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31 décembre 2003

MEILLEURS VOEUX POUR 2004

30 décembre 2003

via écholalie, encore elle ! (mignon, non ?)

29 décembre 2003

J'ai trouvé cette remarquable liste de huit listes carrées devinez où ? (chez écholalie, bien sûr, merci écholalie !)

{42}

{Homme, Femme}
{Pile Face}

{Pere, Fils, Saint-Esprit}
{Rouge, vert, bleu}
{Animal, végétal, minéral}

{Printemps, été, automne , hiver}
{Pique Coeur carreau, trefle}
{nord, sud, est, ouest}
{eau, air, terre, feu}

{pouce, index, majeur, annulaire, auriculaire}
{Afrique, Asie, Europe, Amériques, Océanie}
{PricewaterhouseCoopers, Arthur Andersen, KPMG, Ernst & Young, Deloitte & Touch}
{Pondichery, Karikal, Mahé, Yanaon et Chandernagor}
{Claude, Annie, François, Mick et le chien Dagobert}

{peinture, sculpture, architecture, littérature, poésie, musique}
{Qui,Quel,Comment,Quand,Où,Pourquoi}
{anglais, arabe, chinois, espagnol, français ,russe}
{bas, haut, étrange, charme, beauté, sommet}
{Eustache de Saint-Pierre, Jean d'Aire, Jacques et Pierre de Wissant, Jean de Fiennes, Andrieu d'Andres}
{Dieu, grâce, foi, bible, sacerdoce, églises}

{colère, paresse, orgueil, avarice, luxure, envie, gourmandise}
{Prof, Dormeur, Timide, Grincheux, Atchoum, Simplet, Joyeux}
{Pyramides de Gizeh, Jardins suspendus de Babylone, Statue de Zeus à Olympie, Colosse de Rhodes, Temple d'Artémis à Éphèse, Mausolée d'Halicarnasse, Phare d'Alexandrie}
{Etats-Unis, Canada, Royaume Uni, Allemagne, France, Italie, Japon}
{O'Reilly, Chris, Vin, Lee, Britt, Calvera, Chico}
{ violet, indigo, bleu, vert, jaune, orange, rouge. }
{bijou, chou, caillou, hibou, genou, joujou, pou}

Pensées de la nuit N° 52 et 53 :

" La forme, c'est le fond qui remonte à la surface" Charlotte Perriand, Designer".

"19 septembre 1967. Signe des temps, je n'ai plus d'encre" Che Guevara, Journal.

( eh oui, deux d'un coup : les pensées de la nuit c'est comme le fromage, où on veut et quand on veut )

28 décembre 2003

Antonio Tabucchi écrit, dans "Il se fait tard, de plus en plus tard" : "C'est pour cela que je te rappelle le voyage que nous ne fîmes pas à Samarcande, parce que celui-là fut bel et bien vrai et à nous et complet et vécu. Je continue donc notre jeu. Comme le dit le philosophe dont je te parlais, la mémoire fait revenir le vécu, elle est précise, exacte, implacable, mais elle ne produit rien de nouveau : c'est sa limite. L'imagination, au contraire, ne fait rien revenir, car elle ne peut pas se souvenir, et c'est sa limite : en revanche, elle produit du nouveau, quelque chose qui avant n'était pas, n'avait jamais été. C'est pourquoi j'ai recours à ces deux facultés, qui peuvent s'aider mutuellement, pour évoquer de nouveau notre voyage à Samarcande que nous ne fîmes pas mais que nous imaginâmes dans les moindres détails." La mémoire, l'imagination. Découvrir, inventer. Rien à voir. On découvre ce qui existe, ce qui a toujours existé, mais qui est caché à nos yeux, on dévoile un pan du réel, comme le souvenir comble une partie de l'oubli. D'un autre côté, ce qu'on invente est une chose qui n'existait pas, que Dieu même n'avait pu fabriquer, et qui "prendra" définitivement "corps", même si l'invention est immatérielle (la musique, Les "Inventions" de J. S. Bach.) L'enfant, dont Picasso affirmait vouloir retrouver la créativité, invente et imite. Il fabule. Le savant découvre et enseigne. Il cherche. Le Savoir, est le paradigme de la mémoire comme l'Art est celui de l'imagination. Explication de l'iconoclastie : imaginer, produire du nouveau, c'est faire injure à Dieu qui a crée une seule fois tout ce qui existe de toute éternité. Alternative terrible de l'artiste : Accepter simplement l'inspiration qu lui a été insufflée, ne rien créer qui ne lui ait été dicté, mot à mot, touche par touche, ou bien prétendre être Dieu soi-même, Dieu de soi-même, jusqu'à la folie, encourir les flammes éternelles (l'Artiste maudit) ou vouloir tuer Dieu (l'Artiste révolutionnaire.) Confort intranquille du Savant : ne rien créer, mais découvrir, passer sa vie à dévoiler, humblement et patiemment l'infini de la Création, pour l'émerveillement des hommes et la plus grande gloire du Créateur. Au risque de passer pour le "Savant fou", qui croit égaler Dieu quand il se veut créateur, éternelle image de l'apprenti sorcier, de la bombe d'Hiroshima ou de la folie de Georg Cantor. Extraordinaire et paradoxale compatibilité de la Science et de la Croyance. L'interprétation (je veux dire musicale, théâtrale) est mémoire, donc Science. Elle est commentaire en acte : elle ne surpasse jamais l'œuvre. L'œuvre est le paradigme de sa propre interprétation, sa perspective. Une interprétation ne recrée pas l'œuvre, encore moins une autre œuvre, elle n'est pas une déclinaison de l'œuvre, elle est toujours "à côté" d'elle. Mais l'instant même de l'interprétation, l'instant de la représentation, de l'exécution, de l'adresse au public, est, comme le dit Tabucchi, véritablement alchimie entre Savoir et Art, mémoire et imagination : car l'œuvre s'adresse alors à nous, elle cesse d'être immanente. Non seulement elle se matérialise, mais elle nous fait signe, parle. Elle nous modifie, quoiqu'on qu'on en dise, pour un instant ou durablement, peu importe, elle nous modifie, elle a fait effraction en nous et nous remue, nous met en mouvement. C'est le mouvement de l'amour, le même qui ébranle la rencontre amoureuse. De ce point de vue, Il n'y a pas différence fondamentale entre les arts d'interprétation (musique, théâtre, poésie) et les arts de représentation (peinture, sculpture, littérature) : tout comme la musique, dont on pourrait penser qu'elle préexiste à toute interprétation (la sourde sonate de Beethoven), est faite pour être entendue, les tableaux n'existent que parce qu'ils ont été faits pour être vus, les livres pour être lus. Le chef-d'œuvre inconnu de Frenohfer n'est pas immanent. Emmuré deux fois, d'abord derrière la maçonnerie construite par le peintre, ensuite entre les pages du livre, soustrait à tous les regards, il n'est ni un chef-d'œuvre ni même une oeuvre, ni même inconnu, il n'a véritablement jamais été peint : seul Balzac l'affirme, mais qu'il le prouve… Le tableau, cette image qui attire notre regard par sa singularité, est un bien grand mystère. Il représente un Sujet. Ce Sujet est le paradigme du tableau (la "Maja" "vue" par Goya, Olympia "vue" par Manet, la Tamise par Monet). C'est pour ainsi dire, le tableau lui-même, comme objet, qui est l'acte d'interprétation. Si le Sujet est ce qu'il y a dans sa tête au moment où il peint, alors transporté sur la toile, il entraîne du coup avec lui le corps même du peintre dans la peinture, qui en constituera la matière, autant que la pâte, les pigments, les vernis. C'est, au fond, ce corps qui retient notre regard, nous ravit et c'est encore de l'ordre de l'amour. On peut en dire à peu près autant de la musique. Même si Mozart n'est pas physiquement présent dans la partition posée sur le pupitre de mon piano, Il y sera bel et bien pourtant - de tout son corps - à l'instant même où mes doigts, pesant sur les touches, au même endroit exactement où ses doigts à lui se posèrent jadis, reproduiront, même maladroitement, les gestes incroyables qui font jaillir la musique : j'interprèterai Mozart, infiniment moins bien que Clara Haskil, car mon savoir est infiniment moindre que le sien, mais c'est en vue de cette réincarnation plus ou moins réussie que la musique se doit d'être être jouée, pas seulement entendue, comme dit Jacques Drillon. L'interprétation est savoir sur l'œuvre en même temps que passage par le corps. Pas de musique, pas de peinture sans geste. Un jour, j'ai entendu un très vieil enregistrement de Guillaume Apollinaire lui-même disant "Le pont Mirabeau", c'était complètement emphatique, presque ridicule, pédagogique, il en rajoutait des tonnes pour s'assurer qu'on entendait bien la métrique ("Sonne l'heuurheu, Je demeuurheu…") Je me souviens aussi très bien de la voix de Jacques Prévert récitant "Pour peindre un oiseau" ou "Sanguine", Prévert, au contraire expédiait la lecture sans faire le moindre sort aux mots, on aurait dit qu'il lisait le journal. Ces créateurs interprétaient eux-mêmes leurs œuvres, et c'était beaucoup moins beau, moins émouvant, que, par exemple, les interprétations des mêmes poèmes par Léo Ferré ou Yves Montant. Je me demande si Mozart lui-même, compte non tenu des progrès techniques, aurait soutenu la comparaison avec Haskil, Brendel ou même Horowitz. Dommage qu'on n'ait pas d'enregistrement ! Mais il est encore plus dommage qu'on ait pas d'enregistrement de Mozart en train d'improviser, il est probable alors qu'on ne pourrait lui trouver aucun rival parmi les grands pianistes actuels, à part peut-être, j'y pense en l'écrivant, les grands pianistes de Jazz du genre de Monk, Waller ou Ellington. Bien au-delà de ses particularités rythmiques ou harmoniques, c'est l'improvisation qui fait la grandeur du Jazz (et qui existait à l'époque de Mozart, on le sait, les concours d'impro, par exemple, mais on en n'a de traces que dans les souvenirs des contemporains et pour cause). L'improvisation est forcément le mélange dont parle Tabucchi, celui de l'imagination et du savoir. Que ce soit le thème original ou le "Standard" mille fois repris, il est alors comme le sujet du peintre, il n'appartient pas vraiment à quiconque, seul le génie du musicien le transforme en cet instant de grâce qui nous transporte soudain. Le Jazz libère l'interprétation du commentaire et la hisse au niveau de la création. Jacques Réda écrit, à propos du célèbre enregistrement où Albert Ayler improvise sur Summertime : "Ayler a vu que le temps de l'été s'était achevé. Il n'a pas joué Summertime. Il s'est agenouillé devant lui, il lui a parlé à voix basse et tendre, il l'a supplié comme pour rappeler à soi quelqu'un qui vient de défaillir et, à demi-défaillant lui-même, il lui a chuchoté et crié combien il avait été beau et combien lui, Ayler, l'aimait, et combien cette distance infranchissable où il se retranchait maintenant était injuste, et cédant à la colère du chagrin, il s'est emporté, entrecoupant d'injonctions sa plainte pantelante et presque animalement funèbre. Puis il s'est calmé peu à peu. Il n'a plus émis qu'une lamentation résignée proche du murmure. C'était fini". Et moi j'écris tout çà, comme une improvisation, sur des thèmes qui seraient les fragments de Tabucchi et de Réda. "Interprète"le comme tu veux, pendant que tu es loin, toi aussi, entre Avranches et le Mont Saint Michel et je pense que ça à voir avec notre amour et j'essaie peut-être en vain de comprendre tout ce qui nous lie et nous désunit à la fois.

22 décembre 2003

J'ajoute en LCD un photolog fort bien fait (bien qu') intitulé "Kill me Sarah"

21 décembre 2003

via geisha asobi

C'est un origami ! il y en a d'autres, cliquez sur l'image ! (C'est un site japonais, mais pas la peine de télécharger le logiciel de gestion de caractères, c'est plein de }W1, de vi1995j‚ et de ɊȈՔł̐܂è}Žû˜ mais c'est pas grave : de toute façon on n'y comprendrait pas plus. Suffit de cliquer au hasard sur ce qui ressemble à des liens ! amusant, non ?)

Puisqu'àprès tout ce site est un "Blog" je le fais parfois fonctionner comme un "Blog" : je reproduis ici une édifiante et limpide entrée de David Madore (sauf le dernier paragraphe, but nobody's perfect, n'est-ce pas ?) sur les SMS :

"L'envoi d'un SMS depuis mon mobile, d'après la brochure officielle des prix de mon opérateur, coûte 0.15€. Sachant qu'un SMS peut comporter jusqu'à 160 caractères (limitation complètement ridicule s'il en est), cela nous donne un prix de 1006633€ pour un giga-octet. Un million d'euros le giga-octet ! Comparez ça au prix au giga-octet d'à peu près n'importe quel autre canal de communication ou support de stockage : c'est une arnaque absolument monstrueuse.

Je ne sais pas comment est comprimé le son sur les téléphones mobiles, mais je doute très fortement qu'on soit en-dessous de 1kbps (ce qui représenterait déjà un rapport de compression de plus de 50 par rapport au son échantillonné à 8kHz en mono, 8 bits par échantillon). Autrement dit, une minute de communication, facturée 0.48€ par le même opérateur, échange au minimum l'équivalent d'une cinquantaine de SMS, quasiment un par seconde. Mais les prix sont loin d'être dans le même rapport, la minute ne coûtant que le triple du prix du SMS. Comme je doute que le service vocal soit vendu à prix coûtant, cela signifie qu'au moins 90% du prix du SMS (et ceci est une borne inférieure très large) est du pur profit pour l'opérateur. Pas surprenant, ensuite, qu'on cherche à promouvoir le SMS comme un mode de communication djeunz et branchouille. Hallucinante arnaque.

Question subsidiaire : le manuel de mon téléphone parle de caractères Unicode pour désigner les caractères accentués qu'on peut mettre dans les SMS. Il s'agit cependant d'un jeu très restreint de caractères, ne couvrant même pas tout iso-latin-1 et assurément pas une proportion non ridicule d'Unicode. Cependant, il n'est pas clair si c'est parce que le téléphone juste ne permet de saisir qu'un ensemble très limité de caractères (et peut-être ne sait afficher qu'eux) ou si le « standard » SMS est intrinsèquement limité. La mention d'Unicode me laisserait espérer qu'ils ont pris la bonne décision, à savoir encoder les SMS en Unicode (disons utf-8 ou utf-16 — dans ce dernier cas il faudrait diviser par deux mon estimation du prix au giga-octet, d'ailleurs ; mais je crois que c'est bien 160 octets d'utf-8, en fait). Est-ce le cas ? J'aimerais bien pouvoir tester la réception d'un SMS contenant des caractères un peu exotiques pour savoir ce que mon téléphone en fait. Comment ces choses-là se passent-elles au Japon, d'ailleurs, par exemple ? "


19 décembre 2003

voilà que Blogger ne sait plus écrire en français, maintenant. il remplace les accents, les apostrophes et les guillemets par des %, @, ou des £ et des $. Commence à m'énerver, çui - là... J'ai envoyé un SOS pour leur demander de me rendre mes accents nationaux (jusqu'où va la haine anti francaise !). Voici la réponse : "Hello Grossmann Francis,Thanks for writing in. I checked your blog and saw that you were missing the encoding metatag in your Main Template. I have added it and republished your entire blog. Everything seems great. For more information on encoding, please see our Blogger Knowledge Base article for details: http://help.blogger.com/bin/answer.py?answer=80&topic=18

Thanks, Christine"


Thanks à vous Christine (plutôt efficace, non ? j'ai tout de même du corriger tout "à la main", ça occupe les doigts...)

Mais, si vous lisez plus bas, y'a encore quelque chose qui cloche, j'y retrourne immédiatement.
Hélène Chaigneau. Elle semble toute petite, seule derrière le micro de cette tribune dans l’amphi A de l’hôpital de la Timone, à Marseille, aux journées annuelles de l’Association Méditerranéenne de Psychothérapie Institutionnelle. Elle doit se soulever un peu pour bien parler dans le micro, se soutenant des coudes sur la paillasse, mais elle fait ça très bien, elle a l’habitude. Depuis quelques temps elle marche avec une vilaine canne de métal, genre remboursé par la Sécu qui va très bien avec son style toujours un peu à la limite du débraillé genre je n’ai jamais fait attention à mon apparence physique ce n’est pas maintenant à quatre-vingt-deux ans que ça va changer, qu’elle a soigneusement rangée dans une corbeille à papier pour être sûre de la retrouver après son intervention. Je la connais depuis, voyons, trente ans, et j’ai l’impression qu’elle n’a pas changé : Ses cheveux longs un peu gras et filasses tombent toujours sur un visage de mémé sans beauté, mais illuminé par des yeux pétillant de malice et d’intelligence. Elle parle de cette voix à la fois vielle France et gouailleuse, populaire, des personnes de son âge habituées à parler en public, ménageant ses effets, avec de longs silences pour choisir ses mots, tant pis si on attend la suite qui n’en sera que plus savoureuse, comme si elle inventait les fables de Lafontaine avec la moralité et tout au fur et à mesure. Elle évite soigneusement l’exposé didactique, l’analyse politique, le discours scientifique. On dirait qu’elle parle de tout et de rien, d’ailleurs on ne dirait pas, elle fait dans la parabole, l’histoire drôle, la brève de comptoir. On ne voit jamais tout de suite où elle veut en venir, ni elle non plus peut-être, mais elle y arrive toujours, sans crier gare et sans perdre le fil d’une pensée précise, dans un éclat de rire général. Elle est très consciente de son côté Clown. Il y a vingt huit ans exactement, je m'étais enfin décidé à revenir à la psychiatrie, que je n'aurais jamais du quitter, après mes intermèdes chirurgicaux et ma rupture d'avec Florence dont je subissais pas mal de contre coups. A cette époque, et malgré les apparences d'une arrogance rien que juvénile, je manquais totalement de confiance en moi et étais la proie d'angoisses dont l'intensité m'avait fait, comme je l'ai déjà raconté, me ruer de toute urgence sur le divan d'un psychanalyste. J'aurais donc pu tranquillement retourner commencer ma psychiatrie à Moisselles, Jean Ayme m'y aurait accueilli sans doute, mais il en était hors de question, d'abord parce que plus rien n'était tranquille, que Florence commençait à s'y faire reconnaître comme psychologue et qu'en quelque sorte elle occupait le terrain. Je m'étais, quant à moi, résolu à l'abandonner, le terrain, pour ne pas avoir à lui disputer. C'est pourquoi j’étai allé voir Chaigneau à Maison Blanche, qui ne dépendait pas de la même fac que Moisselles. Elle me reçut en compagnie d'un de ses assistants préférés que je reconnus plus tard être Charles Reboul, son futur successeur, mais qui passa aussi quelques années aux Mozards à la fin des années quatre-vingt. je la revois assise à son bureau les mêmes cheveux gras lui tombant sur le visage. Elle portait un T shirt blanc qui ne lui allait pas du tout, trop ample, sans forme, imprimé de petits mickeys, peut être bien. Ils étaient bien joyeux tous les deux ce matin-là, Ils me soumirent à un flot de questions croisées, comment je trouvais Moisselles ? Comment je trouvais Jean Ayme? Ce que j'avis appris là, je me souviens que Reboul m'avait demandé, faisant mine de me faire passer un test pour savoir si mon passage par Moisselles avait été authentique : Quelle en était la patiente vedette ? Je lui avais répondu Kiki, ce qu'il attendait, alors que j'aurais aussi bien pu dire Guiguitte et nous aurions alors polémiqué. Ils présentaient l'entretien comme un anti entretien. Chaigneau devint un peu plus sérieuse, elle, avait compris que, alors que c'était si facile pour moi de retourner à Moisselles, quelque chose m'empêchait de le faire et me demanda quoi. Je lui racontais aussitôt toutes mes difficultés avec Florence et les angoisses qui en découlaient et que je ne tenais pas à travailler sur le même lieu qu'elle, ce qu'elle écouta très attentivement. Elle ne fit aucun commentaire, me dit que tout étudiant venant de Moisselles était le bienvenu à Maison Blanche. Elle me congédia gentiment. Plusieurs jours plus tard je reçu une lettre écrite de sa main où elle expliquait que sa fac avait décidé de réserver les postes de son service, comme beaucoup d'autres à Maison Blanche, pour les étudiants de la Fac dont ils dépendaient et que, malgré mes qualités certaines et mon expérience précieuse, elle regrettait de ne pouvoir donner suite à ma demande. Je regrettai quant à moi de lui avoir raconté mes déboires sentimentaux et de m'être ouvert à elle comme à une psychothérapeute. je ne sus jamais si ce ne fut pas pour mon immaturité psycho-affective et la fragilité, même passagère, que j'avais révélée sciemment ou non, qu'elle me congédia en réalité. Je ne le saurai jamais, et ce n'est surtout pas à la tribune des journées de l'AMPI que j'allais le lui demander. Plus tard, bien que n'ayant jamais travaillé avec elle, je l'ai revue partout où la psychiatrie bougeait : aux grands congrès de l'Association "Accueil?" Aux jubilés de Bonnafé, par deux fois et l'année dernière, encore une fois avec Bonnafé à l'occasion de le remise de son fond de livres et d'écrits à la bibliothèque de Vivaldi. Elle ne se servait pas de canne, ce soir là, à la Médiathèque de Corbeil. Elle s'était montrée beaucoup plus en forme que Bonnafé plus âgé qu'elle de cinq ou six ans. Hélène Chaigneau a été l'une des balises de ma vie professionnelle, bien que je ne l'aie jamais personnellement connue. Donc, à cette tribune, la voilà qui essaie de parler des difficultés qui résident entre le singulier et le collectif. Il semble qu'elle s'égare ou nous égare, Je reprends, presque texto ses paroles en transcrivant, autant que possible, les silences par des points de suspension : "Bon, la Pause, dans les congrès, c'est pour ça...aller pisser...bon, l'inconvénient, c'est qu'on y va tous en même temps, il faut faire la queue, on s'bouscule... c'est pas... très commode... ( grand regard circulaire)...Comment faire autrement ? Je m'étais dit, moi...j'irais bien à un aut'moment, quand il n'y aurait personne, ce serait bien plus agréable d'prendre son temps ... pour pisser...C'est c'que j'ai fait, j'y suis allée, donc, pendant un d'vos exposés qui m'intéressait moins, excusez moi, hein... et c'est là que je m'suis aperçue que j'n'avais pas du tout envie de pisser...problème, non? (rire général) enfin... c'est pas si simple, vous voyez, faut bien faire attention à tout ça...le singulier....le collectif (elle fait un sort au f : "collectifff")..."

15 décembre 2003

Pensée de la nuit N° 51 : "Tiens, ça fait un moment que je n'ai pas posté de Pensée de la nuit" Ciscoblog, le 15 décembre 2003

13 décembre 2003

Je sais, c'est un peu gamin, mais c''est très amusant de détourner Google de son objet habituel. Et tout un univers s'ouvre, qui n'a de bornes que l'imagination sans limites de notre fertile mais fragile cerveau... Bonsoir. ( On pourrait bien faire progresser "n +1" jusqu'à la fin de la nuit mais il parait raisonnable de l'arrêter sur un joli nombre tout rond, on saura lequel : le nombre 10.)
Zut, j'ai complètement oublié d'annoncer que j'ai eu exactement 20.000 jours il y a 18 jours ! (via lemonde.fr)

12 décembre 2003

mars attack

J'adore toute ces images de la paranoïa américaine des années soixante, pas vous ? (cliquez sur l'image)

11 décembre 2003

Au moment précis ou vous lisez ces lignes (écrites le 4 juin 2002 à 23 heures 51, à Evry) j'insère dans le corps de ce texte une incise, j'incise ce corps de texte par un insert (ç'a n'a rien à voir avec l'histoire que vous venez de lire (soyons clairs)), que je voudrais voir devenir, au moment même où je l'écris (et où vous la lisez, (dans dix minutes, dans un mois, dans deux ans, dans vingt, voire dans un siècle (mais n'exagérons pas, tout de même)))), le coeur, le point nodal du texte entier que je vais continuer d'écrire ( et que vous continuez de lire (à moins que vous ayez déjà renoncé d'ennui (je vous jure que je ne fais pas de fausse modestie (ce n'est pas mon genre) à moins, au contraire que, ne lisant pas dans la continuité, fragment après fragment (comme vous y invite pourtant l'empilement des pages que vous tenez entre les mains), mais butinant par ci par là, (comme vous y invite aussi le même empilement) vous soyez justement tombés sur ce fragment même, comme attiré par l'intrigante multiplication des parenthèses (n'oublions pas de bien les refermer, les parenthèses)))) et qui, inexorablement, si je continue de l'écrire (il n'y a aucune raison que je ne continue pas), se décalera vers le début du texte alors que précisément maintenant elle s'en situe (je suis en train de l'écrire, suivez moi bien) à la fin. A la toute fin, à l'inachevé ( pour être plus précis), au bord du vide de l'écran de mon Psion Série 5mx, qui diminue au fur et à mesure que je frappe les lettres qui s'inscrivent inexorablement (et comme dirait Samuel Beckett, faute de mieux) les unes à suite des autres sans jamais s'y engloutir ou s'y perdre (miracle permanent de l'écriture (du geste de l'écriture) : la mort du vide (ou du moins son échec) et sa résurrection (car il ne meure pas vraiment, il renaît sans cesse après chaque lettre inscrite comme manne inépuisable et toujours disponible, sécrétion perpétuelle de mon écran (je pense à ces volcans sous-marins qui produisent sans cesse une lave immédiatement refroidie par la mer qui va, solide, morceau de lave refroidie après morceau de lave refroidie, contribuer à l'extension du continent ou bien à ces images d'ordinateur, servant parfois de ce qu'on appelle des "écrans de veille", produits d'algorithmes mathématiques complexes et amusants (reposant la plupart du temps sur une application dynamique de la théorie des fractales de Benoît Mandelbrot) et qui semble éternellement se renouveler en jaillissant sans fin d'un centre germinatif qui n'est autre que celui de l'écran))) Cette incise, je la voudrais déchirante, (je ne veux pas dire triste, ni douloureuse ni accablante (je n'utilise pas la déchirure dans son sens figuré)) mais il me faudrait carrément déchirer le papier (pour ce qui est de l'écran où s'inscrivent ces lignes le 11 décembre 2003, à 0 heures 08, c'est plus difficile) et encore, la feuille ne serait que déchirée et pas déchirante et on serait bien loin de tout ce que je voudrais pouvoir exprimer par cette déchirure (ce qu'on ne peut pas dire, il faut le taire, on ne peut que le montrer, disait Wittgenstein (mais tant pis)). C'est parce que je ne peux pas parler de la fin. Il m'est impossible de parler de la fin. (Je ne me cache pas derrière mon petit doigt, je sais que dire le mot fin c'est aussi dire le mot mort, mais j'affirme que je ne parle pas seulement de la mort, je parle aussi de la fin, de là où les chosent cessent, toutes les choses n'importe lesquelles, même les lettres, même les mots). Ne pas pouvoir parler de la fin : cela ne m'est pas seulement impossible pour moi, mais pour tout le monde. Ne pas pouvoir parler de la fin : c'est la raison d'être de mon écriture. Je risque la généralisation : peut-être est-ce aussi la raison de l'écriture, en général. Jacques Roubaud (mais je ne prétends pas poète) dit, lui, ceci (dans la "Bibliothèque de Warburg) : " La mise en mémoire de la langue par la poésie et la poursuite d'une mise en mémoire d'une langue par un exercice particulier de la poésie ont une caractéristique commune remarquable : l'inachèvement. La poursuite de la langue par la poésie est une poursuite sans fin. Cela est vrai non seulement de la poésie en général, mais de toute poésie, de chacune. La poursuite de la mémoire est également une entreprise inachevable ; inachevable par l'humanité ; inachevable, s'agissant de sa propre mémoire, par chacun. La mémoire et la poésie entendue comme mémoire sont marquées toutes les deux du signe d'un inachèvement perpétuel". On peut dire : c'est la fin parce que cela s'arrêterait là, mais cela ne serait pas forcément achevé (si c'était achevé, d'ailleurs ce serait aussi la fin, mais une fin encore plus finie, pour ainsi dire : la mort (c'est compliqué (mais pas plus que toutes ces parenthèses))).

10 décembre 2003

Chic ! un site sur John Coltrane (et superbe avec ça)

08 décembre 2003

Je me souviens de Barbara : "Rappelle toi, Barbara, il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour là". Très jolie adaptation en anglais sur "Days of my life", ce soir

05 décembre 2003

Dernier exemple : je reprends une nouvelle fois une phrase au hasard : "Ce fut là la seule hallucination visuelle dont il me fit part." Je me souviens parfaitement de quelle nuit il s'agit et de quel endroit : sa chambre à Villecerf, dans la maison de campagne de nos parents, non loin de Moret sur Loing. On sort de Moret après avoir traverse le Loing sur ce magnifique pont qui laisse derrière soi la vue de la ville immortalisée par Sisley, avec le moulin, la maison sur l'île et les saules pleureurs, on laisse à sa gauche la route de Saint Mammes (endroit précis où je traitai, en 1986, ma maîtresse de future sous préfète alors qu'elle m'annonçait que son mari préparait les concours administratifs) et de Champagne-sur-Seine, on traverse un faubourg où se trouve une boulangerie où nous nous arrêtions toujours avec les parents pour prendre du pain, et on tourne à droite, le long du canal du Loing, non loin de la maison de Georges Clemenceau, on longe un moment le canal, on traverse Ecuelles, on continue de longer le canal, au milieu d'un lotissement, puis la campagne arrive et le village de Villecerf, avec le restaurant café Rabotin, ou nous allions parfois dîner quand les parents n'avaient pas eu le temps de faire de courses. Dans Villecerf, on tournait à gauche vers Ville Saint Jacques (et plus loin Montereau), on passait le petit pont sur l'Orvanne et on tournait tout de suite à gauche sur la route de Montarlot. La maison était la dernière à gauche dans ce hameau qui s'appelait La Fondoire. Le voisin s'appelait Renaud. Il était très gentil, mais faisait régulièrement des crises de Delirium Tremens. Cela ne nous gênait pas beaucoup et nous acceptions bien volontiers les légumes de son potager et les fruits de son verger qu'il apportait sans façons. Il élevait aussi des lapins et des poules, qui franchissaient parfois la clôture, qui était plus lâche au bord de l'Orvanne, et se faisaient régulièrement égorger par Litchi le délicieux cocker américain de mes parents. Il y a une haie de thuyas, qui, avec les années, de tout petits et rabougris sont devenus géants et majestueux et la maison cossue se cache derrière. Et puis, il y a bien un moment, dans le développement de cette série, où l'on finit par mentir, parce qu'on ne se souvient plus très bien et que ça n'a pas vraiment d'importance tous ces détails - qui ira vérifier - ce qui compte c'est le récit... On finit par faire du roman. Le roman, c'est le mensonge. Bien connu depuis Louis Aragon et son "mentir vrai". Tenez, cet Alain et cette Isabelle (tiens, voilà que je me souviens de son prénom, maintenant, comment avais-je pu l'oublier. Alain et Isabelle.) ne sont-ils pas d'excellentes matrices pour des personnages de fiction ? D'ailleurs, pour tout vous dire, Alain ne s'appelle pas Goose, malgré son aspect de jeune ouvrier british un peu enrobé, il s'appelle Gouse ou bien Gosse, peut-être pas tout à fait comme le sale du môme nom, ou le beau, mais peut-être bien exactement comme. Il pourrait être une sorte d'espion, un James Bond au petit pied qui ne s'appelle pas Roger, Roger Goore (et encore moins Sean Connery). Je crois me souvenir, que c'était bien sa mère qui était anglaise, contre toute attente, mais pas son père, ce qui, donc, ne justifie en aucune mesure un patronyme d'outre-manche. Je ne crois pas me souvenir non plus qu'il parlait particulièrement bien anglais. Ou alors c'était son père qui était anglais, mais il aurait quittè sa bretonne de mère quand il aurait été tout petit et sa mère, pour qui la langue de Shakespeare était devenue insupportable l'aurait obligé à choisir allemand en première langue et espagnol en seconde. Et Isabelle ? A vrai dire, et malgré tous mes efforts de mémoire, je n'arrive pas à me souvenir de son véritable prénom (penser à demander à Gilbert la prochaine fois que je le vois) mais je me souviens très bien de ses seins, qui n'étaient d'ailleurs pas si petits que ça, et de ses longs cheveux blonds et raides etc.
via le crepuscule des joursNotre mode de lecture, et donc notre mode d'écriture, est linéaire. Nous lisons et écrivons "en surface", quelque soit le support, Codex ou Volumen (l'écriture sur écran s'apparente plutôt au volumen, c'est même le retour du volumen). Nous commençons notre lecture par le début et la fin de la surface écrite, la dernière page, la dernière ligne correspond obligatoirement à la fin de l'histoire ou du propos de l'auteur. Bien sûr, cette linéarité de la lecture et de l'écriture repose sur un contrat entre le lecteur et l'auteur sur le sens de la lecture, je veux dire le sens comme direction, qui seul permet la construction de tout récit ou l'exposé de toute thèse. Certains on déjà tenté de proposer d'autres modes de lecture et un autre contrat, vertical, par exemple utilisant la dimension de la profondeur ou de l'altitude : je pense tout particulièrement à Julio Cortazar qui, dans les merveilleux "Marelles" et "Le Livre de Manuel", nous entraînait dans un dédale de possibles et nous invitait à relire les mêmes mots mais pas forcément la même histoire. C'était un peu comme si une fois qu'on avait lu le livre de droite à gauche, une page après l'autre, on pouvait, par allers et retours qui semblaient aléatoires, mais qui étaient prévus par l'auteur, le lire de gauche à droite, avec une succession des pages qui ne respectait plus la loi du n+1 arithmétique, et une nouvelle histoire, plus complexe que la précedente, se dévoilait petit à petit et en éclairait les zones obscures. Mais surtout, ce procédé introduisait le lecteur à l'intérieur même du récit et en faisait finalement un protagoniste essentiel, au même titre que n'importe quel autre personnage. Le lecteur parcourait littéralement un espace conçu par un autre, l'auteur, mais pouvait s'y promener à sa guise, en suivant ses propres humeurs. Jusque là, la seule liberté du lecteur, par rapport à l'auteur, avait été d'ordre binaire : ou bien il lisait le livre d'un bout à l'autre, ou bien il ne le finissait pas, le refermait, mais, même si c'était délibéré, manquait irrémédiablement sa rencontre avec l'auteur. Julio Cortazar introduisait une multitude de degrés de liberté supplémentaires, de dimensions fractales, tout en enrichissant considérablement la relation du lecteur à l'auteur, mais aussi en lui permettant de ne pas l'achever, avec la possibilité d'ajuster son degré de proximité. Il faisait de l'objet livre un véritable passage, un corridor entre deux mondes intimes et lui donnait une matérialité vertigineuse. (C'est ce principe qui a été repris avec plus ou moins de bonheur par les livres pour ados du type "Le livre dont vous êtes le héros "). La lecture informatique, avec l'hypertexte et les hyperliens aurait ravi Cortazar. Je suis persuadé, que s'il avait vécu, il aurait été un des premiers à concevoir un roman électronique, c'est à dire un roman à n dimensions. Exercice : je reprend deux phrases du texte précédent (suivant, mais précédent tout de même). Au hasard. Par exemple : "Festival d'Avignon 1967, avec Gilbert et je ne sais plus qui" et "Martha avait été remplacée au pied levé par un jeune plein d'avenir, Nicolas Angelish, que bien entendu, Nathan avait trouvé complètement nul." J'ai écrit " je ne sais plus qui", non pas parce que je ne me souvenait plus de la personne mais parce que je ne me souvenais plus de son nom. Maintenant que j'ai cherché un peu, le prénom m'est d'abord revenu : Alain. Puis le nom a suivi : Goose. Alain Goose. Alain Goose était un drôle de bonhomme, assez original et un peu pervers. Je n'éprouvait aucune amitié pour lui, et Gilbert non plus, je crois, du moins pendant une longue période, cequi changea beaucoup par la suite. Mais lui, en ce temps là, si il avait de l'amitié pour Gilbert et se foutait un peu qu'elle ne soit pas réciproque. Il s'invitait assez cavalièrement à des fêtes que nous organisions, ou des dîners ou apparaissait à la porte à des moments où on attendait quelqu'un d'autre et il était alors impossible de l'éconduire. Une sorte d'importun, mais plutôt sympathique, en tout cas jamais franchement désagréable, qui s'incrustait sans façon mais sans violence et que, finalement nous nous sommes habitués à fréquenter, surtout mon frère. Il faisait partie inévitablement du décor comme dans une comédie américaine. Il avait du surgir à la gare, au dernier moment, quand le train commençait à partir, en faisant de grands signes et s'était ainsi retrouvé avec nous en Avignon, alors que le théâtre l'intéressait assez peu. Mais, en parfait Zelig (il ne ressemblait pas du tout à Woody Allen, mais plutôt à Roger Moore, bien que ce ne soit q'une assonance), il s'était fondu dans l'ambiance du festival comme un poisson dans l'eau, bien qu'un poisson ne soit pas soluble, heureusement pour lui. Je me demande s'il était venu avec sa copine, du nom de laquelle je ne me souviens définitivement plus mais dont je me souviens par contre très bien de la frange épaisse qui lui couvrait les yeux, de ses tout petits seins jamais recouverts de soutien-gorge, de son corps à la fois mince, je dirais même maigre, et très sexy. Elle ne parlait jamais. ce n'est pas une figure de style : j'ai du entendre trois fois le son de sa voix qu'elle avait d'ailleurs toute petite et toute timide. Un beau jour, donc, Alain Goose ne fut plus seul. Mais cela ne changea pas grand chose. Partout avec lui il y avait cette fille muette et docile. Il continuait à s'incruster mais apportait sa copine avec lui qui, il faut bien le dire, se montrait toujours fort polie pour ne pas dire discrète. Nous soupçonnions tout à fait que leur relation était intensément sexuelle, torride pour ainsi dire, et qu'ils étaient fort amoureux l'un de l'autre. Ils étaient devenus complètement inséparables. Mais ils ne se parlaient pas beaucoup, surtout la copine. Cependant c'était une époque où les moeurs étaient particulièrement libres : Gilbert coucha avec la copine de celui qui avait fini par s'imposer comme son copain. Combien de fois, je ne sais pas. En revanche mon frère conçu, à l'égard de celui-ci, une culpabilité telle qu'une nuit où il me jura qu'il ne dormait pas il vit Alain immobile au beau milieu de sa chambre et qui le regardait avec son bon sourire. Ce fut là la seule hallucination visuelle dont il me fit part. Pour ce qui est de Nicolas Angelish, dont il est question dans l'autre phrase choisie au hasard, et qui avait à la grande déception de Nathan remplacé Martha Arguerich au pied levé, je me souviens trés bien qu'il avait d'abord joué une sonate de Mozart, ne me demandez tout de même pas le Kochel, en tout cas pas celle en do majeur K575 que tout le monde connaît, et qu'il avait un peu raté une trille ou deux, mais qu'il s'en était tout de même très bien tiré. Après, il avait joué du Brahms. Je ne sais plus quoi. Et en plus, pour répondre à la question, je n'aime pas trop Brahms, en tout cas sa musique pour piano. Image formidable de mon plus jeune fils devenant un adolescent sous les platanes ombrageux de la place de la fontaine Moussue à Salon de Provence.

04 décembre 2003

via le crepuscule des joursParfois j'ai la tête vide. Parfois non, ça vient tout de suite. Travail de mémoire, mystère. Plusieurs fois par jour des souvenirs me reviennent, à la pelle, comme les feuilles mortes de la chanson, par salves ou par bouffées, au moment les plus inattendus, en voiture par exemple, à un feu rouge, en regardant traverser une femme, ou pendant un entretien avec un patient qui m'ennuie un peu et renforce particulièrement le côté flottant de mon attention. Je ne prends pas la peine de saisir le chemin d'une possible association, je n'essaie pas de comprendre l'irruption, je préfère me livrer au plaisir qu'elle m'apporte et me laisser aller au jeu de ramifications qui peuvent devenir infinies. Par exemple : Festival d'Avignon 1967 avec Gilbert et je ne sais plus qui. Le camping sauvage dans l'île de la Bartelasse, le soleil qui tape à fond sur les tentes le matin. La traversée du pont vers les remparts sous le cagna. Presque un calvaire. Le cousin Bernard S. (eswt-il mort ou vivant à ce jour ?) installé là comme vétérinaire qui se moquait des festivaliers et pestait contre Avignon en hiver parcouru de Mistral. Le déjeuner toujours au même petit bistro dégotté non loin de la place de l'Horloge. Je me souviens du prix du menu : cinq francs, de la trogne sympathique de la grosse patronne et des salade de tomates et poivrons qu'il y avait tous les jours. Souvenir aussi du café La Civette, allez savoir pourquoi. (si, je sais : à cette époque là, je fumais. Gauloises, Celtiques.) Le " Petit Train de Monsieur KAMODE " ( Capitalisme Monopoliste d'Etat, grande théorie du PC de Waldek-Rochet, encore avant George Marchais.) pièce d'André Benedetto. Le théâtre du chêne noir de Gérard Gelas, assez baba, mais c'était l'époque, mauvaise copie du Living Théâtre. l'année suivante, il fera tout un cinéma en s'enchaînant avec la troupe du mme Living Théâtre le long des grilles du Palais des Papes. Les quatre fils Aymon de Béjart dans la cour d'honneur du palais des Papes et Nomos Alpha du même Béjart avec Paolo Bortoluzzi. Peut être Georges Down, mort bien plus tard du SIDA dansait-il dans les quatre fils Aymon. Puis en 74 ou 75 avec Christine, Catherine B., Jean Claude B.- déjà- et Sylvie J. Une très chouette Celestine mise en scène par Thaddée Jurado dont je ne sais absolument pas ce qu'il est devenu. Du théâtre off dans des cours avec des arbres qu'on se débrouillait pour intégrer au décor et la chasse aux chaises. Nous créchions dans un dortoir et nous allions trois fois par jours au spectacle. Superbe "As you like it" dont j'ai déjà parlé dans la cour d'honneur du palais des papes. Répétition de la troupe de Merce Cunningham à la chartreuse de Villeneuve les Avignon et superbe spectacle d'Alvin Nikolais dans la cour d'Honneur. Ballades en mob. dans les Alpilles. Panne de voiture à Saint Rémi de Provence. Mais quelle voiture? L'ami 6 ou la R5 de parents? Souvenir d'un arrêt prolongé à Saint Remi le temps de la réparation, mais où avions nous dormi ? Camping ou Hôtel ? Avions nous même passé la nuit là ? Et si cela avait été au contraire deux jours ? Retour en Avignon depuis : deux souvenirs. Lors d'un congrès de l'association "Accueils?" moribonde il y a quatre ou cinq ans ou plus ( j'avais revu avec plaisir F. connu à Moisselles et alors chef de service à Valenciennes, j'avais honteusement été dragué par une psychiatre bretonne, jolie brune très provocante) et il y a deux ans avec le Znatha, sur la route du festival de la Roque d'Anthéron où nous ne vîmes pas Martha Arguerich, qui une fois de plus s'était décommandée au dernier moment. Déception dudit Znatha, qui était dans sa période célèbrités et "Oeuvres d'art". Martha avait été remplacée au pied levé par un jeune plein d'avenir, Nicolas Angelish, que bien entendu, Nathan avait trouvé complètement nul. Revu aussi Saint Remi de Provence avec Nathan le même été 1999. et les baux de Provence aussi : plus rien ne ressemblait à mon souvenir de la panne de voiture. Aix en Provence, goût de calissons dans la bouche les platanes du cours Mirabeau. Combien de fois dans ma vie? Une fois avec les parents, dans l'enfance, à peu près sûr (souvenir de la grande place ronde qui précède le cours Mirabeau quand on arrive dans la voiture de Papa). Une autre fois avec Christine très probablement quand nous avions rendu visite à Gérard Courtois et Dominique Serres avant (ou après? Non, avant renseignement donné !) la naissance de Jérémie, dans la maison des parents de Gérard à Rognes (goût du vin de Rognes dans la bouche et aussi des tomates mûres, souvenir stupide de Gérard en train de rater une sauce béchamel inratable). Peut-être une fois aussi avec Florence, sur le chemin d'Antibes et de la rue Barcancannes, en face de la maison de Prévert (Jacques, le poête) dont l'autre côté donnait sur le rempart et la mer ( Souvenirs du Marché d'Antibes tout proche et goût de la Brousse dans la bouche que Florence achetait et des sardines farcies de la grand mère de Florence aux yeux étrangement bridés et aux pommettes hautes comme son fils et sa petite fille, un air de Russie d'Asie) La maison, meublée tout simplement mais avec un goût parfait qui ne se retrouve que dans ces vieilles familles bourgeoises, deux pièces par étage de chaque côté de l'escalier avec tout au sommet le "poste de pilotage du "commandant", beau père du père de Florence, ancien préfet, ancien directeur de cabinet de Léon Blum. La dernière fois - souvenir encore parfait - toujours avec Nathan, un soir sans concert à Laroque d'Anthéron, dans dans un improbable resto chinois des rues non loin du cours Mirabeau. Et sous le pont Mirabeau, à Paris coule toujours la Seine et mes amours faut-il qu'il m'en souvienne Sonne l'heure je demeure (voix de Christine dans ma tête qui chante à merveille et a capella la très belle version de Léo ferré.)

01 décembre 2003

Ce soir, l'adresse indispensable si vous voulez enfin comprendre vos enfants !
je me souviens que le volume consacré au XIXème siècle du "Lagarde et Michard" portait sur sa couverture un dessin de Victor Hugo

30 novembre 2003

Pensée du jour N° 50 : (ce sera une question) "Trouver une surface dans l'espace à quatre dimensions qui ne contienne aucune courbe plane" David Madore, David Madore' s weblog

29 novembre 2003

Une réaction (tout de même...) :

"Vraiment, elles savent. D'ailleurs, toutes les bêtes de basse-cour savent.

Nous elevions quelques dindes, pendant la guerre, a la campagne. Une dizaine, je pense, qu'il fallait gaver avec des boulettes. Les dindes se debattaient toutes comme des diables, sauf quand c'etait moi, a peine cinq, six ans. Nous, on ne mangeait pas de dinde, je n'avais donc pas fait le rapport. Mais "les grandes personnes" savaient bien a quoi allaient servir les dindes. Je pense que le courant passe entre l'homme et l'animal.

Evidemment, c'est pas scientifique."


(de Pat Fenn)

28 novembre 2003

Une petite merveille de site pour ce soir. C'est juste un site de publicitaires, mais comment qu' il est beau, j't'e dis p�

26 novembre 2003

Cette incroyable photo m'impressionne. Pas vous ? Vraiment, moi, elle m'impressionne. C'est une drôle de photo, mais elle est loin d'être drôle, non ? J'ai d'abord cru, comme vous que c'était un homme costumé en dinde. J'ai bien regardé. C'est bien une dinde, un oiseau, juste un volatile. Pas de trucage. Cette dinde, glanée sur Lemonde.fr, elevée dans une ferme de la côte est des états unis, va être mangée dans un mois, après avoir été farcie et cuite au four. Mangée. On dirait qu'elle le sait. Non, on ne dirait pas : elle le sait vraiment. C'est probablement un hasard, ou un coup de génie du photographe, il a saisi la seule lueur d'intelligence du volatile engraissé qui ait jamais traversé son regard. Coup de chance ou coup de génie ? Qui de plus con qu'une dinde n'est-ce pas ? Mais ce regard , car c'en est un de regard - une dinde peut-elle vous regarder avec cette intensité - oui, ce regard, la gravité incroyable, la dignité pourrait-on dire, de ce regard me retourne, moi qui ne suis pas végétarien, moi qui ne suis pas animé de la sensiblerie des défenseurs des animaux (il y a déjà assez à faire pour défendre les hommes etc.) moi qui n'a pas encore arrêté le menu de mon reveillon de Noël, moi qui mange de la viande à la cantine. Je reçois cette photo comme un coup dans l'estomac, celui avec lequel je digère. Voilà de quoi méditer sur le droit des animaux, voilà de quoi s'interroger sur les fondements de la justice et ma propre animalité

22 novembre 2003

Un petit lien très érudit pour ce soir. A la lecture de la rubrique "jargon normalien" je m'aperçois que le monde n'a pas beaucoup changé en trente ans : au début des années soixante dix, j'escaladais la montagne Sainte Geneviève une fois par semaine pour rejoindre mes copains Alain et François qui n'étaient pas cothurnes, et pour cause, puisque le premier était cloutard, au pot de l'école. Nous n'avoins ernestisé personne encore mais je me souviens d'avoir aperçu dans l'Aquarium un élève beau comme le jour. Je n'ai pas pu m'empêcher de demander son nom. Ce n'était ni un archicube ni un tala. C'était guy Hocquengueim. Je me souviens de Guy Hocquengueim quand il avait vingt ans (et moi aussi). Je ne laissera jamais Paul Nizan dire que ce n'est pas le plus bel âge de la vie. Si vous ne comprenez pas tout, cliquez sur le lien. Pour ce qui est de Paul Nizan, allez voir à Aden, Arabie.
Pensée de la nuit N° 49 : "Mais la puissance de l'oubli est terrifiante. Comme un torrent, il emporte avec nous notre passé vers des rapides qui l'engloutissent et le broient. On n'a guère le temps de sauver que quelques objets, sans faire le tri, de les traîner sur la berge, à l'abri. Ce qui est épargné est intact, ou presque, et, si l'image jaunit, elle conserve sa netteté. Mais l'ampleur de ce qui a disparu est si énorme qu'il n'est pas possible d'en faire le compte. Au bas de la chute, les eaux bouillonnent et grondent, avant de s'apaiser définitivement. Alors, parfois, à la surface de cette lagune sombre et impénétrable brillent des reflets aux tonalités familières, mais si faibles, si inconsistantes, qu'elles demeurent à peine visible à nos yeux, à peine audibles à nos oreilles, secrètes. Si l'on retourne les yeux vers la lagune, les tenèbres arrêtent le regard à la surface de l'eau tandis qu'au loin les échos de la chute continuent de marteler nos échecs." Jean Michel Becquié, Charles.

21 novembre 2003

...Pour les vacances de cette même et faste année, j'avais prévu de rendre visite à ma grand-mère Tranqilina, à Aracata, mais c'est elle qui dut venir d'urgence à Barranquilla pou se faire opérer de la cataracte. A la joie de la revoir s'ajouta celle de recevoir en cadeau le dictionnaire de mon grand-père. elle ne s'était jamais rendu compte qu'elle devenait aveugle, ou ne voulait pas le dire, jusqu'au jour où elle avait été incapable de se déplacer dans sa chambre. L'opération eut lieu à l'hôpital de la Charité, fut rapide et avec de bons pronostics. Lorsqu'on lui ôta ses pansements, ma grand-mère s'assit sur le lit, ouvrit les yeux radieux de sa nouvelle jeunesse, son visage s'illumina, et elle résuma sa joie en un seul mot :
"je vois."
Le chirurgien voulut savoir ce qu'elle voyait si bien, et elle balaya la pièce de son regard renaissant, désignant chaque chose avec une précision admirable. Le médecin fut interloqué de l'entendre nommer des objets dont aucun ne se trouvait dans la chambre de l'hôpital. Moi seul savais qu'elle décrivait ceux de sa chambre à Aracata, et qu'elle se les rappelait un par un et à leur place exacte. Elle ne recouvra jamais la vue.


Ceci est un petit extrait de "vivre pour la raconter", le premier tome des mémoires de Gabriel Garcia Marquez, ne trouvez-vous pas que "Aracata" sonne comme "Macundo", le village perdu de "Cent ans de solitude" ?
Des grues, des grues et des grues. Le site d'un anglais (ils sont fous ces anglais) fou de grues. Il faut de tout, n'est-ce pas ? (via "Ten years of my life", qui continue vaillamment.) Bonsoir !

19 novembre 2003

Des photos, JR, encore des photos. Elles sont vraiment très belles !

16 novembre 2003

D'abord il y a dans mon souvenir " Le songe d'une nuit d'été " de Shakespeare, autour de 68 , dans un cirque, peut-être le cirque Medrano ou bien le cirque de Montmartre. Premier choc, premier amour. Je ne m'en souviens plus beaucoup, pourtant. Un théâtre en rond, forcément, sur une piste de cirque (à l'époque il y avait un vrai théâtre en rond, de " boulevard ", c'est à dire situé sur les grands boulevards à Paris, on y avait longtemps joué une adaptation d' " Ouragan sur le Caine " mais ce n'était pas là) et de jeunes acteurs beaux et à demis nus, la piste recouverte de peaux de bêtes, des actions simultanées, une sensualité et une cruauté de tous les instants. Ensuite (parce que je m'en souviens mieux, mais peut-être avant), " La Cuisine, d'Arnold Wesker ", ce chef d'oeuvre absolu (je me rend compte à l'instant que j'ai complètement oublié " La Cuisine " en dressant la liste des merveilles.) C'est la cuisine d'un grand restaurant, d'un restaurant grand, je veux dire, pas celle d'une cantine, ni d'un restaurant universitaire, mais celle d'un restaurant qui marche, qui sert de très nombreux couverts à midi, et d'autres le soir, peut-être une brasserie comme le " Terminus Nord " ou le " train bleu" ou encore " La Coupole ", un genre d'usine gastronomique. Sur scène, on ne voit que la cuisine : méticuleusement reconstituée pourrait-on dire, mais le décor n'est pas réaliste. C'est une épure de cuisine. Au fond, il y a les deux portes battantes à hublot qui donnent sur la salle où disparaissent les serveuses et les garçons, et à droite et à gauche, les paillasses, les plans de travail. Ce qui est méticuleusement reconstitué ce sont les gestes des cuisiniers, des maîtres d'hôtel, des serveurs : la hiérarchie subtile et la division des tâches de la cuisine d'un grand restaurant, véritable mécanique humaine. Ils sont une bonne trentaine en scène. " La cuisine " résume le monde : les hommes avec les femmes, les employés avec les patrons, les conflits et les instants de vrai amour, le travail, l'inanité du travail, le harassement , le poids des heures, la répétition des gestes. Il y a tout. Rien ne manque. Sauf la nourriture. Elle est invisible. Pourtant on la découpe, on l'écrase, on la mélange. on la pétrit, on la cuit. Il n'y a rien sous le couteau du boucher, il n'y a rien dans les casseroles ni dans les poëles. Mais on ne voir que ça : les morceaux de viande, les volailles qu'on farcit, les poissons qu'on écaille, les légumes qu'on épluches, les assiettes chargées de victuailles qui tanguent au-dessus des têtes. Cela n'a rien à voir avec le mime : on ne pourrait tout simplement pas jouer " La Cuisine ", en temps réel, comme on dit maintenant, avec de la vraie (ou fausse) nourriture. Ce la serait matériellement impossible, imaginez seulement les problèmes d'intendance. Mais cette absence force à une observation et à une précision du moindre geste qui sont, en elles-mêmes, un vrai travail. Ce qu'on voit ce n'est pas l'objet du travail ou le produit en cours de transformation, mais le travail lui-même, nu, comme épuré de son objet. Tout se passe, en "temps réel" (le "temps réel est à la civilisation de l'onformatique ce qu'était la règle des "trois unités" pour Corneille et Racine) tout au long une journée ordinaire. L'arrivée des employés au petit matin, la mise au travail, Les livraisons, la lente préparation des ingrédients et la montée inexorable vers le " coup de feu " de midi qui est une scène d'anthologie, tout s'enchevêtre et accélère avec une précision virtuose, et quand on croit qu'on a atteint l'acmé ça accélère encore tant et si bien qu'on se met à applaudir le tour de force, mais on ne sait plus ce qu'on applaudit, le tour de force des acteurs qui nous montrent si bien ce que nous vivons nous mêmes tous les jours quand nous ne venons pas au théâtre ou bien le tour de force du travail lui même, qui enchaîne les hommes les uns aux autres, dans toute sa crudité. A la retombée, l'épuisement des acteurs est alors exactement celui de la vie de tous les jours, celui-là même que nous pouvons ressentir à la fin de notre propre journée de travail. Ils ne font pas que "jouer" la fatigue, il viennnet d'accomplir vraiment un exploit physique, un travail de force ; il n'y a plus de différence entre leur propre harrassement d'acteur et celui de chacun de leur personnage. Nous nous mettons alors à aimer les acteurs, les aimer d'amour, parce qu'ils nous représentent, au sens propre, qu'ils nous montrent à nous-mêmes et que le théâtre, en cet instant magique a pu accéder à la vérité. Il y a deux acteurs épatants, Jean Claude Penchenat, qui joue le pâtissier, compagnon de toujours de Mnouchkine, qui fondera plus tard, au décours d'une de ces terribles scissions qui déchirera l'histoire du " Soleil ", le "Théâtre du Campagnol" dont nous verrons la première pièce à la cartoucherie " David Copperfield " avec Olivier Merlin ( Théâtre du Campagnol, le bal, Ettore Scola, c'est aussi le " coup de feu " dans ma mémoire) et un acteur allemand dont je ne me souviens plus du nom. Et puis il y aura " 1789 " et " 1793 ", " L'Age d'or , première époque" à la Cartoucherie. D'autres merveilles.

12 novembre 2003

Pensée de la nuit N° 48 :"Dans La Vie mode d' emploi, je donne cette définition, de Robert Scipion, "Du vieux avec du neuf", en onze lettres. La réponse est "nonagénaire". Du vieux avec du neuf, on est entraîné par le syntagme, on lie le vieux avec le neuf, on oppose vieux et neuf, alors que si on pense à quelqu'un qui est vieux, avec le radical neuf, on trouve, et il y a une grande jubilation, aussi bien quand on trouve ce type de définition que quand on le résout. C'est ce que j'aime dans les mots croisés" Georges Perec, Entretiens et Conférences II

11 novembre 2003

En vitesse, ce soir, ce court message "spécial copinage" : "La magistrature assise ment debout"

10 novembre 2003

Aviez déjà eu cette idée de parcourir toutes les stations de metro de Paris en une seule journée ? On en compte 242 ! C'est un problème de topologie mathématique (un peu comme l'énigme des ponts de la ville de Koenigsberg) que ce jeune homme particulièrement doué a résolu en trois coups de cuillère à pot : il a réussi le "Défi Métro" le 30 mai 2002. Question : ce jeune homme est-il un génie, ou bien tous les élèves de l'Ecole Normale Supérieure sont-ils de cet acabit ? Je vous recommande d'ailleurs TOUT le site dudit jeune homme (voir en LCD, David Madore) sur lequel je viens de passer presque une heure. De quoi être impressionné. un petit exemple :1729 est le plus petit naturel qui peut s'écrire de deux façons différentes comme la somme de deux cubes : 1+1728 et 729+1000. C'est aussi le 3e nombre de Carmichael, et il n'y en a pas des masses (même si on sait maintenant qu'il en existe une infinité) : n^1729 est congru à  n modulo 1729 pour tout n. La première de ces propriétés est célèbre en raison de l'anecdote suivante, rapportée par Hardy : "Sa façon [il s'agit de Ramanujan] de retenir les particularités des nombres était presque inquiétante. Chaque entier positif, disait même Littlewood, était pour lui comme un ami personnel. Je me souviens que, lorsque j'étais allé le voir sur son lit d'hôpital à Putney, j'avais pris le taxi n°1729. En arrivant, je lui fis remarquer que ce nombre me semblait plutôt terne, et que j'espérais qu'il ne fût pas de mauvais augure. Non, me répondit-il, c'est un nombre fort intéressant ; c'est le plus petit nombre exprimable en tant que somme de deux cubes, de deux façons différentes.'' En fait, on a tendance à s'imaginer que Ramanujan a vu cette propriété " sur le coup ", mais ce n'est évidemment pas le cas. Et il est naturel qu'il ait retenu la décomposition 1728+1 puisque 1728 ce n'est pas n'importe quoi, c'est la valeur en omega=i de l'invariant modulaire j(z), et celle qui fait que les courbes elliptiques sont désagréables à manier dans les caractéristiques qui divisent 1728 (on pourrait dire "les caractéristiques 2 et 3 ", mais comme Jean Marot l'a fait remarquer avec beaucoup de subtilité, il vaut mieux parler des " nombres premiers divisant 1728 " que de parler de "2 et 3" car cela assure la compatibilité avec les versions ultérieures des mathématiques). Les valeurs entières de la fonction modulaire étaient connues de Ramanujan qui les avait étudiées. On sait maintenant que si E est l'anneau des entiers d'un corps de nombres quadratique imaginaire de nombre de classe 1 (i.e. principal) alors l'invariant modulaire de E (considéré comme réseau complexe - i.e. comme courbe elliptique à multiplication complexe) est un entier (en fait, pour toute courbe elliptique à multiplication complexe, j(E) est un entier algébrique, et son degré, le degré du corps qu'il engendre, est le nombre de classe car le corps en question est précisément le corps de classe de Hilbert de E). Cela, Ramanujan ne le savait pas. On sait aussi, et il ne le savait pas non plus, que le plus grand discriminant en valeur absolue pour lequel Q(\sqrt(-D)) ait nombre de classe 1 est -163. C'est-à-dire que la valeur de l'invariant modulaire j en (1+\sqrt(-163))/2 est un entier - précisément -640320^3. En insérant cette valeur dans le développement de j(z) = 1/q + 744 + 196884 q +... (o q est exp(2i\pi z)), on voit que -640320^3 = -exp(\pi\sqrt(163)) + 744 + ... ce qui montre que exp(\pi\sqrt(163)) est "presque" égal à l'entier 640320^3+744, coïncidence numérique remarquable (valable avec une précision assez stupéfiante) et que Ramanujan avait observée. Donc pour conclure sur 1728 et 1729, on a 1728 = 1/q + 744 + 196884 q + 2149760 q^2 + ... o q est exp(-2\pi) soit 1728 = 535.491... + 744 + 367.669... + 74.956... + 5.628... + ..Et je conclus en beauté :exp(2\pi)=535.491... est proche d'un entier, à savoir 984. C'est ce qui fait tout l'intérêt du nombre 1728 (et donc aussi 1729). :-) eh oui, :- bien sûr, evidemment, où avais-je la tête ? Mais il n'y a pas que des maths, Allez donc y faire un petit tour. Bonsoir !

09 novembre 2003

Pensée de la nuit N° 47 : "Mon univers est mort. Si j'écris, c'est pour pleurer sa fin" Arundhati Roy, l'écrivain-militant.

08 novembre 2003

je me souviens de "You Hou Rintintin !"
Fen�tre sur cour nouvelle s�rie, N�1




(phto prise le 16 aout 2003 � 2 heures 41)

05 novembre 2003

Je vais enfin tout comprendre, me suis-je dit ! Le hasard fait bien les choses. La stochastique est une bien belle science (chacune des deux phrases précédentes est une traduction de l'autre.) Hier soir, avec Nathan, mon plus jeune fils, nous avions décidé, pour gagner du temps, de passer prendre des macdos pour le dîner. Vu que la file des voitures faisait déjà le tour du restaurant nous avons préféré, toujours pour gagner du temps, éviter le macdrive et nous présenter directement aux caisses, à pied. Au Macdo comme chacun sait, on fait la queue. La restauration rapide n'est pas, contrairement à ce qu'on croit, un service rapide. Il faut prendre l'expression au pied de la lettre : ce qui est rapide, c'est la restauration, c'est-à-dire, le fait de se restaurer. Mais je ne parlerai pas de la qualité de la restauration, de l'"être là" (là, dans mon estomac) de la restauration, comme dirait Heiddeger, ce n'est pas mon propos. Et puis cela friserait le mauvais esprit, voire la mauvaise conscience, comme dirait Sartre : si on va à Macdo, c'est qu'on accepte de jouer le jeu (sinon, on n'y va pas, on va dans un resto lent, où on paie après avoir mangé (parce que les restos lents acceptent de prendre des risques, ce que ne peut pas se permetttre Macdo) ou alors on se fait livrer des pizzas, par exemple, ce qui est aussi une forme de restauration rapide.) Mais si on va à Macdo, on fait la queue. Bon. Le jeu est le suivant : sachant qu'il y a quatre ou cinq files de clients aux heures de pointe dans un Macdo moyen, quelle file choisir pour aller plus vite ? Quelle stratégie choisir pour gagner un peu de temps ? Au fil du temps, j'ai élaboré deux ou trois martingales qui valent ce qu'elles valent. Par exemple entre la file d'un serveur garçon et celle d'un serveur fille (sic) je choisis en général la fille, parce qu'elle est plus dégourdie, en général. S'il n'y a que des garçons, je choisis toujours celui qui me semble le plus vieux, pour les mêmes raisons. S'il n'y a que des filles, c'est plus difficile, à cause de leurs minois, j'ai malheureusement tendance à choisir celle de la plus jolie, mais ça me consolera de n'avoir pas su choisir éventuellement la plus rapide. Une autre stratégie, assez communément pratiquée, si on n'est pas seul à faire la queue, est de se diviser en autant de groupes qu'il y a de files d'attente et de sauter au dernier moment tous ensembles sur la plus rapide, quand on arrive à la caisse. Si on est seul, on pratique alors le changement de file, comme dans les embouteillages en voiture. Cela demande beaucoup d'intuition, d'observation et de doigté. Il faut par exemple tenter de repérer les grosses commandes, qui prennent plus de temps, la grande soeur qui passe commande de huit Sundays caramel dont un au chocolat (resic) pour ses huit petits frères déjà assis en salle (savoir qu'un Sunday, c'est au moins cinq étapes : prendre un pot, verser la crème glacée, puis le caramel, puis les cacahuètes pilées, puis recouvrir du couvercle, ne pas oublier les cuillères, ça fait six et j'en oublie), la maman qui demande six menus différents et qui oublie (elle aussi) de préciser qu'elle préfère la mayonnaise au ketchup dans le menu Deluxe, se méfier du grand duduche seul qui demande un simple hamburger mais sans les cornichons et sans la sauce car enlever les cornichons et la sauce d'un seul hamburger prend pratiquement autant de temps que de confectionner huit Sundays, éviter trop de vieux dans la même file parce qu'ils se font expliquer la composition de chaque menu par le menu et qu'en plus, il faut leur répeter parce qu'ils n'ont pas compris, etc. En réalité tout cela n'est qu'illusion. La durée d'attente au Macdo est une durée d'attente moyenne, un point c'est tout. Ce n'est pas parce qu'il y a plus de files qu'on attendra moins : il y a plus de files parce qu'il y a plus de monde. On attend autant sur cinq, voire six files, à midi un mercredi qu'un lundi à trois heures et demie sur une seule (c'est précisément qui me fait rager les lundis à trois heures et demie, bien que je le sache parfaitement.) C'est une loi mathématique. Hier soir, même en tenant compte de ladite illusion et du caractère éminemment psychologique de l'attente, nous avons été au dessous de tout : nous avons d'abord pris la file la plus courte (ce qu'il ne faut jamais faire : il y a toujours une mauvaise raison pour que la file soit la plus courte, en revanche, il peut très bien y en avoir de bonnes, et pas seulement le jolis minois de la serveur (reresic) fille, pour que la file soit longue), file courte qui était, qui plus était, celle d'un serveur garçon, et jeune, qui encore plus était, ce qui est très mauvais signe comme je l'ai déjà dit. Il était, ce garçon, d'une lenteur incroyable et ça n'avait absolument pas l'air de le gêner. Il se comportait dignement en travailleur déjà convaincu qu'on l'exploitait et qui n'en rajouterait certainement pas dans l'effort, par conscience pour ainsi dire syndicale. D'après Nathan c'était son premier soir. Sage explication. Nous avons donc patienté avec une indulgence de moins en moins compréhensive malgré tout au fil des minutes et des quarts d'heures. Le piège s'était refermé sur nous : les autres files s'étaient tellement mises à s'allonger qu'il n'était plus raisonnable d'en changer, alors que nos suivants pouvaient , eux tenter le coup, et, donc allonger les autres files, ce qui était d'ailleurs l'explication de leur anormal accroissement. Notre file restait la plus courte, ce qui n'était satisfaisant que pour l'esprit car elle n'avançait désespérément pas. Je me suis d'abord énervé, comme d'habitude et mon fils a fait comme si nous n'étions pas ensemble, puis je me suis auto-accusé d'avoir mal calculé notre coup, comme d'habitude, et il m'a sermonné, parlé du pauvre jeune homme et de son salaire de misère et je lui ai répondu que tout de même et j'ai fini par me résigner, comme d'habitude (à chaque fois, je constate que le moment de la résignation dans une queue de Macdo ou dans un embouteillage est un grand moment de paix intérieure.) Nous avons pu poursuivre tranquillement notre conversation sur le cinéma avant d'arriver une bonne demie heure plus tard à la terre promise, la caisse. Nous avons, tout aussi tranquillement rejoint notre petite auto sur le parking, encombrés de nos sacs en papier craft trop pleins et des verres en carton de maxi-cocas qui commençaient déjà à fuir. Ce soir, en parcourant le net, j'ai trouvé ce site :  Lemonde.fr. Je me suis dit que le hasard faisait bien les choses et que la stochastique était une bien belle science. Mais ne cliquez pas, vous allez pour ainsi dire rester sur votre faim : ce site est très mal fait. On n'y comprend rien. En tout cas moi, je n'ai rien compris.

01 novembre 2003

Je pense à

Shoranur parce que j'ai failli oublier le nom de cette petite ville du Kerala, dans le sud de l'Inde. Je viens de m'en souvenir à nouveau avec soulagement et ne veux plus jamais l'oublier. Je me rendais tous les jours à Shoranur il y a maintenant quatre ans. Je ne veux pas oublier Shoranur. Je ne veux oublier ni sa saleté ni sa puanteur, ni les vaches rachitiques errant parmi les ordures qui mangeaient les affiches sur les murs et léchaient la colle quand il n'y avait plus rien, ni les visages graves derrière les fenêtres sans vitres des bus Tata, avec les femmes devant et les hommes derrière, ni la sieste des chauffeurs de rickshaws dans leurs machines aux heures les plus chaudes, ni les boutiques des ferblantiers qui vendaient les mêmes gamelles qu'à Montreuil, dix fois moins cher encore, ni les bracelets de chevilles des petits bijoutiers qui pesaient l'or et l'argent sur leurs balances électroniques chinoises, ni les poissons morts du fleuve Peryar sur les étals bourdonnant de mouches, ni les machines à coudre à pédales des tailleurs dans leurs échoppes sombres, ni les pappadam empilés en colonnes bizarres sur le sol des fabriques à ciel ouvert, ni les téléphones publiques IST STD, lourds combinés en bakélite des années quarante avec les jeunes filles muettes assises à la caisses surveillées de loin par des machos moustachus habillés à l'occidentale qui étaient probablement leurs pères, ni les vendeurs de bétel édentés enfermes dans leurs guérites, encore plus intouchables que les chauffeurs de rickshaw, ni le goût si frais du bétel qu'il ne fallait pas avaler mais cracher en de gros glaviots juteux et rouges comme les derniers crachats des tuberculeux, ni celui du thé servi par les vendeurs ambulants dans des verres à cantine plus que douteux, toujours au lait, sucré au sucre gris non raffiné avec la peau du lait qui s'enroulait autour de la cuillère et me soulevait le coeur, ni celui du soda salé sucré dans des bouteilles de coca recyclées et recapsulées, il fallait ajouter le jus d'un citron vert pour faire passer, ni celui, délicieux des jus de mangue en boite de carton, ni l'odeur de la papaye pourrie dans les ruelles, ni la couleur rouge de la latérite qui réapparaissait par nappes et lambeaux sous la fine couche de mauvais bitume des routes fatiguées, ni la jungle épaisse, verte et infinie qu'on pouvait voir du haut des coursives des immeubles jamais terminés avec la ferraille tordue et rouillée s'échappant du béton, ni l'éreintement de la montée des escaliers de ces mêmes immeubles puants à la recherche d'un improbable mais véritable cybercafé sans café ni climatisation avec des boxes qui ressemblaient à ceux des peep-shows, ni le siège du Parti Communiste de la république du Kerala avec des guirlandes de petits drapeaux rouges mais aussi oranges, verts, blanc, ni l'éléphant, à la peau tavelée de grosses taches décolorées et pâles qui, de retour du fleuve où son cornac l'avait baigné, remontait toujours à la même heure la rue principale vers le temple au milieu des embouteillages et des taxis Ambassador qui lui laissaient la priorité, la tête baissée pour ne rien voir, portant la sempiternelle feuille de palme au bout de sa trompe qui frôlait le sol, ni l'enchevêtrement incroyable des lignes électriques dès qu'on levait les yeux vers le ciel blanc comme du plomb, ni la sueur sur le visage fermé des policiers en uniformes kakis exténués, ni les mendiants de la gare aux membres tordus en mille qui marchaient plus vite que vous appuyés sur des béquilles de la guerre de 14, ni les files de femmes et de fillettes avec leurs cruches en plastique sur la hanche aux robinets publiques, ni des montagnes de détritus escaladées comme les alpes par des chèvres perchées, ni les intouchables courbés sous le fardeau d'énormes sacs remplis de canettes vides, ni les charrettes à bras, ni les buffles serrés sous les arbres, ni la poussière, ni la boue, ni le soleil de plomb invisible ni le murmure continu de la foule, ni.  

31 octobre 2003

Savez vous que lorqu'on tape "Google" sur Google on obtient vingt quatre millions sept cent mille r�ponses et que la recherche dure 0,06 secondes? (� raison de 10 r�ponses par page, cela nous fait exactement deux millions quatre cent soixante dix mille pages � lire. J'en suis � la trois vingt sixi�me et j'ai toujours le moral...)

29 octobre 2003

Et, avant d'aller me coucher, je ne peux manquer de vous "diriger" vers cette d�sopilante liste de chez Echolaliste, bien s�r (allez cliquer en LCD, je ne fais pas de lien, marre de vous macher toujours le travail). Et, � demain, si vous le voulez bien !

28 octobre 2003

Pens�e de la nuit N� 46 : "Les gens violents sont souvent des gens qui ne cassent rien" Philippe Geluck, le Chat.
Un vol d'oies du Canada en forme de fl�che vu � travers la fen�tre d'un bureau

26 octobre 2003

La roll's du site branch�, design tr�s smart, presque pr�tentieux � force de simplicit�. Les derniers liens hyper-mode. Indispensable pour premiers sortis de Science Po. Mais je ne vais pas faire la fine bouche (mouche ?) , on va dire que je suis rien que jaloux ! (pour languedeshakespearophones uniquement, n'est pas �litiste qui veut...)

24 octobre 2003

Je pense �

Tenir le journal pr�cis de tout ce que j'oublie. Et non pas de ce dont je me souviens. IL y a un tr�s beau texte de Pascal Quignard qui s'appelle "Le nom sur le bout de la langue". C'est une sorte de fable, un conte pour enfants dont je ne me souviens �videmment pas enti�rement. Il y avait le d�tail d'un tableau de Georges de la Tour sur la couverture. Le visage d'un enfant aux mains jointes devant les l�vres, �clair�, comme il se doit, par la flamme d'une bougie. Il me semble me souvenir qu'il y �tait question d'un chevalier qui promettait un tr�sor � un b�cheron et sa femme � condition qu'il se souviennent seulement de son nom quand ils serait revenu du long voyage qu'il entreprenait. Facile ! Tellement facile que le b�cheron et sa femme, s�rs de se souvenir du nom du chevalier ont attendu tout tranquilles des ann�es durant son retour, d�j� �merveill�s de poss�der un tr�sor si facilement acquis. Un jour le chevalier revient. Il demande au b�cheron et � sa femme de dire son nom. Bien s�r, facile, rien de plus simple, nous l'avons sur le bout de la langue, tenez, attendez, je vais vous le dire dans une minute, ah non, je l'ai sur le bout de la langue, est-ce b�te, attendez, je vais vous le dire, etc. et voil� que le b�cheron et sa femme ne peuvent plus dire le nom du chevalier, ils l'ont sur le bout de la langue mais ne s'en souviennent plus. Le nom ne sort pas de leur bouche. Ils �ssaient de le pousser au dehors mais rien n'y fait. Je ne me souviens plus de la fin du conte, je ne l'ai pas sur le bout de la langue, mais je sais que le b�cheron et sa femme n'ont jamais re�u le tr�sor. Juste � cause d'un nom oubli�, si facile � retenir. J'ai donc oubli� hier, pendant quelques heures le nom de mon architecte pr�f�r� en passant � Gentilly devant son dernier ouvrage en construction, l'am�nagement du carrefour Mazagran et le nouveau si�ge d'IPSOS. Pour vous donnez une id�e de l'envergure du bonhomme sachez, si vous ne le savez pas d�j�, que c'est lui qui a refait le mus�e Guimet et le stade Charletty � Paris, et l'Ecole Normale Sup�rieure � Lyon, entre autres. Le si�ge d'IPSOS, encore inachev� se dresse d�j� dans toute sa splendeur de verre et de marbre blond tout pr�s du p�riph�rique et r�pond au lyrisme du stade Charletty tout proche. Et voila que je ne me souviens plus du nom de l'architecte que je connais par coeur. Il g�t dans ma t�te, lov� dans mes circonvolutions mais refuse de se formuler. Je passe en revue tous les b�timent que je connais de lui, aucun ne manque � l'appel. C'est un architecte qui n'a jamais rien fait de m�diocre. Chacune de ses r�alisation frappe par sa tranquille beaut�. C'est proprement inoubliable. Je me souviens m�me d'avoir eu l'honneur d'�changer quelques mots avec lui � la tribune d'un colloque sur la Psychologie de l'espace et l'Espace pour la Folie il y aune quinzaine d'ann�es. Mais j'ai oubli� son nom. Je suis navr�. Il me vient, � la place le nom d'un autre architecte de la m�me g�n�ration : Claude Parent qui lui aussi a construit de tr�s belles choses. Mais je n'ai pas la m�me passion pour son oeuvre que celle que j'ai pour l'auteur du stade Charletty. Je continue de ma navrer sur le d�labrement inqui�tant de ma m�moire, quand soudain, le nom me revient. Gaudin. Henri. Henri Gaudin. Claude Parent m'�tait venu � cause de Parent. En effet mon p�re se pr�nomme Henri. Je d�couvre alors une source possible de mon admiration pour Gaudin...(la construction du nouveau si�ge d'IPSOS, Porte de Gentilly)
Pens�e de la nuit N� 45 : "La fille se tourna vers moi et dit : "En ce qui me concerne, je ne lui cracherais m�me pas dessus s'il �tait en train de br�ler"" Colum Mc Cann, Danseur

20 octobre 2003

un clich� de moi conduisant vers Seattle, pris au nord de Saint Helens au coucher du soleil.
je m'empresse d'ajouter en LCD ces deux sites sur lesquels je ne suis tomb� que ce soir, on se demande pourquoi depuis le temps que je fur�te (furte ? Fur�te ?) sur le web. Il y a beaucoup � lire de ces c�t�s-l�. Bonne lecture, donc.


Je me souviens de la guerre du Viet Nam, moi aussi. Merci � Douze Lunes pour ce superbe lien. Cela vaut la peine d'aller cliquer dessus sur son site

19 octobre 2003

Un ballon de volley de la marque Wilson, dans son emballage, sur lequel on peut voir l'empreinte un peu floue d'un visage humain.
Merveilles 8


Ce site s�appelle � CISCOBLOG � et pas les � CONFESSIONS � ni m�me les � NOUVELLLES CONFESSIONS � ni encore moins Les � TOUTES DERNIERES CONFESSIONS �. Pourtant, je veux faire ici l�aveu d�un vieux mensonge. Tr�s jeune, le th��tre fut ma passion. Il l�est rest� toute ma jeunesse, jusqu�� la naissance de mon premier fils. A ce moment l�, j�ai arr�t� de faire du th��tre, mais seulement pour des raisons qu�on qualifiera de mat�rielles,pour aller vite. J�ai arr�t�, mais j�ai continu� d�y aller, r�guli�rement. Je voyais tout ce qu�il y avait � voir, un long moment encore, avec le vague espoir de m�y remettre un jour. Et puis j�ai arr�t� : je ne vais plus au th��tre depuis plusieurs ann�es. Mon fils, Dieu merci, n�a rien � voir avec �a. Le th��tre me semble vid� de sa substance. Je le tiens, non pas pour un art moribond, mais bien pour un art mort (comme on le dit d�une langue, ce qui ne l�emp�che pas d��tre belle, sublime, parl�e, enseign�e, �tudi�e, etc.) On ne peut plus que le conserver (Com�die Fran�aise et Conservatoire�) depuis la fin des ann�es quatre vingt, depuis la fin du th��tre national populaire et des grandes compagnies, j�ai assist� � la lente agonie du Th��tre, si vivant dans les ann�es soixante et soixante-dix. La fabrication du th��tre exige une mati�re premi�re introuvable de nos jours : le collectif. Le th��tre est affaire de troupe, il est affaire de groupe, de horde, de compagnie. Il est affaire de public de spectateurs (ne disait-on pas Th��tre Public, dans les ann�es soixante-dix, en jouant sur les mots ?). Le th��tre ne peut se faire sans le lien social dont il est lui-m�me, par essence, une forme. Cet �tre ensemble n�est pas seulement un �l�ment de la production du th��tre, toute production exige, bien s�r du lien social (quoique, ces derniers temps..), c�est v�ritablement son fondement existentiel. Le th��tre, plus que tout autre art, ne se con�oit qu'� raison du lien qu'il peut cr�er entre des hommes ; depuis le d�but des ann�es quatre-vingt dix on assiste � la fin inexorable du �tre ensemble . Et ce n'est pas fini. L�homme redevient un loup pour l�homme dans les eaux glac�es du calcul �go�ste. La grandeur et le malheur du th��tre, est que jamais il ne pourra devenir une industrie, � l�instar de son petit fr�re, le cin�ma, et de sa petite fille, la t�l�. Son temps semble d�finitivement r�volu. Contrairement � ce qu'on croit, nous ne sommes plus au temps du pain et des jeux ni m�me de la culture de masse. Nous sommes au temps du cocon et du "home cin�ma". On se croit ensemble au stade, mais en r�alit�, c'est un par un devant la t�l�. Finis les commuinions populaires et les rappels qui durent une demi heure. Mais je m��gare. J�ai dit que je voulais faire l�aveu d�un mensonge. Voici. C�est une petite histoire que j'ai invent� et � laquelle j�ai fini par croire moi-m�me. J�ai eu, en classe de seconde et de premi�re, un adorable professeur de Fran�ais, monsieur Marchais - j�avais failli avoir Jean Louis Bory, mais apr�s avoir re�u le prix Goncourt, il venait de quitter l�enseignement pour le journalisme, mais je m��gare encore : comme la confession est difficile ! - Ce d�licat professeur, donc, avait devin� ma passion, ce qui n��tait pas tr�s dur. Un jour, apr�s la classe, j��tais venu � son bureau lui parler de mise en sc�ne, et il m'avait incit�, non sans tact et bienveillance, � parler de mon d�sir de continuer dans cette voie plus tard. Il y avait, me disait-il, dans la classe terminale d�un coll�gue, � Louis le Grand, un jeune homme un peu plus �g� que moi qui montait des spectacles tr�s int�ressants. Il me sugg�ra d�aller le rencontrer. Je me promis de le faire et j�oubliai. Jamais je n�ai �t� voir le jeune passionn� de Louis le Grand. C��tait Patrice Ch�reau. Si j�avais rencontr� Patrice Ch�reau, ai-je toujours racont�, comme l�adorable professeur me l�avait sugg�r�, mon destin en aurait �t� chang�. Tout est d�ailleurs vrai : Le lyc�e Henri IV et le lyc�e Louis le Grand, le prof de Fran�ais, ma � vocation � th��trale, les �tudes de Ch�reau � Louis le Grand, tout sauf la conversation sur Ch�reau et la suggestion de monsieur Marchais d'aller le rencontrer. Je l�ai invent�e, il y a tr�s longtemps, a posteriori, quand j�ai appris que Ch�reau, � peu pr�s � la m�me �poque, avait fait ses �tudes � Louis le Grand. C�est l� que r�side le mensonge auquel j�ai fini par croire. Jamais je n�ai � manqu� � une quelconque rencontre avec Ch�reau, pour la bonne raison que si Ch�reau avait bien fr�quent� le Lyc�e Louis le Grand, c��tait assez d�ann�es avant pour que la rencontre ne puisse pas se faire : il a en r�alit� cinq ans de plus que moi, et non pas deux ou trois. A ces �ges l�, c�est suffisant pour se rater. En 1965 quand je finissais premier en po�sie avec monsieur Marchais, en premi�re, il montait sa premi�re pi�ce � vingt et un ans au festival de Nancy : les soldats, de Jacob Lenz. Quand � Richard II, je l�ai vu � l�Od�on, au poulailler, en 1968, juste avant les �v�nements, en deuxi�me ann�e de m�decine. Ch�reau, qui interpr�tait lui m�me Richard, avait imagin� une mise en sc�ne machinique. Jamais les acteurs ne touchaient le sol. Les protagonistes �taient transport�s en chaises � porteur ou � bout de bras par une arm�e de serviteurs, en liti�re. Des dialogues entiers se passaient sur ces hauteurs. Il y avait de v�ritables ballets de liti�res, comme des man�uvres militaires. La m�taphore �tait simple et g�niale. Mais elle demandait d��tre fil�e jusqu�au bout : les acteurs �taient parfois port�s d�un point � un autre (les remparts d�un ch�teau, par exemple) par des palans ou de grues de bois aux rouages compliqu�s, avec des filets de grosses cordes, man�uvr�s par des serviteurs harass�s, ou bien si jamais ils marchaient, c��taient sur des praticables �troits et hauts comme des ponts. Tous de haute lign�e, rois, princes, ministres, jamais ils n'avaient un regard sous eux, plus bas sur le sol, sur la poussi�re � laquelle ils allaient retourner t�t ou tard. Mais cette poussi�re, ce sable du d�sert �tait foul� en revanche, retourn�, labour�, pourrait-on dire, par les mille pas des esclaves qui les portaient ou actionnaient les machines. Comme dans beaucoup de pi�ces de Shakespeare, il n�y a pas beaucoup de r�les f�minins, mais quels r�les ! Il y a donc dans Richard II et la reine. Il y a une sc�ne d�adieu fameuse et sublime entre les deux personnages. Ils se tiennent de chaque c�t� de la sc�ne � l�extr�me limite de deux praticables qui se font face, s�par�s par le vide abyssal. Au moment de l�adieu, leurs deux corps embrass�s se rejoignent, r�tablissant la continuit� du pont. Quand on les arrache l�un � l�autre, il n�y a plus que le vide. Mais la d�ch�ance de Richard est inexorable. C�est le seul personnage qui touchera le sol. Mais ce sera comme un crash. La machine qui le broie le jette � terre, il mord litt�ralement la poussi�re, il s'y vautre. La sc�ne est devenue subitement nue, les machines ont disparu comme par enchantement et il n�y a plus que cet homme qui va mourir seul sur le sable et sous la lune.
Pens�e de la nuit N� 44 : "Surtout les vieillards sont dangereux � qui la souvenance des choses pass�es demeure et ont perdu la souvenance de leurs redites. " Michel de Montaigne, Les Essais

18 octobre 2003

L'l'incroyable aire de parking au rocher nomade : on voit une route deserte, une voiture gar�e sous une pancarte indiquant le mot parking, mais on ne distingue aucune place de parking ni aucun rocher nomade se posant sur ce paysage desep�r�ment plat.

The sign leading the way to the giant rock that was dropped by a glacier in the middle of nowhere. On voit une pancarte o� est inscrit que le rocher errant de l'�poque glaci�re se trouve par l�, dans le sens de la fl�che.
Les aventures de Lyse Ananas, dix-septi�me et dernier �pisode



Et pour finir sur ce chapitre, provisoirement au moins, une derni�re anecdote. J�avais tout de m�me abord� avec H. la fameuse question de l�analyste inconnu, pas encore enseveli sous l�arc de triomphe puisque bien vivant dans son fauteuil derri�re le gisant que je devenais trois fois par semaines sur son divan, j�avais longuement tourn� autour du pot en ruminant toujours les m�mes plaintes et me houspillant moi-m�me de ne pas �tre plus productif ou imaginatif. Je ne parvenais pas � d�passer l�imp�ratif imb�cile qui avait pr�sid� � mon entr�e en analyse, celui d�un analyste obscur, inconnu du public de l�analyse, ne publiant pas, � qui je refusais par avance le droit d�avoir une opinion pour ne pas me voir oblig� de la critiquer. Je passais litt�ralement mes s�ances � les perdre, comme disait mon analyste, puisqu�il me fallait v�rifier � chaque fois son absence d�insertion dans le Grand Monde, o� � peine parvenu sur pi�destal du Savoir et de la C�l�brit� il n�aurait �videmment pas manqu� de se faire descendre, � ma grande honte, par mon intransigeance et mon honn�tet� fonci�re. Il se taisait tout le temps, comme je l�ai dit. Un jour, alors que je venais pour la cinquanti�me fois de me plaindre de son silence, et que bien camp� sur la position sadique ch�re � M�lanie Klein, je le couvrais, tout en me tordant de honte et de douleur, non sans d�lectation, de mes doutes, voire enfin de mes certitudes sur son incapacit� � comprendre quoique ce soit, j�entendis derri�re moi sa voix manifestement agac�e mais ferme : � C�est vous qui ne voulez pas que je parle ! Il ne faut surtout pas que je parle. � Je lui r�pondis au comble de la rage que c��tait un peu facile comme r�plique, et que pour une fois que j�entendais le son de sa voix, c��tait dr�le de m�entendre dire que, moi, je l�emp�chais de parler. Je refusai d�associer plus loin, et devant tant de mauvaise foi d�cidai de garder moi aussi le silence. J�attendis qu�il se l�ve pour lever la s�ance. Cela dit, j'avais retenu la phrase, "C'est vous qui ne voulez pas que je parle", elle m' accompagna comme une ritournelle, je la retournai tous les jours dans tous les sens comme une poule qui avait trouv� un couteau, et, en dehors du fait que je la trouvais un tantinet agressive, je ne pus jamais lui trouver sa v�ritable signification : "Mais pourquoi donc l'emp�cherais-je de parler, alors que je ne lui demande que �a ?" Au fond, c�est peut-�tre l� que H. ne fut pas parfait ou qu�il me surestima : Il dut penser que la r�ponse �tait si �vidente qu�il n�avait pas � la formuler lui-m�me. Moi en tout cas je ne l�aurais jamais formul�e sur son divan, non pas par obstination, par refus, mais par b�tise, litt�ralement, cette r�elle b�tise que conf�rent, m�me aux plus grandes �mes dont j��tais au fond persuad� de faire partie, les fameuses R�sistance et autre Compulsion de R�p�tition. Bien s�r que je tenais plus que tout � ce qu�il se taise, quelles qu�aient �t� mes protestations du contraire, tout autant � ce qu�il n��crive pas, ce qui est aussi une forme de silence, puisque mon plus grand souci �tait de ne pas avoir � m�affronter � une quelconque manifestation de sa d�faillance, d�faillance qu�il n�aurait pas pu s�emp�cher de montrer en parlant et encore plus en �crivant. Certes, H. avait d�jou� le pi�ge d�avance, il s��tait conform� � mon d�sir de le voir occuper une place inattaquable, esp�rant que le paradoxe me sauterait rapidement aux yeux, mais il n�en fut rien, malheureusement, et l��pisode m�me de Sigismond, parfaitement paradoxal, et sa r�solution presque dix ans plus tard ne fit rien � l�affaire. Je restai donc des ann�es sur cette parole que je ne voulais pas qu�il parle, mais sans en tirer les cons�quences et donc sans avancer d�un pouce vers la r�solution de mon analyse. Elle eut une fin, plus chaotique que progressive, mais une fin tout de m�me, que je ne vais pas narrer ici par le menu, qui proc�da plus de l�acceptation d�un �chec que de la satisfaction du travail accompli. Bref, c�est vers cette fin que se tient l��pisode que je veux raconter. Il me faut avant cela, une derni�re fois revenir sur l�une des rares paroles que je l�entendis prof�rer, bien avant cette p�riode. Alors que je tenais mon habituel discours sur la publication et l��criture et la th�orie, sur ma terreur de d�couvrir un �crit de sa plume et mon incompr�hension de tout �a, il tenta, je devrais avoir l�honn�tet� de dire, il tenta une fois de plus, de nous sortir de l� par une parole que je pris d�embl�e pour rien d�autre qu�une provocation sibylline : � Mais j��cris, il serait tr�s facile de savoir o�, si vous teniez � me lire� �. Allons donc, qu'est-ce que c'�tait que cette nouvelle sornette, voil� maintenant qu'il �crivait, en dehors du cercle analytique, semblait-il me dire, et je n'aurais pas su o�, ni sur quoi ? Des romans ? Des po�mes ? Des comptes-rendus sportifs dans les journaux ? des chansons? Allons donc. Je refusai d'y croire et d�cidai de l'oublier, tout simplement, tant que, Dieu merci, son nom n'apparaissait pas en �vidence sur les piles de livres de chez Maspero ou d'Autrement dit. Bien plus tard donc, bien encore apr�s la � r�solution � de � l�affaire � Sigismond, alors que j�avais commenc� � me faire � la relative c�l�brit� de mon analyste et qu�il n�en �tait r�sult� aucun cataclysme ni effondrement psychique, alors que je m��tais fait � l�id�e qu�il avait bien du commettre des articles dans quelques unes nombreuses revues issue de l�explosion de l�Ecole Freudienne mais que j�avais soigneusement �vit�es, il arriva que nous f�mes invit�s � d�ner chez les parents d�une vielle copine de cr�che de J�r�mie avec lesquels nous allions devenir amis. Cette copine, Emmanuelle Fanger, mais on disait Manu, �tait en fait � l��poque, ils avaient sept ou huit ans, le meilleur copain de J�r�mie. C��tait dr�le de la voir rejeter syst�matiquement tous les attributs des filles, les jeux, les v�tements, les coupes de cheveux et adopter ceux des gar�ons. La maman �tait institutrice dan l'�cole maternelle que J�r�mie avait fr�quent�e et le papa, Dominique �tait professeur d'�conomie, mais aussi grand amateur de Jazz. Sa discoth�que �tait vraiment tr�s impressionnante. C'�tait un grand blond barbu. il nous avait pr�par� un Tajine d�licieux tout en nous faisant �couter Ben Webster. C'�tait un type sympathique, actif et direct, ce qui contrastait avec la discr�tion et la timidit� de sa femme. Il n'y alla donc pas par quatre chemins et d�s la moiti� du d�ner me traita de juif : "Grossmann, c'est juif, �a !", et avant que j'aie eu le temps de m'offusquer il ajouta "C'est comme moi, Fanger"- "comment �a ?" R�pondis-je, moi qui n'avait jamais entendu Manu et sa m�re prononcer son patronyme autrement que "Fang�" - "Mais non, �a se prononce aussi "Fanneguerre", C'est d'origine allemande, juive allemande, comme Grossmann". Premi�re surprise. La soir�e s'avan�a. Son savoir sur le Jazz �tait v�ritablement encyclop�dique, et il le faisait tr�s bien partager, il nous appris qu'en dehors d'enseigner l'�conomie il collaborait r�guli�rement � Jazz Magazine. Il faisait des bios, des n�cros, et des critiques. "Mais j'y pense, toi qui es psychiatre tu connais peut-�tre mon copain Ofstin, en plus d'�tre psychiatre, il �crit aussi dans Jazz Mag. Ofstin, Auftsain ? - non vraiment �a ne me disait rien, il y a beaucoup de psychiatres. Il dit : " je l'appelle comme �a, moi, pour rigoler, mais son vrai nom c'est comme nous, Hofstein ! (Ofchtagne)". Seconde surprise, et de taille. Je lui dis que Hofstein �tait mon analyste, ce qui le fit s'esclaffer de rire. Ce que je ne dis pas, c'est que cette incroyable co�ncidence avait des ann�es plus tard r�solu l'�nigme des travaux d'�criture de mon analyste. Il me dit d'ailleurs que Hofstein venait de publier un livre sur le jazz qu'il me pr�ta sans savoir quel acte de violence il �tait sens� perp�trer en toute innocence. Mais je lus le livre, ne trouvai rien � y redire, en parlait � Hofstein qui bien s�r ne pronon�a pas un mot. A partir de ce moment l�, j'achetai plus ou moins r�guli�rement Jazz Mag, trouvai le nom d'Hofstein dans la liste des auteurs de la grande encyclop�die du Jazz publi�e chez "Bouquins", ouvris � nouveau les revues de psychanalyse, lus sans d�faillir les quelques articles de lui que j'y trouvai, vis son nom sans fr�mir �crit parmi d'autres sur le tableau noir de l'amphi Magnan � Sainte Anne alors que je me rendais � une r�union de "Pratiques de la Folie" et qu'il venait juste d'en quitter une autre. Je passai encore quelque temps � arriver en retard � mes s�ances ou les manquer sans pr�venir et finit par d�cider que c'�tait tout de m�me la fin. Il y eut encore deux ou trois soubresauts, essentiellement li�s � ma vie sentimentale, qui �tait particuli�rement agit�e � l'�poque, et la messe fut d�finitivement dite.

17 octobre 2003

sculpture-v�tement de Bela Borsodi


Bela Bosodi
froisse vos chemises ou vos sous v�tements et voil� ce que �a donne ! (via geisha asobi)
Je pense �

La nationale sept pour plusieurs raisons. Ce matin, j'�tais arr�t� au feu rouge au coin du grand Garage Renault " C�me et Bardon" � Viry en direction de Paris. J'attendais de tourner � droite et poursuivre vers Ch�tillon, puis Juvisy, Draveil et plus loin Vigneux, de l'autre c�t� du fleuve, s'enfoncer dans la jungle des villes. La journ�e ne promettait pas d'�tre r�jouissante. De vagues pens�es moroses et automnales traversaient lentement mon esprit comme des nuages pas press�s traversent un ciel d�lav�. Il y a des matins, comme �a o� vous vous sentez tout n�gatif, allez savoir pourquoi. Je pensais au travail, � la r�p�tition des t�ches, � la fatigue qui d�j�, si t�t dans la journ�e, alourdissait mes �paules ; je restaits le pied crisp� sur la p�dale d'embrayage sans penser � me mettre au point mort (parfois, dans les embouteillages, se mettre au point mort procure un bref mais r�el soulagement, j'oublie souvent d'y penser.) Je pensais � l'�criture. L'�criture, ce matin, �tait comme une promesse qu'on ne peut pas tenir. Je n'avais pas envie d'�crire. Je n'�tais pas en train d'avoir envie d'�crire, plus pr�cis�ment. Je n'avais pas envie d'�crire, pas plus que je n'avais envie d'aller � mon travail, qui est toute ma vie. Je ne pensais pas au repos, mais � la suspension. et encore, ce n'�tait pas aussi pr�cis que �a. Je pensais sans envie au manque d'envie. Il n'y avait aucune frustration, aucune col�re. Un constat banal, en somme : au milieu de ce paysage de banlieue informe, j'�tais enferm� en moi-m�me, j'�tais � la panne dans la Baie de Personne, contenu par ma petite auto qui faisait sagement la queue sur la nationale sept - ma ligne de vie - pour tourner � droite. Tourner � droite �tait mon seul objectif. Je me disais que ce soir, maintenant, il faudrait justement que j'�crive sur cette suspension, sur cette attente de rien. Puis le feu est pass� au vert. Et voil� que j'�cris que le feu est pass� au vert. La boucle infime du temps est boucl�e : j' ai �crit une vingtaine de lignes sur rien, � peu pr�s comme je ne m'�tais pas senti vivre, une ou deux minutes, ce matin m�me, � ce feu rouge de la nationale sept qui est ma ligne de vie. Je pense � nationale sept pour d'autres raisons. Hier, j'ai �t� invit� � la m�diath�que de Corbeil Essonnes p�ur dire quelques mots sur mes souvenirs de Lucien Bonnaf�, mort il y a exactement six mois. Personne ne conna�t Lucien Bonnaf� en dehors de mon milieu professionnel. Lucien Bonnaf� est mort il y a six mois � quatre vingt onze ans. C'�tait un "grand psychiatre"comme on dit. C'est lui qui a invent� la psychiatrie de secteur, si �a vous dit quelque chose, un mod�le d'organisation sanitaire qui a �t� repris dans le monde entier. J'avais �t� son interne, � Corbeil Essonnes, il y a bient�t trente ans ( non, j'exag�re : vingt cinq.) Je n'ai pas le droit de dire qu'il m'a tout appris, parce que �a n'est pas vrai, mais j'aime bien dire que je suis un ancien intene de Bonnaf�, pour me faire mousser dans la profession, quand j'en ai besoin, parce que c'est vrai, j'ai travaill� sous sa responsabilit�, plusieurs ann�es. Bonnaf� avait �t� colonel de la resistance, en Auvergne � Saint Alban dans son h�pital psychiatrique o� il avait cach� nombre de r�sistants c�l�bres dont par exemple Paul Eluard, puis secr�taire d'�tat dans les gouvernements de l'imm�diat apr�s guerre quand les communistes avaient vingt cinq pour cent, cent mille fusill�s, et des ministres (Charles Tillon, en l'occurence) au gouvernement du g�n�ral de Gaulle et enfin psychiatre � l'h�pital de Corbeil Essonnes. Lacan et lui avaient pris le th� ensemble. Tout juste si ce n'est pas lui qui avait psychanalys� Lacan, rien qu'en prenant le th�. C'est vous dire l'importance du personnage. Consid�rable. Mais je n'ai aucun sentiment particulier pour lui, comme l'affectent d'autres "�l�ves" qui l'ont plut�t moins fr�quent� : c'�tait un trop grand homme, il planait largement au-dessus de vous ; je n'ai jamais ressenti de vraie chaleur humaine � son contact. C'�tait un homme d'id�es, voire un homme politique, on �tait avec lui ou contre lui, il pensait qure j'�tais plut�t avec, ce qui �tait d'ailleurs vrai, et cela lui suffisait, � moi aussi. Il fallait �tre tr�s bien class� au concours de l'Internat pour pouvoir choisir son service et seulement quand vous �tiez un interne d�j� exp�riment�, en troisi�me ann�e. Impossible de le choisir en deuxi�me ann�e et encore moins en premi�re ann�e. De plus, au-del� de la dixi�me place au concours, et encore, peut-�tre m�me de la cinqui�me, vous n'aviez plus aucune chance. Il n'avait que les meilleurs. j'ai eu la chance d'en faire partie. Quand je dis la chance, je dis la chance, je sais tr�s bien ce que je veux dire. Bref, j'ai surtout parl� ce jour l� de la Nationale Sept, parce que Corbeil Essonnes est travers�e par elle de part en part, d'un c�t� Corbeil, de l'autre Essonne, et que la nationale sept est ma ligne de vie. Je n'ai rien � voir avec le fait que Bonnaf� avait d�cid� de faire d'une ville travers�e par ma ligne de vie l'un des premiers laboratoires d'une psychiatrie � visage humain. C'�tait un hasard, une chance, si on veut, voil� tout, et c'�tait ainsi. J'ai travaill� pratiquement vingt ans � Corbeil Essonnes. J'y ai m�me v�cu. J'y ai aim� plusieurs femmes. J'ai eu la chance d'y rencontrer des gens exceptionnels, dont Bonnaf�, mais pas seulement lui. J'en ai d�j� parl� et j'en reparlerai. Il y a encore une autre raison pour laquelle je pense � la nationale sept. Je viens de refermer le livre de Jacques Jouet "Mon bel autocar" qui est un v�ritable bijou. J'y ai appris que Jacques Jouet �tait originaire de Viry. Il y a dans ce livre une dizaine de pages sur la nationale sept, ou plut�t sur la mont�e de Juvisy � la hauteur de l'observatoire (o� Camille Flammarion a pratiqu� son astronolmie populaire) o� il faut sans arr�t changer de vitesse en fonction de la pente et des ralentissement dus aux embouteillages. Je ne me suis jamais, et je p�se mes mots, jamais autant retrouv� dans un livre que dans ces pages de la mont�e de Viry dans ce livre de Jacques Jouet. Je ne pensais m�me jamais retrouver ma ligne de vie dans aucun livre. Mais je comprends que �a ne vous int�resse pas beaucoup. Lisez quand m�me Jacques Jouet, c'est un �trange bonheur. (Jacques Jouet, Mon bel autaucar, Roman, chez P.O.L)