Je me souviens
de Martin Beck, Le héros des romans de Cheval et Valleux. C'étaient les auteurs, de leur vrai nom Maj Sjöwall et Per Whallö, de polars suédois épatants des années soixante dix. Le polar suédois a bâti sa réputation sur de solides bases sociologiques voire politiquement assez engagées, le style procédural et un hyperréalisme confinant parfois au fantastique. Martin Beck était un flic ordinaire bien qu'extrêmement doué, accrocheur, marqué par les aléas de la vie et par conséquent plein d'espérience. Entre seux enquêtes il consommait son divorce, refaisait sa vie etc. Bien qu'ennemei juré de l'injustice, il n'était pas particulièrement politisé. C'était le narrateur qui était d'extrême gauche. Le lecteur aussi, le plus souvent, à l'époque. C'était un héros brechtien, pour ainsi dire. Ses aventures s'étalaient sur une petite dizaine de romans que nous dévorions en nous les repassant les uns aux autres. Il valait mieux les lire dans l'ordre. Vers la fin, l'enquête en cours s'étalait parfois sur deux romans. Un des volumes commençait par la fin de l'histoire du précedent et finissait sur le début du suivant. Il n'y avait pratiquement pas d'histoire dans celui qu'on était en train de lire. Mais la force de séduction et l'humanité de Martin Beck était telles que nous sentions comme des poissons dans l'eau de la vie du commissariat et celle de son commissaire. L'hyperréalisme le disputait au minimalisme. Et pourtant pas de remplissage, pas de fioriture. Les détails, les sentiments, les personnages, l'ennui, la routine, le train train des jours, tout cela était si tranquillement et minutieusement décrit que nous nous sentions scotchés à ces pages comme s'il s'était agi d'un suspens à la hitchcock. C'est la lecture de la trilogie de "Millenium" de Stieg Larsson et des aventures de son héros, Michael Blomkvist, le super journaliste, dans laquelle je suis enfoui jusqu'au cou ces jours-ci qui m'a rapellé Cheval et Valleux et Martin Beck. Il y a un personnage féminin, qui prend d'ailleurs une importance de plus en plus grande au fil des trois volumes, Lisbeth Salander, qui est des figures les plus originales et les plus attachantes que j'ai rencontré sur le papier ses dernières années. Stig Larsson c'est Cheval et Valleux revisité par Quentin Tarantino et c'est sacrément réjouissant. Si, comme le dit la pub, vous ne faites pas encore partie du million d'accros, n'hésitez pas une seconde, lancez vous, vous ne le regretterez pas ! Et cette pub-là est totalement gratuite !