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31 octobre 2003

Savez vous que lorqu'on tape "Google" sur Google on obtient vingt quatre millions sept cent mille r�ponses et que la recherche dure 0,06 secondes? (� raison de 10 r�ponses par page, cela nous fait exactement deux millions quatre cent soixante dix mille pages � lire. J'en suis � la trois vingt sixi�me et j'ai toujours le moral...)

29 octobre 2003

Et, avant d'aller me coucher, je ne peux manquer de vous "diriger" vers cette d�sopilante liste de chez Echolaliste, bien s�r (allez cliquer en LCD, je ne fais pas de lien, marre de vous macher toujours le travail). Et, � demain, si vous le voulez bien !

28 octobre 2003

Pens�e de la nuit N� 46 : "Les gens violents sont souvent des gens qui ne cassent rien" Philippe Geluck, le Chat.
Un vol d'oies du Canada en forme de fl�che vu � travers la fen�tre d'un bureau

26 octobre 2003

La roll's du site branch�, design tr�s smart, presque pr�tentieux � force de simplicit�. Les derniers liens hyper-mode. Indispensable pour premiers sortis de Science Po. Mais je ne vais pas faire la fine bouche (mouche ?) , on va dire que je suis rien que jaloux ! (pour languedeshakespearophones uniquement, n'est pas �litiste qui veut...)

24 octobre 2003

Je pense �

Tenir le journal pr�cis de tout ce que j'oublie. Et non pas de ce dont je me souviens. IL y a un tr�s beau texte de Pascal Quignard qui s'appelle "Le nom sur le bout de la langue". C'est une sorte de fable, un conte pour enfants dont je ne me souviens �videmment pas enti�rement. Il y avait le d�tail d'un tableau de Georges de la Tour sur la couverture. Le visage d'un enfant aux mains jointes devant les l�vres, �clair�, comme il se doit, par la flamme d'une bougie. Il me semble me souvenir qu'il y �tait question d'un chevalier qui promettait un tr�sor � un b�cheron et sa femme � condition qu'il se souviennent seulement de son nom quand ils serait revenu du long voyage qu'il entreprenait. Facile ! Tellement facile que le b�cheron et sa femme, s�rs de se souvenir du nom du chevalier ont attendu tout tranquilles des ann�es durant son retour, d�j� �merveill�s de poss�der un tr�sor si facilement acquis. Un jour le chevalier revient. Il demande au b�cheron et � sa femme de dire son nom. Bien s�r, facile, rien de plus simple, nous l'avons sur le bout de la langue, tenez, attendez, je vais vous le dire dans une minute, ah non, je l'ai sur le bout de la langue, est-ce b�te, attendez, je vais vous le dire, etc. et voil� que le b�cheron et sa femme ne peuvent plus dire le nom du chevalier, ils l'ont sur le bout de la langue mais ne s'en souviennent plus. Le nom ne sort pas de leur bouche. Ils �ssaient de le pousser au dehors mais rien n'y fait. Je ne me souviens plus de la fin du conte, je ne l'ai pas sur le bout de la langue, mais je sais que le b�cheron et sa femme n'ont jamais re�u le tr�sor. Juste � cause d'un nom oubli�, si facile � retenir. J'ai donc oubli� hier, pendant quelques heures le nom de mon architecte pr�f�r� en passant � Gentilly devant son dernier ouvrage en construction, l'am�nagement du carrefour Mazagran et le nouveau si�ge d'IPSOS. Pour vous donnez une id�e de l'envergure du bonhomme sachez, si vous ne le savez pas d�j�, que c'est lui qui a refait le mus�e Guimet et le stade Charletty � Paris, et l'Ecole Normale Sup�rieure � Lyon, entre autres. Le si�ge d'IPSOS, encore inachev� se dresse d�j� dans toute sa splendeur de verre et de marbre blond tout pr�s du p�riph�rique et r�pond au lyrisme du stade Charletty tout proche. Et voila que je ne me souviens plus du nom de l'architecte que je connais par coeur. Il g�t dans ma t�te, lov� dans mes circonvolutions mais refuse de se formuler. Je passe en revue tous les b�timent que je connais de lui, aucun ne manque � l'appel. C'est un architecte qui n'a jamais rien fait de m�diocre. Chacune de ses r�alisation frappe par sa tranquille beaut�. C'est proprement inoubliable. Je me souviens m�me d'avoir eu l'honneur d'�changer quelques mots avec lui � la tribune d'un colloque sur la Psychologie de l'espace et l'Espace pour la Folie il y aune quinzaine d'ann�es. Mais j'ai oubli� son nom. Je suis navr�. Il me vient, � la place le nom d'un autre architecte de la m�me g�n�ration : Claude Parent qui lui aussi a construit de tr�s belles choses. Mais je n'ai pas la m�me passion pour son oeuvre que celle que j'ai pour l'auteur du stade Charletty. Je continue de ma navrer sur le d�labrement inqui�tant de ma m�moire, quand soudain, le nom me revient. Gaudin. Henri. Henri Gaudin. Claude Parent m'�tait venu � cause de Parent. En effet mon p�re se pr�nomme Henri. Je d�couvre alors une source possible de mon admiration pour Gaudin...(la construction du nouveau si�ge d'IPSOS, Porte de Gentilly)
Pens�e de la nuit N� 45 : "La fille se tourna vers moi et dit : "En ce qui me concerne, je ne lui cracherais m�me pas dessus s'il �tait en train de br�ler"" Colum Mc Cann, Danseur

20 octobre 2003

un clich� de moi conduisant vers Seattle, pris au nord de Saint Helens au coucher du soleil.
je m'empresse d'ajouter en LCD ces deux sites sur lesquels je ne suis tomb� que ce soir, on se demande pourquoi depuis le temps que je fur�te (furte ? Fur�te ?) sur le web. Il y a beaucoup � lire de ces c�t�s-l�. Bonne lecture, donc.


Je me souviens de la guerre du Viet Nam, moi aussi. Merci � Douze Lunes pour ce superbe lien. Cela vaut la peine d'aller cliquer dessus sur son site

19 octobre 2003

Un ballon de volley de la marque Wilson, dans son emballage, sur lequel on peut voir l'empreinte un peu floue d'un visage humain.
Merveilles 8


Ce site s�appelle � CISCOBLOG � et pas les � CONFESSIONS � ni m�me les � NOUVELLLES CONFESSIONS � ni encore moins Les � TOUTES DERNIERES CONFESSIONS �. Pourtant, je veux faire ici l�aveu d�un vieux mensonge. Tr�s jeune, le th��tre fut ma passion. Il l�est rest� toute ma jeunesse, jusqu�� la naissance de mon premier fils. A ce moment l�, j�ai arr�t� de faire du th��tre, mais seulement pour des raisons qu�on qualifiera de mat�rielles,pour aller vite. J�ai arr�t�, mais j�ai continu� d�y aller, r�guli�rement. Je voyais tout ce qu�il y avait � voir, un long moment encore, avec le vague espoir de m�y remettre un jour. Et puis j�ai arr�t� : je ne vais plus au th��tre depuis plusieurs ann�es. Mon fils, Dieu merci, n�a rien � voir avec �a. Le th��tre me semble vid� de sa substance. Je le tiens, non pas pour un art moribond, mais bien pour un art mort (comme on le dit d�une langue, ce qui ne l�emp�che pas d��tre belle, sublime, parl�e, enseign�e, �tudi�e, etc.) On ne peut plus que le conserver (Com�die Fran�aise et Conservatoire�) depuis la fin des ann�es quatre vingt, depuis la fin du th��tre national populaire et des grandes compagnies, j�ai assist� � la lente agonie du Th��tre, si vivant dans les ann�es soixante et soixante-dix. La fabrication du th��tre exige une mati�re premi�re introuvable de nos jours : le collectif. Le th��tre est affaire de troupe, il est affaire de groupe, de horde, de compagnie. Il est affaire de public de spectateurs (ne disait-on pas Th��tre Public, dans les ann�es soixante-dix, en jouant sur les mots ?). Le th��tre ne peut se faire sans le lien social dont il est lui-m�me, par essence, une forme. Cet �tre ensemble n�est pas seulement un �l�ment de la production du th��tre, toute production exige, bien s�r du lien social (quoique, ces derniers temps..), c�est v�ritablement son fondement existentiel. Le th��tre, plus que tout autre art, ne se con�oit qu'� raison du lien qu'il peut cr�er entre des hommes ; depuis le d�but des ann�es quatre-vingt dix on assiste � la fin inexorable du �tre ensemble . Et ce n'est pas fini. L�homme redevient un loup pour l�homme dans les eaux glac�es du calcul �go�ste. La grandeur et le malheur du th��tre, est que jamais il ne pourra devenir une industrie, � l�instar de son petit fr�re, le cin�ma, et de sa petite fille, la t�l�. Son temps semble d�finitivement r�volu. Contrairement � ce qu'on croit, nous ne sommes plus au temps du pain et des jeux ni m�me de la culture de masse. Nous sommes au temps du cocon et du "home cin�ma". On se croit ensemble au stade, mais en r�alit�, c'est un par un devant la t�l�. Finis les commuinions populaires et les rappels qui durent une demi heure. Mais je m��gare. J�ai dit que je voulais faire l�aveu d�un mensonge. Voici. C�est une petite histoire que j'ai invent� et � laquelle j�ai fini par croire moi-m�me. J�ai eu, en classe de seconde et de premi�re, un adorable professeur de Fran�ais, monsieur Marchais - j�avais failli avoir Jean Louis Bory, mais apr�s avoir re�u le prix Goncourt, il venait de quitter l�enseignement pour le journalisme, mais je m��gare encore : comme la confession est difficile ! - Ce d�licat professeur, donc, avait devin� ma passion, ce qui n��tait pas tr�s dur. Un jour, apr�s la classe, j��tais venu � son bureau lui parler de mise en sc�ne, et il m'avait incit�, non sans tact et bienveillance, � parler de mon d�sir de continuer dans cette voie plus tard. Il y avait, me disait-il, dans la classe terminale d�un coll�gue, � Louis le Grand, un jeune homme un peu plus �g� que moi qui montait des spectacles tr�s int�ressants. Il me sugg�ra d�aller le rencontrer. Je me promis de le faire et j�oubliai. Jamais je n�ai �t� voir le jeune passionn� de Louis le Grand. C��tait Patrice Ch�reau. Si j�avais rencontr� Patrice Ch�reau, ai-je toujours racont�, comme l�adorable professeur me l�avait sugg�r�, mon destin en aurait �t� chang�. Tout est d�ailleurs vrai : Le lyc�e Henri IV et le lyc�e Louis le Grand, le prof de Fran�ais, ma � vocation � th��trale, les �tudes de Ch�reau � Louis le Grand, tout sauf la conversation sur Ch�reau et la suggestion de monsieur Marchais d'aller le rencontrer. Je l�ai invent�e, il y a tr�s longtemps, a posteriori, quand j�ai appris que Ch�reau, � peu pr�s � la m�me �poque, avait fait ses �tudes � Louis le Grand. C�est l� que r�side le mensonge auquel j�ai fini par croire. Jamais je n�ai � manqu� � une quelconque rencontre avec Ch�reau, pour la bonne raison que si Ch�reau avait bien fr�quent� le Lyc�e Louis le Grand, c��tait assez d�ann�es avant pour que la rencontre ne puisse pas se faire : il a en r�alit� cinq ans de plus que moi, et non pas deux ou trois. A ces �ges l�, c�est suffisant pour se rater. En 1965 quand je finissais premier en po�sie avec monsieur Marchais, en premi�re, il montait sa premi�re pi�ce � vingt et un ans au festival de Nancy : les soldats, de Jacob Lenz. Quand � Richard II, je l�ai vu � l�Od�on, au poulailler, en 1968, juste avant les �v�nements, en deuxi�me ann�e de m�decine. Ch�reau, qui interpr�tait lui m�me Richard, avait imagin� une mise en sc�ne machinique. Jamais les acteurs ne touchaient le sol. Les protagonistes �taient transport�s en chaises � porteur ou � bout de bras par une arm�e de serviteurs, en liti�re. Des dialogues entiers se passaient sur ces hauteurs. Il y avait de v�ritables ballets de liti�res, comme des man�uvres militaires. La m�taphore �tait simple et g�niale. Mais elle demandait d��tre fil�e jusqu�au bout : les acteurs �taient parfois port�s d�un point � un autre (les remparts d�un ch�teau, par exemple) par des palans ou de grues de bois aux rouages compliqu�s, avec des filets de grosses cordes, man�uvr�s par des serviteurs harass�s, ou bien si jamais ils marchaient, c��taient sur des praticables �troits et hauts comme des ponts. Tous de haute lign�e, rois, princes, ministres, jamais ils n'avaient un regard sous eux, plus bas sur le sol, sur la poussi�re � laquelle ils allaient retourner t�t ou tard. Mais cette poussi�re, ce sable du d�sert �tait foul� en revanche, retourn�, labour�, pourrait-on dire, par les mille pas des esclaves qui les portaient ou actionnaient les machines. Comme dans beaucoup de pi�ces de Shakespeare, il n�y a pas beaucoup de r�les f�minins, mais quels r�les ! Il y a donc dans Richard II et la reine. Il y a une sc�ne d�adieu fameuse et sublime entre les deux personnages. Ils se tiennent de chaque c�t� de la sc�ne � l�extr�me limite de deux praticables qui se font face, s�par�s par le vide abyssal. Au moment de l�adieu, leurs deux corps embrass�s se rejoignent, r�tablissant la continuit� du pont. Quand on les arrache l�un � l�autre, il n�y a plus que le vide. Mais la d�ch�ance de Richard est inexorable. C�est le seul personnage qui touchera le sol. Mais ce sera comme un crash. La machine qui le broie le jette � terre, il mord litt�ralement la poussi�re, il s'y vautre. La sc�ne est devenue subitement nue, les machines ont disparu comme par enchantement et il n�y a plus que cet homme qui va mourir seul sur le sable et sous la lune.
Pens�e de la nuit N� 44 : "Surtout les vieillards sont dangereux � qui la souvenance des choses pass�es demeure et ont perdu la souvenance de leurs redites. " Michel de Montaigne, Les Essais

18 octobre 2003

L'l'incroyable aire de parking au rocher nomade : on voit une route deserte, une voiture gar�e sous une pancarte indiquant le mot parking, mais on ne distingue aucune place de parking ni aucun rocher nomade se posant sur ce paysage desep�r�ment plat.

The sign leading the way to the giant rock that was dropped by a glacier in the middle of nowhere. On voit une pancarte o� est inscrit que le rocher errant de l'�poque glaci�re se trouve par l�, dans le sens de la fl�che.
Les aventures de Lyse Ananas, dix-septi�me et dernier �pisode



Et pour finir sur ce chapitre, provisoirement au moins, une derni�re anecdote. J�avais tout de m�me abord� avec H. la fameuse question de l�analyste inconnu, pas encore enseveli sous l�arc de triomphe puisque bien vivant dans son fauteuil derri�re le gisant que je devenais trois fois par semaines sur son divan, j�avais longuement tourn� autour du pot en ruminant toujours les m�mes plaintes et me houspillant moi-m�me de ne pas �tre plus productif ou imaginatif. Je ne parvenais pas � d�passer l�imp�ratif imb�cile qui avait pr�sid� � mon entr�e en analyse, celui d�un analyste obscur, inconnu du public de l�analyse, ne publiant pas, � qui je refusais par avance le droit d�avoir une opinion pour ne pas me voir oblig� de la critiquer. Je passais litt�ralement mes s�ances � les perdre, comme disait mon analyste, puisqu�il me fallait v�rifier � chaque fois son absence d�insertion dans le Grand Monde, o� � peine parvenu sur pi�destal du Savoir et de la C�l�brit� il n�aurait �videmment pas manqu� de se faire descendre, � ma grande honte, par mon intransigeance et mon honn�tet� fonci�re. Il se taisait tout le temps, comme je l�ai dit. Un jour, alors que je venais pour la cinquanti�me fois de me plaindre de son silence, et que bien camp� sur la position sadique ch�re � M�lanie Klein, je le couvrais, tout en me tordant de honte et de douleur, non sans d�lectation, de mes doutes, voire enfin de mes certitudes sur son incapacit� � comprendre quoique ce soit, j�entendis derri�re moi sa voix manifestement agac�e mais ferme : � C�est vous qui ne voulez pas que je parle ! Il ne faut surtout pas que je parle. � Je lui r�pondis au comble de la rage que c��tait un peu facile comme r�plique, et que pour une fois que j�entendais le son de sa voix, c��tait dr�le de m�entendre dire que, moi, je l�emp�chais de parler. Je refusai d�associer plus loin, et devant tant de mauvaise foi d�cidai de garder moi aussi le silence. J�attendis qu�il se l�ve pour lever la s�ance. Cela dit, j'avais retenu la phrase, "C'est vous qui ne voulez pas que je parle", elle m' accompagna comme une ritournelle, je la retournai tous les jours dans tous les sens comme une poule qui avait trouv� un couteau, et, en dehors du fait que je la trouvais un tantinet agressive, je ne pus jamais lui trouver sa v�ritable signification : "Mais pourquoi donc l'emp�cherais-je de parler, alors que je ne lui demande que �a ?" Au fond, c�est peut-�tre l� que H. ne fut pas parfait ou qu�il me surestima : Il dut penser que la r�ponse �tait si �vidente qu�il n�avait pas � la formuler lui-m�me. Moi en tout cas je ne l�aurais jamais formul�e sur son divan, non pas par obstination, par refus, mais par b�tise, litt�ralement, cette r�elle b�tise que conf�rent, m�me aux plus grandes �mes dont j��tais au fond persuad� de faire partie, les fameuses R�sistance et autre Compulsion de R�p�tition. Bien s�r que je tenais plus que tout � ce qu�il se taise, quelles qu�aient �t� mes protestations du contraire, tout autant � ce qu�il n��crive pas, ce qui est aussi une forme de silence, puisque mon plus grand souci �tait de ne pas avoir � m�affronter � une quelconque manifestation de sa d�faillance, d�faillance qu�il n�aurait pas pu s�emp�cher de montrer en parlant et encore plus en �crivant. Certes, H. avait d�jou� le pi�ge d�avance, il s��tait conform� � mon d�sir de le voir occuper une place inattaquable, esp�rant que le paradoxe me sauterait rapidement aux yeux, mais il n�en fut rien, malheureusement, et l��pisode m�me de Sigismond, parfaitement paradoxal, et sa r�solution presque dix ans plus tard ne fit rien � l�affaire. Je restai donc des ann�es sur cette parole que je ne voulais pas qu�il parle, mais sans en tirer les cons�quences et donc sans avancer d�un pouce vers la r�solution de mon analyse. Elle eut une fin, plus chaotique que progressive, mais une fin tout de m�me, que je ne vais pas narrer ici par le menu, qui proc�da plus de l�acceptation d�un �chec que de la satisfaction du travail accompli. Bref, c�est vers cette fin que se tient l��pisode que je veux raconter. Il me faut avant cela, une derni�re fois revenir sur l�une des rares paroles que je l�entendis prof�rer, bien avant cette p�riode. Alors que je tenais mon habituel discours sur la publication et l��criture et la th�orie, sur ma terreur de d�couvrir un �crit de sa plume et mon incompr�hension de tout �a, il tenta, je devrais avoir l�honn�tet� de dire, il tenta une fois de plus, de nous sortir de l� par une parole que je pris d�embl�e pour rien d�autre qu�une provocation sibylline : � Mais j��cris, il serait tr�s facile de savoir o�, si vous teniez � me lire� �. Allons donc, qu'est-ce que c'�tait que cette nouvelle sornette, voil� maintenant qu'il �crivait, en dehors du cercle analytique, semblait-il me dire, et je n'aurais pas su o�, ni sur quoi ? Des romans ? Des po�mes ? Des comptes-rendus sportifs dans les journaux ? des chansons? Allons donc. Je refusai d'y croire et d�cidai de l'oublier, tout simplement, tant que, Dieu merci, son nom n'apparaissait pas en �vidence sur les piles de livres de chez Maspero ou d'Autrement dit. Bien plus tard donc, bien encore apr�s la � r�solution � de � l�affaire � Sigismond, alors que j�avais commenc� � me faire � la relative c�l�brit� de mon analyste et qu�il n�en �tait r�sult� aucun cataclysme ni effondrement psychique, alors que je m��tais fait � l�id�e qu�il avait bien du commettre des articles dans quelques unes nombreuses revues issue de l�explosion de l�Ecole Freudienne mais que j�avais soigneusement �vit�es, il arriva que nous f�mes invit�s � d�ner chez les parents d�une vielle copine de cr�che de J�r�mie avec lesquels nous allions devenir amis. Cette copine, Emmanuelle Fanger, mais on disait Manu, �tait en fait � l��poque, ils avaient sept ou huit ans, le meilleur copain de J�r�mie. C��tait dr�le de la voir rejeter syst�matiquement tous les attributs des filles, les jeux, les v�tements, les coupes de cheveux et adopter ceux des gar�ons. La maman �tait institutrice dan l'�cole maternelle que J�r�mie avait fr�quent�e et le papa, Dominique �tait professeur d'�conomie, mais aussi grand amateur de Jazz. Sa discoth�que �tait vraiment tr�s impressionnante. C'�tait un grand blond barbu. il nous avait pr�par� un Tajine d�licieux tout en nous faisant �couter Ben Webster. C'�tait un type sympathique, actif et direct, ce qui contrastait avec la discr�tion et la timidit� de sa femme. Il n'y alla donc pas par quatre chemins et d�s la moiti� du d�ner me traita de juif : "Grossmann, c'est juif, �a !", et avant que j'aie eu le temps de m'offusquer il ajouta "C'est comme moi, Fanger"- "comment �a ?" R�pondis-je, moi qui n'avait jamais entendu Manu et sa m�re prononcer son patronyme autrement que "Fang�" - "Mais non, �a se prononce aussi "Fanneguerre", C'est d'origine allemande, juive allemande, comme Grossmann". Premi�re surprise. La soir�e s'avan�a. Son savoir sur le Jazz �tait v�ritablement encyclop�dique, et il le faisait tr�s bien partager, il nous appris qu'en dehors d'enseigner l'�conomie il collaborait r�guli�rement � Jazz Magazine. Il faisait des bios, des n�cros, et des critiques. "Mais j'y pense, toi qui es psychiatre tu connais peut-�tre mon copain Ofstin, en plus d'�tre psychiatre, il �crit aussi dans Jazz Mag. Ofstin, Auftsain ? - non vraiment �a ne me disait rien, il y a beaucoup de psychiatres. Il dit : " je l'appelle comme �a, moi, pour rigoler, mais son vrai nom c'est comme nous, Hofstein ! (Ofchtagne)". Seconde surprise, et de taille. Je lui dis que Hofstein �tait mon analyste, ce qui le fit s'esclaffer de rire. Ce que je ne dis pas, c'est que cette incroyable co�ncidence avait des ann�es plus tard r�solu l'�nigme des travaux d'�criture de mon analyste. Il me dit d'ailleurs que Hofstein venait de publier un livre sur le jazz qu'il me pr�ta sans savoir quel acte de violence il �tait sens� perp�trer en toute innocence. Mais je lus le livre, ne trouvai rien � y redire, en parlait � Hofstein qui bien s�r ne pronon�a pas un mot. A partir de ce moment l�, j'achetai plus ou moins r�guli�rement Jazz Mag, trouvai le nom d'Hofstein dans la liste des auteurs de la grande encyclop�die du Jazz publi�e chez "Bouquins", ouvris � nouveau les revues de psychanalyse, lus sans d�faillir les quelques articles de lui que j'y trouvai, vis son nom sans fr�mir �crit parmi d'autres sur le tableau noir de l'amphi Magnan � Sainte Anne alors que je me rendais � une r�union de "Pratiques de la Folie" et qu'il venait juste d'en quitter une autre. Je passai encore quelque temps � arriver en retard � mes s�ances ou les manquer sans pr�venir et finit par d�cider que c'�tait tout de m�me la fin. Il y eut encore deux ou trois soubresauts, essentiellement li�s � ma vie sentimentale, qui �tait particuli�rement agit�e � l'�poque, et la messe fut d�finitivement dite.

17 octobre 2003

sculpture-v�tement de Bela Borsodi


Bela Bosodi
froisse vos chemises ou vos sous v�tements et voil� ce que �a donne ! (via geisha asobi)
Je pense �

La nationale sept pour plusieurs raisons. Ce matin, j'�tais arr�t� au feu rouge au coin du grand Garage Renault " C�me et Bardon" � Viry en direction de Paris. J'attendais de tourner � droite et poursuivre vers Ch�tillon, puis Juvisy, Draveil et plus loin Vigneux, de l'autre c�t� du fleuve, s'enfoncer dans la jungle des villes. La journ�e ne promettait pas d'�tre r�jouissante. De vagues pens�es moroses et automnales traversaient lentement mon esprit comme des nuages pas press�s traversent un ciel d�lav�. Il y a des matins, comme �a o� vous vous sentez tout n�gatif, allez savoir pourquoi. Je pensais au travail, � la r�p�tition des t�ches, � la fatigue qui d�j�, si t�t dans la journ�e, alourdissait mes �paules ; je restaits le pied crisp� sur la p�dale d'embrayage sans penser � me mettre au point mort (parfois, dans les embouteillages, se mettre au point mort procure un bref mais r�el soulagement, j'oublie souvent d'y penser.) Je pensais � l'�criture. L'�criture, ce matin, �tait comme une promesse qu'on ne peut pas tenir. Je n'avais pas envie d'�crire. Je n'�tais pas en train d'avoir envie d'�crire, plus pr�cis�ment. Je n'avais pas envie d'�crire, pas plus que je n'avais envie d'aller � mon travail, qui est toute ma vie. Je ne pensais pas au repos, mais � la suspension. et encore, ce n'�tait pas aussi pr�cis que �a. Je pensais sans envie au manque d'envie. Il n'y avait aucune frustration, aucune col�re. Un constat banal, en somme : au milieu de ce paysage de banlieue informe, j'�tais enferm� en moi-m�me, j'�tais � la panne dans la Baie de Personne, contenu par ma petite auto qui faisait sagement la queue sur la nationale sept - ma ligne de vie - pour tourner � droite. Tourner � droite �tait mon seul objectif. Je me disais que ce soir, maintenant, il faudrait justement que j'�crive sur cette suspension, sur cette attente de rien. Puis le feu est pass� au vert. Et voil� que j'�cris que le feu est pass� au vert. La boucle infime du temps est boucl�e : j' ai �crit une vingtaine de lignes sur rien, � peu pr�s comme je ne m'�tais pas senti vivre, une ou deux minutes, ce matin m�me, � ce feu rouge de la nationale sept qui est ma ligne de vie. Je pense � nationale sept pour d'autres raisons. Hier, j'ai �t� invit� � la m�diath�que de Corbeil Essonnes p�ur dire quelques mots sur mes souvenirs de Lucien Bonnaf�, mort il y a exactement six mois. Personne ne conna�t Lucien Bonnaf� en dehors de mon milieu professionnel. Lucien Bonnaf� est mort il y a six mois � quatre vingt onze ans. C'�tait un "grand psychiatre"comme on dit. C'est lui qui a invent� la psychiatrie de secteur, si �a vous dit quelque chose, un mod�le d'organisation sanitaire qui a �t� repris dans le monde entier. J'avais �t� son interne, � Corbeil Essonnes, il y a bient�t trente ans ( non, j'exag�re : vingt cinq.) Je n'ai pas le droit de dire qu'il m'a tout appris, parce que �a n'est pas vrai, mais j'aime bien dire que je suis un ancien intene de Bonnaf�, pour me faire mousser dans la profession, quand j'en ai besoin, parce que c'est vrai, j'ai travaill� sous sa responsabilit�, plusieurs ann�es. Bonnaf� avait �t� colonel de la resistance, en Auvergne � Saint Alban dans son h�pital psychiatrique o� il avait cach� nombre de r�sistants c�l�bres dont par exemple Paul Eluard, puis secr�taire d'�tat dans les gouvernements de l'imm�diat apr�s guerre quand les communistes avaient vingt cinq pour cent, cent mille fusill�s, et des ministres (Charles Tillon, en l'occurence) au gouvernement du g�n�ral de Gaulle et enfin psychiatre � l'h�pital de Corbeil Essonnes. Lacan et lui avaient pris le th� ensemble. Tout juste si ce n'est pas lui qui avait psychanalys� Lacan, rien qu'en prenant le th�. C'est vous dire l'importance du personnage. Consid�rable. Mais je n'ai aucun sentiment particulier pour lui, comme l'affectent d'autres "�l�ves" qui l'ont plut�t moins fr�quent� : c'�tait un trop grand homme, il planait largement au-dessus de vous ; je n'ai jamais ressenti de vraie chaleur humaine � son contact. C'�tait un homme d'id�es, voire un homme politique, on �tait avec lui ou contre lui, il pensait qure j'�tais plut�t avec, ce qui �tait d'ailleurs vrai, et cela lui suffisait, � moi aussi. Il fallait �tre tr�s bien class� au concours de l'Internat pour pouvoir choisir son service et seulement quand vous �tiez un interne d�j� exp�riment�, en troisi�me ann�e. Impossible de le choisir en deuxi�me ann�e et encore moins en premi�re ann�e. De plus, au-del� de la dixi�me place au concours, et encore, peut-�tre m�me de la cinqui�me, vous n'aviez plus aucune chance. Il n'avait que les meilleurs. j'ai eu la chance d'en faire partie. Quand je dis la chance, je dis la chance, je sais tr�s bien ce que je veux dire. Bref, j'ai surtout parl� ce jour l� de la Nationale Sept, parce que Corbeil Essonnes est travers�e par elle de part en part, d'un c�t� Corbeil, de l'autre Essonne, et que la nationale sept est ma ligne de vie. Je n'ai rien � voir avec le fait que Bonnaf� avait d�cid� de faire d'une ville travers�e par ma ligne de vie l'un des premiers laboratoires d'une psychiatrie � visage humain. C'�tait un hasard, une chance, si on veut, voil� tout, et c'�tait ainsi. J'ai travaill� pratiquement vingt ans � Corbeil Essonnes. J'y ai m�me v�cu. J'y ai aim� plusieurs femmes. J'ai eu la chance d'y rencontrer des gens exceptionnels, dont Bonnaf�, mais pas seulement lui. J'en ai d�j� parl� et j'en reparlerai. Il y a encore une autre raison pour laquelle je pense � la nationale sept. Je viens de refermer le livre de Jacques Jouet "Mon bel autocar" qui est un v�ritable bijou. J'y ai appris que Jacques Jouet �tait originaire de Viry. Il y a dans ce livre une dizaine de pages sur la nationale sept, ou plut�t sur la mont�e de Juvisy � la hauteur de l'observatoire (o� Camille Flammarion a pratiqu� son astronolmie populaire) o� il faut sans arr�t changer de vitesse en fonction de la pente et des ralentissement dus aux embouteillages. Je ne me suis jamais, et je p�se mes mots, jamais autant retrouv� dans un livre que dans ces pages de la mont�e de Viry dans ce livre de Jacques Jouet. Je ne pensais m�me jamais retrouver ma ligne de vie dans aucun livre. Mais je comprends que �a ne vous int�resse pas beaucoup. Lisez quand m�me Jacques Jouet, c'est un �trange bonheur. (Jacques Jouet, Mon bel autaucar, Roman, chez P.O.L)
Deux jours c'est 0, 00055 % de dix ans. C'est toujours �a...

14 octobre 2003

si tu cliques l�, t'es mort ! (via Melubies, en super forme ces derniers temps)
Les aventures de Lyse Ananas, seizi�me �pisode


D�s mon retour en France, je ne manquais pas, quant � moi, de me pr�cipiter chez le H. dont il vient d��tre question, car, on l�aura devin�, mon analyse n��tait toujours pas termin�e. Je n�avais pas apport� la preuve de son mensonge pass�, c�est-�-dire le livre de Roudinesco, car je me doutais bien qu�il se doutait que j�avais lu le second tome de l� � Histoire de la psychanalyse en France � et que de toute fa�on il �tait inconcevable qu�il y nie sa participation. D�s que je fus install� sur le divan, j�attaquai, bille en t�te : � J�ai lu le deuxi�me tome du Roudinesco, vous �tiez bien Sigismond ! Ne niez pas ! Pourquoi m�avoir laiss� douter ainsi ! �. Il me r�pondit tr�s tranquillement, sans se d�monter, qu�effectivement Roudinesco �tait venue l�interviewer ( pourquoi me racontait-il les circonstances exactes de sa participation au livre ?) et qu�il lui avait r�pondu la v�rit�, qu�il n�avait pas pu faire autrement, mais ajouta-t-il aussit�t, qu�il n�avait pas pu faire autrement non plus que de me mentir, � moi, � l��poque.� Vous comprenez ? �. Non, je ne comprenais pas tr�s bien. Il redevint silencieux et me laissa moi-m�me �chafauder les hypoth�ses � haute voix, sans en d�mentir aucune. La plus simple �tait qu�en niant il prot�geait son anonymat, simplement, et que peut-�tre, je n�avais pas �t� le seul de ses analysants impliqu� dans le � mouvement � de la psychanalyse � me douter de sa duplicit� et que cela n�avait pas �t� un bon moment, disons � politique � de la d�voiler, j�aurais alors �t� comme soumis � une sorte de raison d��tat dont finalement je n�avais pas beaucoup p�ti. Je me souvins aussi du soulagement qui m�avait envahi � sa d�n�gation et aussi du fait, que plus jamais, dans les ann�es qui avaient suivi, je n��tais revenu moi-m�me en s�ance sur la question. Comme si je m��tais moi-m�me empress� de l�oublier, comme si j�avais voulu la refouler, la rel�guer dans le placard aux chim�res narcissiques et autres vices cach�s difficiles � avouer. L�hypoth�se �tait alors qu�il m�avait m�nag� : Il m�avait peut-�tre �vit� un � d�lire � encore plus massif, de toute puissance cette fois. A m�avouer � cet instant qu�il avait �t� Sigismond, il aurait mis mon int�grit� mentale en danger puisqu�une formation d�lirante naissante aurait rencontr� sa propre r�alit� et qu�il se serait, lui-m�me, alors r�v�l� exactement celui que je fantasmais, un p�re tout puissant, en lui demandant explicitement de demeurer un parfait inconnu. Quoiqu�il en soit je lui en voulus tout de m�me, et lui en garde encore une certaine rancune � l�heure ou j��cris ces lignes, comme s�il avait tout de m�me commis une faute � mon encontre : il aurait du me m�nager jusqu�au bout et ne jamais accorder d�interview � Roudinesco !
pluie du petit matin recueillie dans une feuille - mmh, pas si mal, pour un d�but

13 octobre 2003

Bonsoir. Ce soir, un peu d'�motion. Nous allons assister en direct presque live � la naissance d'un projet : ce jeune homme promet de publier une photo par jour de ses dix prochaines ann�es. H�ro�que initiative et promesse un peu folle. Ce n'est pas le premier photolog cr�� sur le net, loin de l�, et je ne suis pas tout � fait s�r que le photographe soit de premier ordre. Nous verrons � la trois mille six cent cinquanti�me livraison... Ce qui m'�motionne, pour ainsi dire, c'est la promesse sur dix ans. Il ya quelques centaines de temoins, voire quelques milliers... Quel engagement ! Parce que, une photo par jour, ce n'est pas la mer � boire, finalement, et ce n'est pas si fou que �a. Mon copain Franklin l'a fait pendant un an, sans m�me savoir ce qu'�tait un photolog ni m�me se servir d'internet, c'est dire. Il s'est simplement servi d'un appareil analogique et d'un album photo de bonne taille. Je pouvais suivre l'�volution du travail au fil, par exemple, des soir�es que nous passions devant les matchs de l'�quipe de France de football, cette ann�e l� (je n'arrive plus � me souvenir si c'�tait l'ann�e 2000 ou 2001 (Franck Horwat, avec ses moyens de photographe professionnel et renomm� venait de publier son journal photo (traduction fran�aise de photolog, pour les rares b�otiens qui fr�quentent encore ce site) de la derni�re ann�e du si�cle pr�c�dent)) En plus, il est facile de tricher : il suffit de prendre beaucoup de photos le m�me jour et de les �couler par la suite, une par une, au jour le jour, en pr�tendant que c'est la seule photo prise ce jour-l�. Fastoche ! (mon copain Franklin l'a fait, il avait toujours une photo de l'int�rieur de son appartement pr�te � suppl�er la moindre d�faillance de l'appareil ou de son propri�taire. Je peux t�moigner qu'il n'a pas eu souvent recours au stratag�me. Je pense que Franck Horwat y a eu lui aussi recours, surtout la semaine o� il s'est fait op�r� d'une mauvaise tumeur et o� il a pass� un petit moment en r�a. Ce n'est pas ce que je souhaite, bien s�r � notre jeune homme, mais tout de m�me, en dix ans, il peut s'en passer des choses ! y a-t-il seulement pens�, dans la fougue de ses trente et un ans ?) Tout de m�me, promettre une photo par jour pendant dix ans, c'est ce qu'on appelle se mettre au pied du mur... Je pourrai, quant � moi, lancer le projet suivant, qui serait tout aussi fou : cliquer une fois par jour pendant dix ans sur son URL, regarder la photo du jour tous les jours pendant dix ans et en rendre compte ici pendant dix ans sans montrer aucune image ! ( "vue d'une rivi�re et d'un cano� kayak" - "Joli gros plan sur un roncier" - "Un personnage vu de dos v�tu d'un coupe- vent", etc., pendant dix ans) Voil� qui serait un projet vraiment fou ! En plus, vous pourriez v�rifier en allant voir directement sur le site. Mais outre que je serai moi-m�mre soumis aux al�as que je viens d'�num�rer, et je suis superstitieux, je n'ai pas envie d'attraper une mauvaise tumeur, je ne crois pas pouvoir m'astreindre, moi qui suis incapable d'�crire ne serait-ce que vingt lignes chaque jour, � un clic par jour pendant dix ans... Rassurez vous donc, je me contenterai de vous donner l'URL en question et de vous laisser aller y voir ce qui s'y passe quand bon vous semblera. J'irai moi-m�me, promis, v�rifier si ce jeune monsieur tient parole de temps en temps et, si, mettons dans trois ou quatre mois, le site tient toujours, on lui fera peut-�tre une petite place en LCD (la colonne de droite, faut-il le rappeler ?) D'accord ? (via Douze lunes)

11 octobre 2003

pens�e de la nuit N� 43 "C'est � cause du r�ve et dans le champ du r�ve que nous nous av�rons plus fort que l'ombre." Jacques Lacan, (1960-61). Le S�minaire livre VIII. "Le transfert". (piqu� � remue.net)

Les aventures de Lyse Ananas, quinzi�me �pisode


Bien des ann�es plus tard, comme on dit dans les romans, c 'est � dire pour ce qui concerne cette histoire en avril 1985, apr�s un hiver �reintant, nous nous �tions retrouv�s dans un club de vacances en Tunisie avec Christine et J�r�mie, notre premier fils, alors �g� de quatre ans et demi. J�r�mie avait �t� malade tout l�hiver. Il �tait grand temps de prendre un peu de repos et de soleil. C��tait un village vacances, une sorte de sous-club M�diterran�e avec s�jours en promotion et nous n�avions qu�� nous pr�lasser et nous promener dans des paysages de r�ve (Djerba, le sud Tunisien, Tataouine, le d�sert). La plage, r�serv�e, bien s�r, avait �t� am�nag�e dans le style un peu toc de l�h�tel Waikiki aux Bahamas, il y avait un chamelier d�op�rette et son chameau, pr�nomm� Jacqueline, c��tait peut-�tre une chamelle, qui arpentait la plage � heures fixes et qui faisait r�guli�rement la joie des grosses et gentilles touristes belges sans parler de celle de J�r�mie qui �tait devenu son grand copain, au chameau Jacqueline. Bien s�r nous avions emport� quelques livres. Bien s�r je ne me souviens plus lesquels. Sauf un. Le deuxi�me tome de l� � Histoire de le Psychanalyse en France � d�Elisabeth Roudinesco dont le premier tome, sur les d�buts de la psychanalyse, sur le s�jour de Freud chez Charcot, � Paris, sur Pichon, maurrassien et grammairien inventeur de la forclusion et autres Laforgue ou Sacha Nacht m�avait passionn� une ann�e ou deux auparavant. Il �tait question, dans ce deuxi�me tome, qui se lisait comme un roman, du schisme lacanien et de la p�riode actuelle. A la fin de l��norme volume de pr�s de huit cent pages il y avait un index des noms propres cit�s dans le livre. Le travail �tait digne d�un �rudit et la liste �tait impressionnante. Evidemment, avant m�me de commencer � lire le livre, je vais voir � la lettre H, qui est celle du d�but du nom de mon analyste. J�ai appris entre temps qu�il avait �t� en analyse avec Lacan soi-m�me, qu�il �tait AE, par des gens qui m�avaient parl� de lui sans que je leur demandasse rien et je m��tais fait tant bien que mal � l�id�e qu�il jouisse d�une petite r�putation dans le milieu, � nobody�s perfect �, comme on dit. Je m�attendais bien � voir appara�tre son nom comme celui de beaucoup d�autres dans cette exhaustive �tude. Mais mon �tonnement grandit quand je le vois en bonne place entre Hoffer et Hogarth, pas loin de Hitchcock, Alfred, Hitler, Adolf, Horney, Karen, Houdebine, Jean Louis et Hyppolite, Jean. Stupeur, m�me, il est cit� � plusieurs pages du livre (j�ai le volume sur les genoux, je recopie) : Hofstein, Francis, 427, 462, 465, 474, 475. Diable, 474 et 475, on parle de lui sur deux pages ? Nom d�un chien ! Je m�y pr�cipite - l�, je pr�f�re citer int�gralement le texte de Roudinesco que je n�avais pas relu depuis cette �poque - et j�y lis, le c�ur battant - �� L�id�e de publier une revue o� les articles ne soient pas sign�s prend corps � partir de l�automne 1969 � l�int�rieur du groupe Lander. Francis H. est le premier � y songer. Passionn� de jazz, il a jou� de la batterie pendant dix ans et a r�fl�chi sue l��mulation cr��e entre deux musiciens lors des improvisations inspir�es par les mod�les des collectifs de la Nouvelle Orl�ans. Il en parle � Radmila Zigouris et se met en qu�te d�un �diteur. Le temps passe et un jour les deux amis rendent visite � Lacan pour lui pr�senter le projet. Ravi, ce dernier propose de faire partie du comit� de r�daction et insiste pour que la revue paraisse aux �ditions du Seuil avec l�aval officiel de l�EFP. Mais devant le refus de ses interlocuteurs, il s�exclame : � pourquoi venez-vous me voir puisque vous ne voulez rien de ce que je propose ? � H. et Zigouris r�pondent que Lacan risque de peser d�un poids trop lourd sur l�entreprise. Puis, pour tourner Scillicet en d�rision, ils lui sugg�rent de publier dans la revue ses propres textes sans signature. Le ma�tre �clate de rire, ne dit pas non et demande qu�on lui envoie dare-dare les premiers num�ros. L�aventure de l�Ordinaire du Psychanalyste vient de commencer. Elle va durer cinq ans, le temps de douze livraisons, pour se terminer par un acte d�auto dissolution annonciateur de la d�b�cle de l�EFP. N�e en Slov�nie, Radmila Zigouris, a �t� recueillie par un oncle qui poss�dait un passeport grec. Apr�s avoir pass� son enfance en Allemagne, elle a poursuivi ses �tudes en Argentine et en suisse pour devenir ensuite psychologue � l�h�pital des enfants malades. Quant � Francis H., il est originaire par son grand-p�re du Yiddishland et a v�cu pendant l�occupation sous plusieurs noms d�emprunt. Il a retrouv� le sien au sortir de la guerre. Pour ces deux th�rapeutes lacaniens, qui seront les seuls oppositionnels � recevoir le titre d�AE, l�anonymat est porteur de libert� alors que la signature fonctionne comme le symbole d�une inscription l�gif�rante, emp�chant l��tranget� ou l�errance. face � Scillicet, c�est donc un v�ritable anonymat qui est revendiqu� comme une sorte d��criture plurielle. Le choix du terme refl�te la volont� de faire appara�tre une parole quotidienne en acte : � Nous n�avons jamais publi� de textes sans paternit�, d�clare Hofstein. Nous ne voulions pas d�articles envoy�s anonymement. Il y avait toujours un auteur derri�re �. Pour �viter toute forme de censure l�Ordinaire du Psychanalyste est finalement publi� sans le recours d�un �diteur. H. s�occupe de sa gestion et le diffuse lui-m�me dans les librairies sous le label Sigismond. Le ton adopt� est celui du journal et les articles, qui �manent essentiellement d�analystes ou d�analysants de la mouvance lacanienne, apportent le t�moignage de la vitalit� de ce lacanisme ordinaire de la belle �poque de l�EFP.. Pendant cinq ans la revue devient le porte-parole de la situation �clat�e du mouvement et oppose au dogmatisme r�gnant le rire frondeur d�un esprit libertaire. Lacan le sait et soutient d�autant plus l�entreprise que Scillicet et le projet de dictionnaire sont un �chec retentissant. Au congr�s de Rome, � l�AG de novembre 1974, il annonce comme un d�fi que Scillicet ne marche pas mais que le journal d� � Ostin � est une remarquable r�ussite. Du coup les membres de l�EFP imaginent que Ren� Tostain vient de cr�er une revue. Furieux, H. va voir Lacan et lui reproche d�avoir rompu le pacte d�anonymat. Apr�s avoir r�pondu que tout le monde sait qui �dite l�Ordinaire, Lacan s�excuse et reconna�t son lapsus. Cependant, en 1976, H. songe � arr�ter la publication, trop lourde � assumer sans �diteur. De son c�t� , Lacan ne se soucie plus de Scillicet et s�appuie sur Jacques Alain Miller qui vient de faire para�tre les premiers num�ros d�Ornicar ?, renouant ainsi un nouveau lien avec l�EFP � partir d�un autre lieu �ditorial. Sans doute Hofstein et Zigouris ont-ils eu tort de refuser la proposition de Lacan. Si l�ordinaire avait paru au seuil, le destin de l�EFP en e�t peut-�tre �t� chang�. Mais comment s�officialise quand on s�appelle Dada ? En avril 1978, l�Ordinaire cesse donc d�exister apr�s avoir occup� une place novatrice entre la fin de l�inconscient et les premi�res ann�es d�Ornicar ?� �

06 octobre 2003

je me souviens de "Rois Maudits" (non pas seulement pour sa longueur, dix tomes au moins, les trois quarts d'un rayonnage de la petite biblioth�que de mon p�re; les "Rois Maudits", c'est le titre d'un livre de Maurice Druon, qui fut le dernier ministre de la culture d'avant Giscard, sous Pompidou (et qui est toujours vivant, pas Pompidou, Giscard si, je viens de v�rifier sur Google, il est toujours secr�taire perp�tuel de l'acad�mie fran�aise), autant dire avant le d�luge, je vais y revenir, sur la longueur des livres, dans deux ou trois lignes, mais aussi pour l'histoire : tout un tas de personnages �patants, de l'aventure de l'amour des batailles du cul (un peu, mais suffisamment pour �moustiller le pr�-ado que j'�tais alors), des intrigues et l'histoire de France vue par le petit bout de la lorgnette, avec un sacr� brio, il faut bien le dire, qu'il �tait de bon ton de brocarder au cours des ann�es quatre vingt) dix tomes au mois, donc. Si vous voulez, on peut v�rifier sur Google, c'est justement le genre de truc qu'on peut v�rifier sur Google,vous n'avez qu'� cliquer l�, parce que pour ce qui est de v�rifier dans la biblioth�que de mon p�re, qui existent toujours tous les deux, il faudrait que j'y pense et j'oublierai. Je me souviens d'avoir lu de longs livres, pas forc�ment des gros, mais des longs. On les publiait en plusieurs volumes, en plusieurs livres. La mode des gros pav�s qui coincent la serviette de plage est assez r�cente. Je me souviens des "Hommes de bonne volont�" de Jules Romain (vingt tomes, peut-�tre?), "de Jean Christophe" de Romain Rolland, et surtout des "Thibault" de Martin du Gard qui a enchant� mes dix-sept ans (quand j'y pense, ma g�n�ration : form�e en grande partie par les r�cits de la guerre de 14. Au fond, nous sommes de hommes du XIX� si�cle). J'adore les romans "fleuves" : mon p�re en poss�dait un autre, dans sa petite biblioth�que : le "Don paisible" de micha�l Cholokov, j'ai mis longtemps � comprendre que le Don en question �tait un fleuve (justement), en russie et non une �mule de Fernandel, et j'ai �t� capablre de finir sans honte "Sinhou� l'�gyptien" de Mika Waltari et la "Chambre des Dames" de Jeanne Bourin (qui se souvient de Jeanne Bourin, le Christian Jacques du moyen �ge ?). Je vous passe, bien entendu, le "Vicomte de Bragelone" et le "Comte de Monte Christo" de Dumas que je me suis toujours promis de relire un jour, sans parler de Paul F�val et surtout des "Pardaillan" de Zevaco (mais ceux l� c'�taient plut�t des cycles, ou des "saisons" comme on dirait maintenant). Mais voici o� je voulais en venir : le plus long roman de la langue Fran�aise : Le "Grand Cyrus" de Madeleine de Scud�ry. Plus de 13000 pages dans l'�dition originale ! On peut le lire maintant sur Internet. Plus de 7000 dans une �dition actuelle, et toutes en lignes ! Pas une qui manque ! Bien entendu, je ne l'ai pas lu (combiende temps faudrait-il ? Je me souviens des trois jours non-stop avec les "Thibault" et des 2000 pages des "Mis�rables"), mais si le coeur vous en dit !

05 octobre 2003

Les aventures de Lyse Ananas, quatorzi�me �pisode


Pour en revenir � Sigismond, voici ce qui arriva : l�id�e me tomba dessus un jour, que H. �tait Sigismond. Rien que �a. Ce fut peut-�tre d�abord comme un l�ger doute en forme d�espoir inconscient ou plut�t pr�conscient : j�avais plusieurs fois remarqu� des conversations t�l�phoniques (H. prenait les communications pendant les s�ances, ce qui n��tait pas forc�ment choquant vu qu�il n�avait pas de secr�taire) o� il avait peut-�tre �t� question de revue et d��dition. Malgr� l'extr�me r�serve dont il faisait preuve en ces occasions, je le sais pour l�avoir moi-m�me exp�riment�, en t�l�phonant pour changer un horaire de s�ance, par exemple : oui ? � oui, - (on l�entendait prendre son agenda) - oui, - ah, non ! Impossible � non, - oui, - oui ! � d�accord ! � au revoir ! J�avais cru saisir des allusions ou des mots couverts, en tout cas ses interlocuteurs n��taient pas toujours des analysants qui voulaient changer un rendez-vous : son mode de communication �tait soudain plus �labor�, l�g�rement moins �vasif, moins r�serv�, plus pr�cis, certains mots revenaient : � num�ro �, � style �, � vous croyez ? �, � nous allons y penser �, des dates : � Avant le vingt cinq, imp�rativement � et ainsi de suite. Mais les indices restaient bien faibles et rien ne m�autorisait raisonnablement � extrapoler de la sorte. Et quand bien m�me il aurait �t� question de revue ou de publication, rien n�aurait pu me laisser croire qu�il s�agissait de l� � Ordinaire �. Je me laissais aller, en fait, � une douce r�verie. Je m�imaginais non sans plaisir sur le divan d�un � roi des bandits �de l�analyse, un franc tireur, un pur et dur. Il ne s�agissait plus de l�obscur besogneux dont j�avais r�v� dans un premier temps, j�avais chang� le d�cor � vue et je faisais endosser � mon analyste id�al le costume du sage rebelle, du fils turbulent et pr�f�r� du ma�tre bienveillant. Rien que �a. Puis le doute se fit plus insistant et la r�verie, au fur et � mesure des communications prises pendant les s�ances, se changea en une question de plus en plus obs�dante. Etait-il ou n��tait-il pas Sigismond ? Je m�en voulais : � me vouloir le fils analytique d�un personnage anonyme admirable, qu�avais-je donc � prendre ainsi mon transfert pour des lanternes, et n��tais-je pas en passe de tomber dans un doux mais av�r� d�lire interpr�tatif ?. Mais l�id�e ne me quittait toujours pas. Je commen�ais � en avoir honte, je la trouvais un peu monstrueuse, ridicule m�me, et je commen�ais � croire qu�on pouvait la voir au milieu de mon visage, comme un bouton d�acn� r�sistant � l�Hexom�dine Transcutan�e. J�avais la p�nible impression d��tre dans un r�ve, et de ne pouvoir me r�veiller. Un peu comme celui que je faisais r�guli�rement durant mon adolescence : je sortais de chez moi, je marchais insouciant dans les rues et je m�apercevais avec horreur que j�avais oubli� de mettre mon pantalon ou bien que j��tais tout nu, les passants ne s�en apercevaient pas, par miracle, ou faisaient semblant, pou ne pas contrarier le fou qu�ils �vitaient, mais il fallait que je rebrousse chemin jusqu�� chez moi en me cachant derri�re chaque arbre ou chaque voiture gar�e, avec la terreur d��tre emmen� au poste pour exhibitionnisme alors que j�avais seulement oubli� � excusez du peu, monsieur le commissaire, quelle distraction tout de m�me � de m�habiller. Etant moi-m�me persuad� d�une formation pathologique, craignant r�ellement de d�lirer, je pratiquai une sorte d�autocensure qui m�emp�chait d�interroger H. et qui ne faisait qu'augmenter mon angoisse et la certitude que j'�tais la proie d'id�es obs�dantes. Un jour, n'y tenant plus et la t�te envahie de la question comme par le bruit du bourdon de Notre Dame, je me jetais � l'eau du haut du divan : "Vous �tes Sigismond !". Il n'y eut pas de r�ponse, ni oui, ni non. J�essayai autrement : " Alors, vous n'�tes pas Sigismond ?" Nouveau silence. Qui ne dit mot consent, donc il n'�tait pas Sigismond. Ou bien peut-�tre, cela se passa tout autrement, je n'arrive plus � me souvenir, il y eut une r�ponse : simplement non. Mais ce dont je me souviens encore tr�s vivement, c'est du soulagement qui m'envahit au moment de ce que je compris comme une d�n�gation. Je me persuadai donc tr�s vite que j'avais fait fausse route, que mon analyste n��tait ni c�l�bre ni r�volutionnaire, ce qui correspondait bien mieux � mon image d'analyste id�al en anonyme besogneux, je m'empressai d�oublier cette douloureuse exp�rience � d�lirante �, et de m'extasier sur les merveilles infinies du transfert. Je ne compris que bien plus tard en quoi ce soulagement ne venait que conforter, une r�sistance inexpugnable, un point limite de mon analyse.

03 octobre 2003

Je me souviens d'Abdoulaye Seye. A cette �poque, avec mon copain Jean Palastrelli, nous avions fabriqu� un "journal" avec un cahier Clairefontaine grand format sur les jeux olympiques de Rome. Nous y collions les photos des m�daill�s d�coup�es dans les vrais journaux . Nous avons �t� tr�s d��us de la troisi�me place d'Abdoulaye Seye au 200 m�tres . Plus tard j'ai �t� en premi�re ann�e de m�decine avec Roger Bambuck qui n'�tait arriv� que cinqui�me du 100 m�tres et cinqui�me de celui du deux cent m�tres aux jeux de Mexico, celui des deux poings noirs lev�s sur le podium de Smith et Carlos. Nous �tions dans le m�me amphi, mais je ne l'ai vu qu'une ou deux fois, Il �tait tr�s beau. Je ne lui ai jamais parl�, avec mes copains nous nous poussions du coude. Apr�s on n'a plus entendu parler de lui jusqu'� ce qu'il revienne comme ministre des sports de Rocard. Il avait pris de la bedaine. Pas moi, plus tard, seulement.
Je pense �

Peter J. J'ai soign� Peter J. pendant plusieurs ann�es. C'�tait un grand blond aux yeux tr�s bleus. Il �tait mince. Avec son air adolescent, il �tait d'une beaut� fragile et d�licate. Il avait un peu moins de quarante ans. Il parlait fran�ais avec un fort accent anglais, mais couramment. Il �tait Sud-Africain, mais pas Afrikaner, ce qui avait une grande importance pour lui. Il avait rencontr� Corinne sa femme, apprentie professeur d'anglais, � Cape Town et l'avait suivie � Corbeil-Essonnes. Il travaillait � Gif-sur-yvette, au CNRS, dans le labo de Benveniste, sur la m�moire de l'eau. C'�tait un crack en biologie mol�culaire. Au moment o� il est venu me voir pour la premi�re fois, il traversait une grave crise. Depuis quelque temps, quand il se trouvait face � une personne quelconque, homme ou femme, connue ou inconnue, famili�re ou pas famili�re mais le plus souvent pas, il ne pouvait s'emp�cher d'imaginer son sexe, je veux dire ses organes g�nitaux. Cela s'imposait � lui comme une image ridicule et surr�aliste sans qu'il puisse y r�sister. Il disait "son g�nital appareil", � la mani�re des bretons d'Ast�rix : en mati�re de sexualit� son Fran�ais chutait de deux niveaux. Il se sentait tout � coup parasit�, l'image impos�e lui tombait dessus en pleine conversation, il bredouillait, rougissait, devait d�tourner le regard et battre en retraite sous un pr�texte que son interlocuteur avait souvent du mal � admettre. On commen�ait � le prendre pour un demeur� ou � tout le moins un esprit gravement perturb�. Bien s�r, il lui �tait impossible d'expliquer la vraie cause de son malaise. Il risquait d'y perdre son poste pour lequel il n'�tait pas titulaire. Cela ne se produisait pas avec les proches, ni avec Corinne avec laquelle les relations sexuelles �taient rest�es � peu pr�s normales, malgr� les difficult�s du couple dont il me parlera vite. Nous nous sommes vus pendant dix-huit mois ou un peu plus. Il fit avec moi ce qu�on fait dans toutes les psychoth�rapies du monde�: parler de son enfance, de ses parents, de ses r�ves, de ses d�sirs, de ses id�aux, de ses peurs, de sa difficult� � parler, etc. Je n�avais pas beaucoup de peine � l�aider. J�y pris du plaisir�: il ��travaillait bien��, comme on dit. Au bout de quelques mois son �sympt�me� avait disparu, il n�en fit plus jamais mention et put entretenir des relations suivies avec les gens. Nous conv�nmes d�arr�ter nos rencontres, sans plus de difficult�s que �a. Pas que sa vie fut devenue un Paradis, loin de l�. La psychoth�rapie l�avait amen� � plus de question que de r�ponses sur le fonctionnement de son couple, par exemple. Mais il d�cida qu�il �tait maintenant capable de les affronter seul. Corinne �tait enceinte, il se pr�parait � devenir p�re avec joie. Il revint me voir deux ans et demi apr�s. Il travaillait toujours au CNRS. La pol�mique autour de la m�moire de l�eau avait d�fray� la chronique dans l�entre temps. Il s��tait montr� loyal envers Benveniste, son patron, qui n��tait pourtant pas dr�le tous les jours, une sorte de parano g�nial et pas facile � vivre, avait mont� une ou deux manips destin�es � conforter la th�orie, les manips avaient march� au-del� de leurs esp�rances, ils s�appr�taient � confondre tous leurs d�tracteurs. Il s��tait litt�ralement vid�, avait donn� le meilleur de lui-m�me. Un lien �trange l�unissait � Benveniste, fait de fascination intellectuelle, d�attirance sexuelle et de soumission. Il avait pourtant �t� press� comme un citron, on avait extrait de lui tout le jus possible et on s�appr�tait � le jeter, faute de cr�dits. Il ne se plaignait pas, ne regrettait rien de l�aventure. Il avait de grosses difficult�s financi�res. Avec Corinne, rien n�allait plus. Elle lui �tait devenue odieuse, ils se ha�ssaient. Il �tait compl�tement d�prim�. Ils allaient se quitter et il n'arrivait pas � se faire � l'id�e de la s�paration d'avec le petit L�o dont il s'�tait occup� dans un perp�tuel conflit avec sa femme. Il avait le sentiment d'une fin qui d�passait largement ses difficult�s professionnelles et conjugales. Il se voyait au bord d'un gouffre : il r�sistait � grand peine � l'envie de s'y jeter. Seule l'image du petit L�o le retenait encore. En m�me temps la perspective de la s�paration le soulageait, rendant accessible par la fin des disputes continuelles une sorte de tranquillit� tant attendue, un nirvana intellectuel que sa relation houleuse lui avait toujours interdits. Sa pens�e se faisait de plus en plus �trange, ses id�es de plus en plus �sot�riques. Au milieu de la description de manipulations biochimique particuli�rement compliqu�es auxquelles j'essayais souvent en vain de pr�ter une oreille attentive il me parlait de ses rencontres avec des voyantes. Sa croyance � la divination �tait aussi in�branlable que celle qu'il avait en la m�moire de l'eau. Pour lui, cela consistait en certains recoupements de l'espace-temps, en certaines boucles, interf�rences, ou point de rebroussements parfaitement rationnels et calculables, et que certaines personnes - les voyantes extralucides - percevaient pour ainsi dire naturellement, intuitivement, en raison du d�veloppement anormal et heureux � la fois de certaines parties de leurs cerveaux encore inaccessibles � une science neurophysiologique trop grossi�re. Pour croire � la m�moire de l'eau, il est d'abord n�cessaire d'�tre persuad� de l'efficacit� de l'hom�opathie, avoir constat� ses effets sur son propre corps ou celui de proches, la m�moire de l'eau en d�coule alors comme seule explication rationnelle possible (celle de Haneman lui-m�me ne r�sistant pas � un examen s�rieux), elle permet m�me de renforcer la conviction initiale, elle la justifie ; de m�me, accepter la r�alit� de la voyance, c'est devoir lui trouver une explication qui ne doit n�cessairement pas �tre en contradiction avec la science, explication qui, en retour, autorise alors la croyance. Les voyantes l'avaient fascin� par l'exactitude de leurs pr�dictions. Il en avait consult� en Afrique du Sud et � Paris, r�guli�rement, je suppose que celles qu'il avait consult� r�cemment lui avaient confirm� la validit� des th�ses d�fendues par le labo de Benveniste...�a m'ennuyait un peu qu'il place la consultation des voyantes et des psychoth�rapeutes au m�me niveau mais pas trop. Au moins, lui, faisait la diff�rence. Il avait parfaitement conscience de mes limites, pour ce qui �tait de celles des voyantes, c'�tait une autre histoire. Nos rencontres continuaient pour moi d'�tre d'agr�ables moments, et je pensais qu'il en �tait de m�me pour lui, comme des plages de calme dans la temp�te qui agitait sa vie. Puis il cessa de nouveau de venir � ses s�ances sans que cela ne m'inqui�t�t trop, je pensais bien le revoir un jour. Il ne revint jamais. Aux urgences de l'h�pital g�n�ral o� j'intervenais le matin et parfois la nuit, il y avait une infirmi�re qui s'appelait Nathalie et qui aimait bien la psychiatrie, ou au moins s'int�ressait � la vie de ses patients autant qu'� leurs constantes biologiques. Nous parlions souvent des malades qu'elle recevait. Un jour, tout � trac, elle me parla de Peter J.�: elle �tait sa belle s�ur, la s�ur de Corinne. Il lui avait parl� de moi. Le monde est petit, surtout � Corbeil-Essonnes. Elle me raconta que sa s�ur avait obtenu le divorce, que Peter vivait seul et qu�il �tait tr�s malheureux. Curieusement, elle ne prenait pas le parti de sa s�ur et lui donnait m�me carr�ment tort. A quelque temps de l�, elle m�apprit qu�il avait �t� atteint d�une tumeur au cerveau. Quelques mois apr�s, elle m�apprit qu� il �tait mort. (John Maxwell Coetzee, �crivain Sud Africain de langue anglaise vient de recevoir le prix Nobel de Litt�rature)

Pens�e de la nuit N� 42 : "Pour le prix de chanter les dieux exigent de nous de devenir nos chants" Goethe

01 octobre 2003

Les aventures de Lyse Ananas, treizi�me �pisode


A cette �poque, dans les ann�es soixante-quinze, la psychanalyse �tait vraiment � la mode. Je veux dire pas comme maintenant, o� ce n'est d'ailleurs plus la psychanalyse qui est � la mode, elle s'est petit � petit �puis�e dans ses querelles intestines, elle a �t� remplac�e par la "psy", beaucoup plus m�diatique et moins exigeante, et dont on peut voir des exemples parfaits dans "loft-story", apr�s le" psy-show" des ann�es quatre vingt, mais aussi dans ses manifestations �mollientes d'assistance � toutes les victimes, les "traumatis�s" de la vie, des injustices de la vie moderne, comme les accidents de voiture, les inondations ou les braquages de banque. A cette �poque, la psychanalyse �tait encore pure et dure. Elle n'avait pour objet que l'inconscient, le transfert et la gu�rison de surcro�t. Des batailles faisaient rage, � l'�cole freudienne, autour de la "passe", qui �tait la proc�dure imagin�e par Lacan pour devenir analyste de l'�cole, bien que, comme je l'ai d�j� dit, il n'emp�chait nullement les autres, ceux qui n'�taient pas "de l'�cole", � s'autoriser d'eux-m�mes, si bon leur chantait en quelque sorte. Cette "passe", au m�canisme compliqu�, cruel et paradoxal (je ne rentre pas dans les d�tails, tant au moment o� j'�cris tout cela me semble si loin) �tait le fin du fin du lacanisme mais �tait vivement contest�e par une partie de la horde. Bref les articles, les revues, les publications fleurissaient et il y avait un tel bruit dans Landerneau qu'on ne se serait pas �tonn� de voir la "passe" figurer un beau matin en premi�re page du Parisien, comme si l'excitation de l'�lite avait contamin� tout naturellement le populaire. Au milieu de toute cette agitation �ditoriale et malgr� tout vivifiante, j'avais fini par remarquer, en me promenant chez Maspero ou � Autrement-dit, un irr�gulomadaire mais pas trop, de peu de mine, qui s'appelait "l'Ordinaire du Psychanalyste", Il n'�tait pas imprim� luxueusement sur papier glac� comme les grandes revues porte-drapeau des diff�rents mouvements et tendances affili�es aux �ditions du Seuil ou � Gallimard, mais, au contraire, se d�marquait par sa modestie tant au niveau du contenant (petit �diteur, papier ordinaire,) que du contenu : il y avait des articles d'analysants, des po�mes, des textes th�oriques ou techniques peu pr�tentieux et souvent passionnants, mais surtout, tout �tait �crit dans un langage compr�hensible, ce qui �tait extraordinaire, pour le coup, car � l'�poque il �tait de tr�s bon ton de singer Lacan en masquant ses banalit�s derri�re une �criture mani�r�e et jargonnante qui m'a toujours exasp�r�. Bref cela avait un c�t� bon enfant, pas sectaire mais engag� et s�rieux qui avait vite gagn� ma sympathie. Je guettais la sortie des nouveaux num�ros avec impatience et me prenait � r�ver d'y envoyer un article puisque l'�diteur nous y invitait si simplement, � la derni�re page. L'�diteur, justement, il s'appelait Sigismond, ce qui �tait �videmment un pseudonyme, puisque c'�tait un simple pr�nom mais pas n'importe quel pr�nom, traduction fran�aise de Sigmund.... Sigismond �tait le seul � signer. Mais il ne signait pas d'articles, il signait les sommaires, les informations pratiques, il �tait le gentil organisateur, le rep�re vivant, il faisait tourner la machine, avec simplicit� : il fallait bien adresser les textes � quelqu'un, par exemple. Les textes n'�taient donc jamais sign�s, c'�tait m�me l'unique condition de leur publication. Exactement, d�ailleurs, comme dans "Scillicet", prestigieuse revue de l'Ecole, qui avait pour sous-titre le fameux "tu peux savoir ce que pense l'�cole freudienne", o�, l� non plus, on ne signait pas les articles, mais tout Landernau savait qui en �tait l'auteur � cause de la notori�t�. L"Ordinaire" en �tait en quelque sorte la gentille parodie, vraiment anonyme et travailleuse, elle. Autant "Scillicet" �tait d'une lecture ardue, irritante, absconse et surtout mondaine, autant l'"ordinaire" semblait simple, sans concessions, au travail. Je sais maintenant que bon nombre d'habitants de Landernau savaient, malgr� tout cet anonymat, qui �tait en r�alit� Sigismond et je crois savoir que son nom circulait avec un certain respect, mais comme je ne voulais pas faire partie de Landernau, je l'ai d�j� dit, je n'avais pas la moindre id�e de m�me chercher � savoir. Je tenais � ne pas �tre compt� au nombre des mondains, j'en ai d�j� expliqu� les finalement peu avouables raisons, mais je me consid�rais aussi comme un analysant sinc�re et s�rieux et j'estimais donc que l'"Ordinaire" �tait un peu ma revue, comme le "Libertaire" pouvait �tre le journal des anarchistes sympathisants ou l'"Huma" celui des ouvriers conscients. Je portais par cons�quent une admiration sinc�re � Sigismond, pour tout ce travail, en plus de sa pratique d�analyste, et je ne cherchais en aucune mani�re � savoir qui il �tait. Mon analyse � moi avan�ait assez gaillardement, me semblait-il, pas forc�ment dans la joie, mais dans un v�ritable travail qui ne m'�pargnait pas les angoisses et les coups de d�prime que je consid�rais comme des al�as du m�tier. J'avais r�solu avec succ�s une premi�re �nigme, qui m'avait d�finitivement convaincu de l'int�r�t de l'analyse et qui m'avait amen� � r�volutionner l'id�e que j'avais eue de ma propre vie jusque l�. Il faut donc revenir aux coups de sonnette, � la porte qui s'ouvre automatiquement et � l'entr�e dans la salle d'attente de mon analyste dont j'ai parl� plus haut. Je ne sais plus si cela s�installa brusquement ou insidieusement, mais toujours est-il qu�il arriva, une fois que j��tais parvenu dans la salle d�attente, une chose tout � fait saugrenue et tout � fait d�sagr�able�: j��tais r�guli�rement saisi de terreur d�y rencontrer un autre client d�H., soit qu�il p�n�tr�t dans la salle d�attente alors que j�y �tait d�j� install�, soit que ce fut le contraire, soit que je le rencontrasse dans le couloir alors qu�il quittait notre � � horreur - analyste commun ou l�inverse. J�avais beau essayer de me raisonner, de me repr�senter que mon analyste ne pouvait �videmment pas n�avoir qu�un seul client. C��tait donc tout � fait normal - et H. arrangeait manifestement les choses pour que cela ne se produise pas trop ( il espa�ait suffisamment ses rendez-vous, par exemple) - de rencontrer, chez lui, d�autres usagers de son analyste. Mais je n�arrivais pas � m�y faire. La simple id�e de croiser un autre client me plongeait litt�ralement dans des affres d�angoisse. C'�tait tout � fait irrationnel, je m�en rendais compte et ne pouvais me l�expliquer. Bien s�r, je m�en ouvris � H., avec ce d�tachement mi interrogatif mi �tonn� qu�on peut avoir quand on raconte une phobie des animaux � plume, une allergie aux fruits de mer, ou la peur d�avoir oubli� de fermer le gaz. Bien entendu, il ne pipa mot. Et le sympt�me, car s�en �tait un, s�amplifia. Au point que, par exemple, arrivant au coin de la rue Ernest et Henri Roussel, je guettais la porte, esp�rant qu�elle ne s�ouvre pas sur une figure furtive quittant la maison. En fait mon fantasme �tait que, en pr�sence de cette personne inconnue, mais dont mon analyste connaissait le moindre replis intime, je serais instantan�ment d�masqu�, mis � nu, par cette personne m�me, comme si, par le simple truchement de l�analyste, de son existence commune pour nous deux, nos inconscients se seraient d�vers�s imm�diatement l�un dans l�autre. Il faut avouer que c��tait v�ritablement terrifiant. H., que je suppliais pourtant de me d�livrer, par une de ces interpr�tation g�niale dont il avait le secret, me laissa mariner dans mon jus plusieurs semaines, sans �tat d��me, et assez cruellement, ce dont je me plaignais bien r�guli�rement. A quelque temps de l�, je fis le r�ve que je faisais l�amour avec une fille, qui, � la fin de l�acte, se r�v�lait avoir le visage de mon fr�re, avait le visage de mon fr�re, �tait mon fr�re. Le r�ve �tait voluptueux, sans culpabilit�. Il ne pouvait en aucune mani�re �tre trait� de cauchemar Cependant, une fois r�veill�, il me laissait une impression fort d�sagr�able, cette fois teint�e de culpabilit�, dont je rendis compte � H., qui continua de garder le silence. Je n�avais pas fait le rapprochement entre ce r�ve et le sympt�me de la peur de la rencontre dans la salle d�attente. Et ce fut � l�instant pr�cis o� je le fis, ce rapprochement, sans qu�� aucun moment H. ne m�y incit�t d�aucune mani�re, que je sus que mon sympt�me avait disparu pour toujours. Je me rendis compte tout � coup de quelle esp�ce de jalousie les relations que j�avais avec mon fr�re avaient �t� teint�es. Mes yeux s�ouvrir sur la position d�a�n� et sur toute l�agressivit� inconsciente avec laquelle j�avais trait� mon cadet pendant toutes ces ann�es. Cela alimenta des heures et des heures de divan. Je pus enfin sourire aux belles analysantes d�H., leur tenir galamment la porte quand elle sortait, dire un grand bonjour en entrant dans une salle d�attente d�j� occup�e et consid�rer la maison de mon analyste comme un lieu quasiment public. C��tait un grand progr�s. Mais cela n�arrangea jamais mes relations avec mon fr�re qui commen�aient � cette �poque de se d�grader lentement.