« Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou par un autre tour de folie de n’être pas fou.» B.Pascal
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06 décembre 2008
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J'ai beau lire le plus possible, je ne suis pas près d'avoir le prix Nobel. D'ailleurs c'est faux. Je ne lis pas beaucoup. J'achète beaucoup de livres et je ne les lis pas tous, loin de là, nuance. Aujourd'hui par exemple, c'est dimanche, les librairies sont censées être fermées. eh bien, malgré le fait que je sois de garde à l'hôpital de Dormeil, en arrivant ce matin, j'ai encore trouvé le moyen d'acheter trois livres au "Verger des Muses" qui est la seule librairie ouverte le dimanche à au moins cinquante kilomètres à la ronde (la plus proche étant à mon avis "L'arbre à Lettres" rue Edouard Quenu à Paris, dans le cinquième arrondissement) et qui se situe entre une Boutique géante Babou et un Hyper Animalia sur les rives de l'immense parking de la zone d'activités moche à pleurer qu'on vient de construire aux abords du nouvel échangeur entre A6 et Francilienne. Juste pour laisser imaginer combien de livres, étant ainsi capable d'en acheter trois un dimanche matin en allant au travail au pied d'un échangeur autoroutier en rase campagne, je peux en acheter un après midi de pleine semaine au quartier Latin. J'ai donc fait l'acquisition, pour donner une idée, du dernier Echenoz, "Courir", du dernier Rushdie, l'"Enchanteresse de florence", et de la "Conjecture de Syracuse" d'Antoine Billot que je ne connaissais pas mais dont le bandeau rouge de couverture portait l'alléchante formule "Une vengeance mathématique". Mon gout, si on peut appeler ce dégoutant défaut un gout, pour les mathématiques fera, si vous le voulez bien, l'objet de mon "vices cachés" n°4. (Première digression : jusque là je trouvais les gens de la librairie du "Verger des Muses" héroïques. Plantés au milieu de la banlieue la plus zonarde qui soit ils tentaient de porter le flambeau de la "culture" à deux jets de pavé de la cité des Tarterets avec une modestie et une élégance de doux dingues. Ils avaient fait de leur librairie une sorte d'île enchantée, un havre de paix de calme et de senteurs de colle et d'encre au milieu des discounts de fringues et d'objets de première nécessité. Leur stock n'était pas celui d'un vraie librairie ni même celui de la FNAC, la taille de la papèterie par exemple (avec les images Doodle en tête de gondole), leur très gros rayon scolaire et l'augmentation constante de la taille de celui des activités manuelles montrait déjà les premiers signes d'un compromis inévitable mais on trouvait à peu près toutes les nouveautés et ils suivaient finalement assez bien les suppléments livres de Libé et du Monde. Ils avaient même un élégant bandeau vert pétard portant la mention "recommandé par le Verger des Muses" pour faire cossu qui en faisait quasiment une valeur sure. C'était une très honorable librairie de secours. Ils avaient tout d'une grande... Mais quand ils se sont mis à vouloir ratisser large dans le domaine du "culturel" ("cultiver vos loisirs" qui s'étalait sur les élégants sacs en toile plastifiée qu'ils offraient pour les gros achats était devenu leur nouveau slogan) et qu'ils ont ajouté à leur palette des activités piquées à un "Nature et Découverte" en perte de vitesse ( parfums, gastronomies (thés, cafés, confitures biscuits tant qu'on y était), copies du musée du Louvre et j'en passe) cela a cette fois senti un peu la compromission. D'autant que tout cela ne pouvait se faire qu'au dépends du rayon littérature qui n'est plus à l'heure actuelle qu'une pauvre peau de chagrin. Ils ont maintenant définitivement vendu leur âme, probablement vaincus par les armées de la fripe et de la malvie qui les cernent depuis longtemps. Cela ne m'étonnerait pas d'apprendre qu'ils sont en passe d'être rachetés par ce "Delaveine" du culturel qu'est l'horrible "Cultura" des centres commerciaux de seconde zone qui font d'André Rieux le seul vainqueur des victoires de la musique classique, le "Roi Soleil" le parangon du rayon Opéra et qui sont certains que Max Gallo est académicien (l'est-il ?) et Paul Lou Sulitzer nobélisable) Pour ce qui me concerne, on peut employer le terme clinique d'achats inconsidérés, voire compulsifs, c'est de toute façon passible de la mise sous curatelle. Tout comme la kleptomane qui vole infiniment plus de paires de chaussettes qu'elle pourra jamais en porter sa vie entière même en changeant de chaussettes tous les jours ou même deux fois par jours mais qui ne peut pas s'en empêcher, j'achète plus de livres que je ne pourrai jamais en lire durant le temps qui me reste à vivre même si j'atteins l'âge de Jéroboam. Ils s'entassent sur les rayons de ma bibliothèque, devant les livres déjà lus ou au dessus, couchés en piles de deux ou trois sous l'étagère du haut. Dire que j'en ai pour deux ans d'avance serait bien en dessous de la triste vérité. Il doit y en avoir pour quatre ou cinq, au bas mot. Je suis un assidu des pages livres du "Monde" (que je n'achète d'ailleurs plus, et c'est mon vice caché n°5, que le jeudi) de celles de "Libé" et de "Télérama" (qui me fait penser au "Verger des Muses" ancienne manière) et dans une moindre mesure du "Magazine Littéraire", pas de "Lire" ni de la "Quinzaine", allez savoir pourquoi, mais je pourrais, mais aussi des émissions de France Cul, souvent excellentes comme "A plus d'un titre", "Jeux d'Epreuves", "Des mots de midi", ou "Du jour au lendemain", par exemple, pendant que je tape ces lignes, d'Alain Weinstein avec Hélène Lenoir ce soir. Ces suppléménts littéraires sont d'excellents "digests" de l'actualité des livres. Grâce à eux, comme dit Pierre Bayard dans son livre "comment parler des livres qu'on n'a pas lu ?" - que je n'ai pas lu, justement -on pourrait briller dans les salons à peu de frais ou épater les jeunes filles. Ce n'est pas mon but, même si au demeurant j'adore parler des livres - que j'ai lu - avec mes amis. Je suis comme un collectionneur fou : ce qu'il me faut, ce que je brûle de posséder, ma passion (au sens funeste du terme) c'est la pièce manquante, l'objet "a" de Lacan, bref ce que je n'ai pas et qui me plonge dans les affres du désir. Quand je pénètre dans une librairie chaque livre exposé est potentiellement pour moi celui qui risquerait de me manquer, au cas où, par exemple, j'aurais à tuer le temps dans un vol Paris - Christchurch ou au cours d'une nuit d'insomnie plus interminable que les autres ou entre deux patients sous la lampe au CMP pour me changer les idées. Mais dès que je le possède, la plupart du temps il redevient ce parallélépipède de papier et de carton qui sent la colle et dont je ne sais plus pourquoi je l'ai tant désiré. Il va rejoindre la pile dont je parlais tout à l'heure, peut être le retrouverai -je dans quelques mois. Mais tant que je ne "l'ai" pas, il n'est pas exagéré de dire que je suis rongé d'angoisse. Je me dis bien que j'en ai bien d'autres à lire, qui attendent sous la poussière, des piles entières, branlantes ou impeccablement rangées n'attendent que mon bon vouloir, pourquoi donc celui là ? je peux m''en passer mais non, c'est justement celui que je n'ai pas acheté qu'il me faudra. Les yeux plus gros que le ventre. Un exemple : je résiste en ce moment au dernier Catherine M. au titre si délicieusement ambigu. Mais le livre tout entier n'est-il pas résumé dans l'ambivalence du titre ? Il faudrait que je vérifie de mes propres yeux. Cela me tripote trop. J'ai entendu une interview de l'auteur sur je ne sais plus quelle chaine, j'ai été déçu, je m'étais mis à l'écouter avec une oreille professionnelle et je n'arrivais plus à me détacher du diagnostic que je n'avais pu m'empêcher de poser. Il faudrait aussi que je vérifie mon diagnostic... Je résiste encore, mais je sens que je faiblis malgré le fait que mon copain G. m'a dit lau téléphone lui aussi avoir été déçu, qu'il n'avait strictement rien appris sur la jalousie (qui le ronge lui aussi parfois), il faudrait aussi que je vérifie que le livre de Catherine M n'est pas un manuel de psychologie etc. Quoique j'en dise, enfin, j'en lis tout de même, des livres, mais ce n'est pas du tout autant que j'en ai acheté ou que je désire en posséder. Dans mes rêveries les plus folles, je ne me vois jamais en libraire (Dieu sait pourtant si les librairies ou tout endroit qui possède des rayonnages de livres, grandes bibliothèques universitaires, Beaubourg TGB ou autres, me ravissent les yeux le cœur et l'âme) mais en propriétaire la nuit de la bibliothèque nocturne et parfaite, éclairée d'une simple lampe posée sur un bureau où tout près, dans l'ombre, attend chaque livre, où chaque atome de savoir ou de poésie trouve sa place, se présente à mes yeux avec l'évidence d'un organe interne, où coule mon propre sang, celle dont parle sans arrêt le sympathique Alberto Manguel, où il n'y a qu'à tendre la main, comme au paradis terrestre pour saisir tout le génie du monde. Alors, je ne trouve rien de plus beau que les livres.
09 octobre 2008
02 octobre 2008
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Vices cachés, 2
Je me sens bien dans les supermarchés. Faire les courses ne m'a jamais pesé, je pourrais dire que ça me calme. Mais ce n'est pas seulement parce qu'on y fait les courses que j'aime les supermarchés. Plus ils sont grands, plus je les aime. Je garde par exemple un souvenir ému d'une visite à l'hyper Auchan de Perpignan, peut-être le plus grand du monde avec son allée centrale aussi longue que la rue de Vaugirard et aussi large que l'avenue de Breuteuil. Celui de Bretigny, plus proche de chez moi, que je fréquente plus souvent, n'est pas mal non plus. Je ne suis pas de celles qui, fonçant dans les rayons, véritables folles du caddy, y empilent savamment les vivres de la semaine à la vitesse d'un cheval au galop, avec une dextérité qui les fait ressembler à Kali la déesse tueuse aux milles bras, qui, en plus trainent une ainée de huit ans qui se chamaille avec un petit de cinq à qui il faut tout le temps demander de ranger ce qu'il a pris. Je fais les courses seul. C'est un plaisir solitaire. Et je vais lentement, je prends mon temps. Si je dois me depêcher ce n'est plus du jeu. Ce n'est pas non plus la foule que j'aime, elle me fatigue, me fait perdre mes gonds comme tout un chacun. Bien que je sois pas si mauvais à cet exercice, je ne suis pas non plus de ceux qui adorent particulièrement slalomer du caddy au milieu de mille autres, s'imaginant dans Mario Kart sur le scenic raylway de la consommation. Si je peux, je choisis les heures creuses : entre midi et deux heures ou après le diner. Rien n'est mieux qu'un mardi ou un jeudi entre trois et quatre heures. De temps en temps donc, à l'occasion d'un creux dans mon emploi du temps, cela arrive, certains jours de garde peu chargés par exemple, je cours me faire un trois à quatre à Carrefour. Après cinq heures ce n'est déjà plus ça : les sorties de bureaux déversent les salariées sur les rayons, c'en est fini de la tranquillité. Qu'on ne se méprenne pas : je ne fait pas contre mauvaise fortune bon coeur, j'éprouve un vrai plaisir à faire les courses. J'adore flaner entre les rayons, choisir les produits, essayer les nouveautés, comparer les prix, guetter les promotions. L' hypermarché me donne le sentiment océanique. Ca vous revigore un homme. Magnifique étendue de tous les besoins des hommes, à perte de vue. On attaque ça par un bout, les boissons et, enfilant méthodiquement les rayons, on termine à l'autre bout au rayon culturel au milieu des best sellers et des jeux pour la Wii, après avoir traversé le continent des légumes frais, fait la queue à la poissonnerie et, tel Eddie Constantine dans le génial générique de "Cinéma, Cinéma", avoir ouvert et refemé toutes les armoires à congélation du rayon des surgelés.
09 septembre 2008
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30 août 2008
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23 août 2008
Je ne vous ai jamais parlé de mes vices cachés ? Je répare immédiatement cet oubli. Âmes sensibles, ne poursuivez pas au-delà du dernier point de suspension...Allons y. Premier vice caché : je lis le journal "l'Equipe" tous les matins. Même le mardi (lire "l'Equipe" le mardi matin est le comble du vice,le lundi étant un jour particulièrement creux en sports)Je me suis même ménagé depuis des années (des décénies) un repli du temps le matin pour m'adonner à ce plaisir secret avec mon petit déjeuner au café. A cause de "l'Equipe" je commence tout, travail, activités quotidiennes, au moins vingt minutes plus tard. On dit que "l'Equipe" est un journal pour intellectuel. c'est faux. De nos jours, il n'y a plus que les intellectuels qui lisent les journaux. Alors "l'Equipe" ou autre chose... Tout de même, "l'Equipe" c'est encore pire. Je pourrais me contenter de regarder "Jour de Foot" et "L'équipe du Dimanche" sur canal chaque semaine, qui sont aussi des émissions pour intellectuels, mais non, ça ne suffit pas, il faut que je rajoute "l'Equipe" tous les matins. En fait, je lisais l'Equipe bien avant que canal soit inventé (enfin n'éxagérons rien, je ne lisais tout de même pas "l'auto") je fais partie de cette génération qui a appris à lire avant de regarder la télé et non l'inverse. Ceci explique peut-être cela. mais cela n'est pas si sûr, car c'était déjà chelou de lire l'Equipe tous les matins au temps de l'Eurovision où tout le monde lisait un journal au petit déjeuner ("Le Matin", "L'Huma", "Combat", "Libération" de d'Astier de la Vigerie, "Le quotidien", jamais "le Figaro" et maintenant, il nous reste quoi, je vous le demande ? "l'Equipe" ou "Libé", c'est tout. "Le Figaro" on ne trouve de toutre façon pas à la cafétaria de l'hôpital de Dormeil) en ce moment je dépasse d'ailleurs les vingt minutes à cause des JO. Un vrai régal. Ah les interviews des kayakistes, des pentathloniens modernes et des vététistes ! Et puis les journalistes de "l'Equipe" sont les meilleurs du monde. Ils arrivent à nous tenir en haleine avec n'importe quoi. C'est un grand écrivain péruvien devenu président de son pays, Mario Vargas Llosa, immortel auteur de "La tante julia et le scribouillard" (je ne plaisante pas : lisez "La tante Julia et le scribouillard") qui l'a dit un jour : "Les journalistes sportifs sont les vrais auteurs de fiction modernes". Et d'un. faute avouée à moitié pardonnée. Je peux palper l'allègement de ma conscience. Merci qui ? Merci Ciscoblog.
21 août 2008
18 août 2008
12 août 2008
11 août 2008
12 juillet 2008
07 juillet 2008
Notre nouveau chef de service est le professeur Rolex. Il a cinquante ans tout rond. Il a fait sa médecine à Créteil, saint Antoine et Trousseau qui dit mieux. Il ne dort pas la nuit. Il n'y plus qu'un seul psychiatre ici : le professeur Rolex. On l'appelle "Professeur", s'il vous plait ! Il pourrait se fâcher. Ce soir en arrivant, par exemple, je le trouve assis sur le sol du sas, à fumer sa cigarette tout en faisant la psychothérapie de monsieur S. qui, adossé à la fenêtre, debout au-dessus de lui, m'interpelle pour sa permission de demain. La psychothérapie consiste en un un flot continu de paroles incompréhensibles prononcées à voix trèsbasse, comme une musique. Monsieur S. Il en a entendu d'autres. En dehors des psychothérapies, le professeur Rolex arpente les couloirs du service les mains derrière le dos et le nez en l'air. Toujours à la recherche d'une leçon clinique à donner, d'une présentation de malade à faire. Il a les cheveux longs et gras, une moustache de gaulois et plus aucune dent dans la bouche. Il est grand et dégingandé. Il est toujours là quand on a besoin de lui. Il dispense ses conseils à voix basse, naturellement. Sans lui nous serions perdus. Pas plus tard que ce matin, par exemple, lors d'une négociation délicate avec un monsieur passablement énervé qui ne voulait ni entrer ni sortir, il me faisait le "retour son" dans le couloir même. Penché sur moi, vous connaissez ma taille, il me chuchotait en léger différé dans l'oreille les paroles exactes que je venais de prononcer. S'il ne dirigeait pas ma pensée, c'était à s'y méprendre. Il se faisait mon écho fidèle, il commentait. Non, l'énervé ne voyait pas double. Il y avait bien deux interlocuteurs en face de lui : pas Don Quichotte et Sancho Pança, mais le professeur Rolex et moi. Tout se passa bien et, contre toute attente, l'énervé se calma. Le professeur Rolex nous émerveille. C'est le chouchou des infirmières. Il ne nous lâche pas d'une semelle, il nous suit partout comme notre ombre, il est à lui tout seul notre double à nous tous. Il est là quand les infirmières comptent les gouttes, il vérifie le nombre exact, il surveille les transmissions le nez collé à la vitre de l'aquarium, il intervient de loin dans les réunions, il nous souffle les bons médicaments, il décide des sorties, des régimes, des gardes médicales et des heures sup' des infirmières. Il est tellement toujours là que son absence nous manquerait, soudain. D'ailleurs, le professeur Rolex se prescrit lui-même son traitement et ne prend que ce qu'il a prescrit. C'est un As des neuroleptiques. Je ne ferais pas mieux, tout simplement. Le professeur Rolex a une drôle de façon de parler. Parfois il est incompréhensible, totalement hermétique, et d'autres fois on comprend tout ce qu'il dit. Parfois il parle à voix basse, parfois il hausse le ton. Mais toujours il nous enveloppe d'un flot de parole, aussi dense qu'un vol de passereaux, aussi léger qu'un essaim de graines de pissenlit. Le professeur Rolex n'a jamais voulu nous raconter son histoire, comment il a été arrêté sur la voie publique par la police en train de montrer à tout le monde ce que ma mère m'interdit de nommer ici alors qu'il venait de débarquer dans la ville, à la gare. C'est parce qu'il avait une tête de quelqu'un qui débarque, justement qu'on avait téléphoné au CPOA, histoire de voire si le professeur Rolex n'était pas connu dans d'autres régions. ""Rolex" me dites vous, attendez voir. Bingo! Hospitalisé en mars à S. D. !" Un autre coup de fil à l'hôpital de S.D. nous avait rassuré : le professeur Rolex ne débarquait pas de la planète Mars. Il venait de sortir de chez eux trois jours auparavant. Il ne s'était pas enfui, on l'avait laissé sortir à sa demande. On n'arrive pas à le soigner (à le "stabiliser", on dit) on a essayé tous les médicaments. Il résiste à tout. C'est un résistant. Cela me plait bien, à moi le mot "résistant." Alors parfois on le laisse sortir quand il demande. En général on le retrouve un peu partout en France. Ce coup-ci c'est chez nous. Notre interlocuteur était presque déçu, d'habitude c'est à Perpignan ou Marignane, plus loin qu'à cent malheureux kilomètres de chez lui. Mais bon, on allait le reprendre, quand on aurait de la place. Il n'est pas pressé non plus de retourner chez lui, le professeur Rolex, d'ailleurs. Là bas, à S.D. on ne devait plus le prendre assez au sérieux ni suivre ses prescriptions à la lettre. Ca lui fait des vacances.
30 juin 2008
29 juin 2008
24 juin 2008
19 juin 2008
14 juin 2008
11 juin 2008
07 juin 2008
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Pensée de la nuit N°135 : "Et pendant ce temps là, à la terrasse de "l'abri côtier" à Sauzon, Pifou, ses deux amis Sarha et Zozo, et le Lapin Rabbit, magicien de son état, se désaltéraient d'un Coca bien mérité en attendant que vienne les rejoindre Rakkam le Dauphin, directeur du Cirque Des Poissons et capitaine du Grand Vaisseau Aux Voiles Multicolores et Changeantes, pour fêter la fin de cette histoire" Les Aventures du Petit Cheval Pifou, Editions Heurtebise, 1987.
02 juin 2008
Madeleine Charles, dite "Mademoiselle Charles", notre professeur de piano, avait été premier prix de Rome au début des années 30. C'était une toute petite demoiselle, ronde comme une agate, au visage lunaire, au chignon grisonnant toujours impeccable et aux petites lunettes posées sur le bout d'un petit nez pointu. Ses doigts boudinés, ses petites mains qui semblaient vissées au bout de bras dodus et courts n'en faisaient certes pas un parangon de pianiste, mais, après que, une fois venue chez nous tester le noir piano droit à chandeliers que nos parents venaient d'acheter d'occasion et qui trônait dans la salle à manger, elle nous eut plaqué toute un dégringolade d'accord fortissimo à faire trembler l'immeuble mieux que que le métro de la ligne de Sceaux qui passait juste en dessous, nous reconnûmes unanimement son grand talent artistique (plus tard nous aurions un vrai Pleyel tout neuf en bois clair et à cadre métallique qui confirmerait sinon notre vocation au moins notre assiduité) Toujours souriante et bienveillante quoique parfaitement capable de s'impatienter quand nous n'avions pas travaillé et même de s'agacer, ce qui nous mortifiait, quand nous oubliions un peu trop les altérations à la clef, elle était pleine d'admiration et de respect pour ses petits élèves, ces petits messieurs et ces petites demoiselles, fils et filles de docteurs, de magistrats et de professeurs si bien élevés si travailleurs qui venaient bien sagement prendre leurs leçons après l'école. elle ne nous embêtait pas trop avec le solfège et l'harmonie. Je n'avais aucune oreille et j'étais sincèrement accablé de ce handicap. Elle me consolait très gentiment en m'expliquant que c'était sûrement parce que j'avais beaucoup d'imagination, ce qui distrayait mon cerveau de mon oreille, mais qui, en somme, était une autre avantage, comme chacun savait, pour l'interprétation et le supplément d'âme. Chaque mois de Juin, elle réunissait tous ses élèves et leurs parents pour l'audition annuelle. Le petit appartement déjà encombré de pianos (il y avait deux pianos d'études pour les leçons ordinaires et un piano demi-queue, un Gaveau, qui occupait tout une pièce sur lequel nous ne jouions qu'une fois par an (le son feutré un tout petit peu au-delà de nos mains, le toucher de velours du piano à queue m'enchantait, c'était la récompense de l'année, en somme)) se remplissait de chaises toutes plus inconfortables les unes que les autres sur lesquels nos parents et nous mêmes, entassés, souffrions le martyre dans nos plus beaux blazers, avant de nous voir délivrés par notre passage au clavier. Malgré les fenêtres largement ouvertes sur la rue de Tournon, l'appartement était une fournaise. Mademoiselle Charles, secondée pour l'occasion par sa sœur Marthe, aquarelliste de profession, toute aussi petite mais aussi mince et sèche qu'elle était ronde et dodue, faisait circuler des rafraichissements au prix d'acrobaties dont nous ne l'aurions jamais crue capable. Pour l'occasion, elle faisait venir une sommité du Conservatoire, Suzanne Demarquez, compositrice et auteur de nombreuses méthodes de solfège, alter ego d'Alfred Cortot en personne, qui s'asseyait sur le meilleur fauteuil, entre le clavier et la fenêtre , à un souffle de notre joue, prenait un air de sphinx impénétrable et somnolait déjà pendant que les doigts malhabiles des plus petits massacraient à tout de rôle le petit âne gris de Jacques Ibert et le gai Laboureur de Shumann. Je me souviens quant à moi d'y avoir, entre autre, estropié bravement un tambourin de Rameau, une arabesque de Debussy, une valse de Milhaud et un nocturne de Fauré. J'y reçus pourtant plusieurs fois les encouragements mécaniques de la grande dame que j'avais bien du réveiller par l'accumulation des fausses notes et des hésitations. Le clou du spectacle était immanquablement les grands élèves dont Alain Z. et son noeud papillon dans des sonates d'un niveau supérieur (Beethoven, Chopin) bien qu'elles aussi passablement massacrées et parfois accompagnées, fin du fin, au violon par Monsieur Emmanuel, premier violon au concert Colonne. C'était un moment hautement culturel. Après les vivats, Suzanne Demarquez se levait, tendait le cahier de ses observations à notre mademoiselle et se dirigeait vers la sortie en agitant les mains, précédée et suivies par les deux soeurs confondues en remerciements et courbettes. Après quoi, l'appartement se vidait rapidement, et nous nous disons au revoir, dans la tiédeur de l'été, sous le ciel rose des soirs de juin, au milieu de la rue de Tournon déserte. Et tout cela se passait au siècle dernier.
29 mai 2008
27 mai 2008
Je me souviens de la rue de Tournon. C'était la rue du docteur Z. et des sœurs C.. Le docteur Z était notre médecin de famille. Chez nous, le docteur Z, on l'appelait "Z", quand on parlait de lui, mais quand on allait le voir, on lui donnait du docteur, bien respectueusement. Il recevait chez lui, comme cela se faisait beaucoup à l'époque, dans un appartement somptueux, auquel on accédait après avoir grimpé une volée de marches en marbre au-delà d'un porche majestueux. Son cabinet de consultation, saint du saint, se trouvait au bout d'un dédale de couloirs sombres, éclairés de jolies lampes posées sur des meubles de style, décorés de tableaux de maîtres, où nous guidait avec discrétion, mais d'une fermeté toute professionnelle, madame Z., sa femme, qui lui servait aussi de secrétaire. Nous étions donc aussi plein de respect pour elle. Ce n'était certes pas un petit docteur. Il avait été condisciple du professeur Gilbert-Dreyfus chez qui je ferai plus tard mon premier stage (Il existe une "photo" de service où Gilbert-Dreyfus pose en sarrau et calot blancs entouré de la centaine d'infirmières et de médecins de son gigantesque service, on m'y voit en tout petit, dans les derniers rangs. Un vrai mandarin, inatteignable, ce Gilberet-Dreyfus, j'en ai connu d'autres par la suite (Castaigne, Lhermitte (François, le fils de Jean), Cabrol (celui de la greffe du coeur qui n'était à ce moment là que l'agrégé de Mercadier), Guiraudon adorable enseignant d'anatomie, Grosgogeat, le cardiologue, futur médecin pesonnel de J. Chirac, et d'autres dont un rhumatologue communiste dont le nom m'échappe et tout aussi mandarin que les autres), comme juif il avait, selon mes parents, souffert de discriminations avant et pendant la guerre - il n'y avait pas plus antisémite en ce temps là que la faculté de médecine - et n'avait de ce fait pas pu accéder aux hautes fonctions que mes parents étaient persuadés qu'il méritait. Depuis longtemps il était spécialiste en endocrinologie, mais il avait gardé, toujours selon mes parents, une partie de sa vieille clientèle en médecine générale dont ils s'honoraient de faire partie. Au fond, je crois maintenant qu'il n'avait jamais été qualifié par l'Ordre, ceci expliquant cela. C'était un professionnel hors pair. Je me souviens qu'il a soigné à domicile deux des trois infarctus que fit Mongrandpère avant que le troisième ne l'emporte avec un dévouement impossible à imaginer de nos jours. C'était un bon vivant, gaillard chaleureux et infatigable, au sourire ravageur et à la voix particulièrement séduisante, un peu à la Montand, sorte de demi-dieu vivant et dyonisiaque pour toute notre famille d'hypochondriaques, à qui je dois cependant personnellement un fière chandelle. Je dirai peut être un jour laquelle.