux � faire, dieu merci. Impossible � entendre si, par exemple, on est gai. Moi, je pr�f�re �couter les choses tristes quand je suis triste, pas quand je suis gai, ou d'humeur neutre. Les musiques tristes ont un c�t� consolant, d'habitude : il y a, au fond d'elles quelque chose qui vous rend espoir, rien que parce que la beaut� ne peut pas �tre fondamentalement mauvaise (voyez les requiems, celui de Campra, par exemple). Avec les Kindertotenlieder, non, pas du tout.Tout est sombre, d�sesp�r�, desesp�rant, et incroyablement beau. Les Kindretotenlieder ne vous consolent tout simplement pas. Ils continuent de vous d�chirer. C'est une des rares musiques qui a la capacit� de vous rendre tristes m�me quand vous �tes gais, qui semble porter en elle une vraie souffrance, atroce, continuelle, infinie. Attention, les "Kindertotenlieder" peuvent carr�ment vous saper le moral, � eux tout seuls. Il vaut vraiment mieux les �couter quand on est vraiment triste. Il y a moins de risques, pour ainsi dire. C'est ce qui est en train de m'arriver, merde. En temps r�el, merde.

08 juin 2003

Je me souviens du 3 mai 68. Voil� de quoi je me suis souvenu ce soir, qui n'est absolument pas le soir du 3 mai. Fid�le � ma m�thode, j'ai fait le vide dans mon esprit et attendu de monter dans le premier souvenir qui passait. C' est mai 68 qui est arriv�. Je me suis souvenu de mai 68. J'ai alors voulu �crire : je me souviens de mai 68. Mais (mai...), j'ai pens� que cela faisait un peu trop gros je me souviens de mai 68. J'ai pens� qu'il fallait un peu, comment dire, r�tr�cir la focale. J'ai alors �ssay� de me souvenir quel jour de mai avait vraiment commenc� mai 68. Je me suis souvenu du 3 mai 1968. J'�tais chez mes parents avec des copains de m�decine et nous r�visions les examens qui allaient bient�t arriver. Je me souviens tr�s bien : de la salle � manger de l'appartement du troisi�me �tage du 119 boulevard Saint Michel, o� nous avions �tal� nos bouquins sur la table familiale, nous pouvions entendre le bruit de la manif, pas encore bien grosse, �videmment, et celui des bombes lacrimog�nes ; nous nous sommes approch�s de la fen�tre et avons assist� � une belle charge de CRS. Nous nous sommes dit : "pourvu que cela continue, nous ne passerons pas nos examens ! " Mais nous n'y croyions pas une seconde... Quelques jours plus tard, nous �tions dans la rue etc. Mais je ne suis pas l� pour vous raconter mai 68. Ce que je voulais vous dire �tait que j'�tais tomb�, en faisant une recherche Google sur le "3 mai 68", pour �tre s�r que �a avait bien �t� le premier jour de mai 68 (ce qui semble le cas, bien que, comme chacun sait, le premier jour de mai 68 a �t� le 22 mars), je suis tomb� sur ce site compl�tement fou mais comme disait un copain de classe de sixi�me que je respectais beaucoup : "il faut de tout pour faire un monde", et que j'ai failli m'y noyer. Ne cliquez pas ! Je vous aurai pr�venu !

07 juin 2003

Fen�tre sur cour N�21 (la revoil�, encore et toujours !)


trois pigeons s'aimaient d'amour tendre
















06 juin 2003

La nuit tombe vite. Bient�t tout est noir. Il y a comme un silence. Les urgences se ramassent sur elles-m�mes, comme pour se pr�parer aux tensions de la nuit. La noria des voitures de pompiers et des ambulances va bient�t commencer. Elle ne cessera, au mieux, que vers trois heures du matin. Puis ce seront les heures creuses de la nuit, plus ou moins longues, qui font comme une caverne temporelle, o� la souffrance fait une pose et accorde un peu de repos aux bless�s et aux infirmi�res �puis�es. Mais nous n'en sommes pas encore l�. Monsieur R., le gros b�b�, se r�veille et se rendort, sans �merger vraiment, selon le rythme oscillant de son organisme qui se purge par �-coups des derniers restes du triste festin de la veille. Pourvu qu'il ne se r�veille pas � contre temps, au milieu de la nuit, pensant qu'il est midi. On verra bien. Tout � coup, sans pr�venir, la fatigue me tombe dessus. Je me sens seul et las. De plus en plus souvent, je sens ce harassement dont parle Jean Reverzy dans "Place des angoisses" me dissoudre entrez chien et loup. Tout me p�se, le moindre geste me co�te, l'�nergie qui me manque me semble irr�cup�rable � jamais ; je suis vid�. Je ne devrais plus faire de gardes, � mon �ge, mais c'est seulement � ce moment pr�cis que je "sens mon �ge", comme on dit (le reste du temps je le contiens, je le tiens � l'�cart, je le traite par le m�pris). Chaque week-end de garde, je me fais cette promesse d'ivrogne : l'ann�e prochaine, j'arr�te. Cela dure depuis cinq ans�au moins. Passons. Je pense � mon amoureuse. Elle ne m'a pas appel� depuis le coup de fil de ce matin, furtif. Sa voix, mais aussi son corps, me manquent. Passons aussi. D'ailleurs voici qui me sort de ma m�lancolie : on m'appelle encore. C'est pour un couple. Le mari am�ne sa femme. Elle s'est remise � boire depuis quelques jours. Ils ne sont pas loin de la cinquantaine, assez beaux tous les deux. Elle, c'est une alcoolique s�v�re, lui c'est un mari d'alcoolique (d'habitude, on dit plut�t : femme d'alcoolique�). Elle a d�j� subi plusieurs cures de d�sintoxications. La derni�re date d'� peu pr�s trois mois. Les p�riodes d'abstinence r�tr�cissent dangereusement. le mari � raison de s'inqui�ter. Le bureau des psys est devenu un huis clos tragique : ils rejouent l� la sc�ne pour au moins la trenti�me fois de leur vie. Je me sens spectateur, voyeur. Je le leur dis, et l'"entretien" d�marre vraiment. Nous parlons plus d'une heure. L'entretien se termine sur une note d'optimisme raisonnable : la rechute est peut-�tre enray�e, � elle de voir. Ils ont bien fait de venir, tous les deux. Je me suis senti utile. La fatigue s'�tait seulement tapie dans l'ombre : d�s que je passe dans le couloir, elle me saute � nouveau � la gorge. Le parvis des urgences est plein de vent, de camions de pompiers, d'ambulances et de familles hagardes. Install� dans ma Clio, je ne d�marre pas. Une toux s�che, que je connais bien et qui me fait office de compagne ces derniers temps s'est empar� de moi. Elle ne me l�chera pas avant deux ou trois heures, je le sais, (il y a probablement quelque chose d'�cre, dans l'air, � Longjumeau qui ne me r�ussit pas�) et elle me quittera aussi soudainement qu'elle est venue. Je me d�cide � mettre le contact. Premi�re escale � l'internat. Je m'aper�ois que je meurs de faim. Je suis une vielle rosse � la mangeoire� Les psys de garde dorment au CMP, qui se trouve � cinq cent m�tres de l'h�pital. On peut dire qu'en comparaison avec les chambres de garde sordides de Vigneux, Corbeil ou Evry, c'est un v�ritable palace. Le seul probl�me, ce sont les cinq cent m�tres justement : au milieu de la nuit, si on est appel�, il faut non seulement s'habiller, mais sortir dans le froid, prendre la voiture, achever de se r�veiller en traversant la ville endormie. Mais pour l'heure, je profite avec d�lice de la salle de bain et de sa vraie baignoire (il y a aussi la t�l�, dans un salon confortable, une cuisine, un frigo, des tableaux. contemporains aux murs renouvel�s tous les mois comme dans une galerie, le luxe int�gral). J'aime les bains tr�s chauds. Quand l'eau refroidit, je rajoute de l'eau br�lante. Plaisir. Je barbotte, je marine, je mac�re. Je somnole. Je r�ve. Ou alors, quand je suis moins crev�, je lis un polar en �coutant 89,9 ou en t�l�phonant avec mon ami Gilles, par exemple, qui fait une pose dans ses r�visions pour son concours de l'�cole de la magistrature. Je lui parle de mon amoureuse, il me parle de la sienne. J'adore les patatis et patatas des conversations avec l'ami Gilles. L'heure avance. Pas d'appel ce soir. Si. En voil� un. Il faut sortir du bain s'habiller etc. C'est minuit, l'heure du crime. C'est madame D. Elle a �t� admise aux lits porte dans l'apr�s midi, compl�tement ivre. Elle a cinquante ans bien d�grad�s. Quand j'arrive, elle fait la conversation avec les infirmi�res, on se marre, on se bidonne, dans l'office. Elle raconte qu'elle est une femme battue. Elle a un enfant de onze ans. Mis�re, mis�re. Qui s'en occupe � ct'heure ? Son p�re, ben, enfin, je dis son p�re, son beau-p�re, le p�re il y a longtemps qu'il est loin. Il a vingt cinq ans de moins qu'elle. Il boit aussi mais moins, il faut le reconna�tre. Il lui tape d'ailleurs dessus pour qu'elle boive moins, au fond. Il l'enferme, mais, notez, elle r�ussit toujours � sortir, alors il la tape encore. Normal. Mis�re, mis�re. Elle boit dur rouge � dix francs, de chez l'arabe, il lui a bien dit � l'arabe de ne pas lui vendre de vin, mais il est sympa l'arabe, il lui en vend en cachette. On se marre, on se bidonne. Elle veut rentrer chez elle pour s'occuper du petit. A ct'heure ? Mais il dort le petit ! Pensez-vous ! Il fait la foire, je parie qu'il ne lui a m�me pas fait son d�ner. D�j�, elle a la tremblote. Il lui faut sa dose. Mis�re, mis�re. C'est pour �a qu'elle veut sortir, pas pour le petit. Sa bonne humeur est communicative, elle me trouve sympa. On va la laisser sortir, sinon il faudra lui faire des perfusions de gros rouge pour �viter le delirium.(extrait de l'�puisement du week end. Pour en savoir plus, cliquez en LCD)
Entre une garde calme � l'unit� clinique de Vigneux et une garde charg�e aux urgences d'Evry, je pr�f�re presque toujourds une garde agit�e � l'h�pital de Longjumeau.

04 juin 2003

Terreur nocturne, premi�re partie

Je me souviens d'une image terrifiante � la t�l�vision. C'est mon premier souvenir d'image terrifiante. Il n'y en a pas eu beaucoup d'autres apr�s. C'�tait vers les sept huit ans. Pourquoi y pens�-je maintenant � nouveau, apr�s toutes ces ann�es ? pourquoi fait-elle, cette image, quasiment irruption dans le pr�sent comme le retour inattendu d'une com�te oubli�e ? Je ne sais pas. C'est sans doute pour �a, justement, parce que je ne sais pas, qu'il me faut la raconter. Ce souvenir n'est pas un "je me souviens". Il n'ira, en aucune mani�re, allonger la liste de "je me souviens" (JMS) de la LCD (La Colonne de Droite, cliqez, si vous voulez). C'est un souvenir beaucoup trop personnel. Les "je me souviens", selon la r�gle �tablie par Georges Perrec, sont des souvenirs personnels mais pas trop qui pourraient appartenir � tout le monde ; enfin, � beaucoup de gens d'une m�me g�n�ration, m�me, et surtout, s'ils ne se connaissent pas. C'est toute la magie des "Je me souviens". Ils (re) construisent une histoire. Ils sont comme l'intersection math�matique de deux ensembles : l'un collectif, nous, pris dans le mouvement des choses, et l'autre individuel, moi, seul au fin fond de ma galaxie. Les "Je me souviens" sont comme le reste, la scorie, le produit de notre s�paration d'avec le monde. Ils sont le t�moin que j'ai exist� dans ce monde, puisque d'autre peuvent se souvenir du m�me souvenir ; ils sont le t�moin que ce n'est pas seulement mon souvenir, � moi : toute une cascade de souvenirs s'encha�nent, leurs souvenirs, ceux des autres, qui commencent d�j� � diverger d�j� � cent � l'heure ; mais il reste qu'un seul souvenir a suffit pour nous rassembler, comme � un carrefour o�, juste � la minute d'apr�s, chacun partira dans d'autres directions, lecteurs inconnus les uns aux autres ; souvenir de rien ou presque, ordinaire, infra-ordinaire, mais qui nous �meut jusqu'aux larmes, parce que nous d�couvrons que nous ne sommes pas toujours seuls ; ils sont aussi le t�moin que ce monde n'est plus, qu'il a seulement �t�, et que nous continuons d'exister, s�par�ment, malgr� son absence, ostinato. La "liste des je me souviens", celle de Perrec, mais aussi la mienne ou celle de quiconque, puisque la g�niale intuition de Perrec a �tabli une fois pout toute le droit de proclamer que nous sommes moi et nous, en m�me temps, a exactement la m�me fonction que le roman. C'est une forme de roman imm�diat. Tout �crit partageable, ou l'auteur et le lecteur peuvent s'interchanger est un roman, par d�finition. La liste des "je me souviens est une fiction-non fiction partageable. C'est un roman, un roman imm�diat, mais un roman. Le souvenir de l'image terrifiante n'est � priori pas imm�diatement partageable ; il n'est donc pas un roman. L'image terrifiante est trop personnelle ou trop universelle, pour ainsi dire. Elle ne concerne que moi. Ou vous, mais pas nous. Ce n'est donc pas "un je me souviens". C'est mon souvenir. Je ne peux que le raconter. Je dois en faire le r�cit, pour le rendre partageable. Je me souviens d'une histoire terrifiante � la t�l�vision. C'�tait au temps de la t�l�vision dans la salle � manger (les "intellectuels" l'ont install�e, plus tard, au salon ou comble du snobisme dans la chambre � coucher.) Dans les premiers temps, elle tr�nait � la salle � manger. La t�l�vision �tait en noir et blanc. Nous regardions le "journal t�l�vis�", et non pas les "infos"(nous nous moquions de mongrandp�re qui disait les "nouvelles")) en mangeant la soupe. Apr�s le "journal t�l�vis�" (plus tard, apr�s "bonne nuit les petits", mais nous �tions plut�t d�j� assez grands), au lit. Je me souviens que nos parents �taient tr�s stricts l�-dessus. Il n'y avait aucune d�rogation. Sauf le mercredi (j'ai �crit le mercredi mais c'�tait le jeudi, j'ai voulu dire le jeudi), une heure plus tard, � la fin de la "Piste aux Etoiles" de Marity et Gille Carpentier. "Au lit !" disait notre m�re ou notre p�re, mais plus souvent notre m�re. Je crois que le jeudi soir sera jusqu'� mon dernier jour le jour de la Piste aux Etoiles. La r�gle se rel�chait un peu le dimanche soir, jour du cin�ma (il y avait d�j� eu un western en fin d'apr�s-midi, et non pas au d�but, pour respecter la promenade digesive et hygi�nique, ou un film de cape et d'�p�e ou un Laurel et Hardy). J'ai d�j� parl� des dimanches soirs de notre m�re et des caf�s au lait au pain azyme �mi�t�. J'ai d�j� dit qu'il y avait, ces soirs l�, comme une paresse bienveillante, une molesse qui tranchait avec l'ordre des autres jours. On pouvait grapiller dix minutes ou un quart d'heure. On regardait avec d�lactation le d�but du film avec Jean Gabin, Fernand Ledoux ou Pierre Larquet. Le "Au lit !" �tait un peu moins ferme, on pouvait faire semblant de ne pas avoir entendu, un peu, pas longtemps, il fallait tout de m�me y aller, au lit, finalement.

02 juin 2003

Tr�s longtemps que je n'avais pas ajout� un lien en LCD. En voici un, qui aurait du s'y trouver depuis longtemps. Ah, la voix d'ARTE, quel �rotisme !.
Fen�tre sur cour N�20 (la revoil� !)


Ay, ay, que calor !