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30 novembre 2004

Douze lunes, c'est l'homme qui marche mais on pourrait l'appeler aussi "Blog en fuite"...
Tentative d'épuisement d'un week-end, 2


[ -2 -Vais direct aux urgences. Mme P. Malaise 39 ans tombée amoureuse coup de foudre de Pascal quitte Alain vécu 20 ans avec 3 enfants de 18 à 6 ans. Factrice, travaille avec Pascal tout le monde pleure je lui propose de passer aux LP - Les infs des urges en rose (rayé) - Mr C Q Emmanuel psychotique débile travaille au CAT espaces verts injection retard fatigue, va + travaille, picole, sa mère veut plus de lui, etc. - Mme B. mémé 70 ans. Elle a toutes les maladies. vient toujours par les pompiers, pas remise de la mort de son père (histoire de la canne) - Les parents de monsieur R. qui vient de faire une TS médic + alcool père coupable mère à bout. Père alcool mère cordon ombilical voit le docteur X, ça ne passe pas avec elle ]

Les services d'urgence sont rarement agités en début de matinée. A cette heure, on fait le ménage. Les chariots des ASH prennent, dans les couloirs, la place des brancards. On achève de chasser les derniers ivrognes dégrisés et hébétés. On retape le décor à la va vite pour la prochaine représentation. C'est comme au cirque, quand on ratisse la piste. Le spectacle est permanent. On jette les draps pleins de sueurs de sangs et de larmes dans les conteneurs réservés à cet usage. On recharge les dévidoirs, on envoie le matériel souillé à la stérilisation. On fait place nette. Les premiers arrivants, en fin de matinée ou début d'après midi auront cette impression d'ordre de calme de propre et de froideur qu'on prête toujours aux hôpitaux. Ceux de la soirée et de la nuit auront cette vision d'horreur de souffrance d'étouffement et de cour des miracles qui en est l'image inverse et tout aussi vraie. Les infirmières, vêtues de blouses aux rayures roses, prennent le petit déjeuner dans une petite pièce à la porte entrouverte en faisant les transmissions et en échangeant des plaisanteries. C'est une heure chaleureuse, joyeuse. Aux lits-porte l'atmosphère est plus laborieuse. Les médecins font la "visite". La veille passe le relais à la garde. Ou l'inverse. Les lits-porte c'est un peu la consigne de l'hôpital. Les patients sont en souffrance : ils attendent de savoir ce que l'on va faire. Les garder ou les renvoyer chez eux. Mais pour ce matin c'est une petite dame qui m'attend, blottie seule au fond de la salle d'attente. Elle a un visage de petite fille tout rougi d'avoir trop pleuré, encadré de mèches blondes comme les blés. Elle me suit dans mon bureau. Elle est comme sidérée, confuse de chagrin. Entre hoquets et sanglots, elle me raconte cette histoire extraordinairement triste : Elle est mariée avec Alain depuis vingt ans. Elle a trois enfants : une grande fille de dix-huit ans et deux garçons, un grand qui a treize ans et un petit de six ans. Elle, on lui en donne tout juste vingt-cinq, mais sa fiche d'entrée m'apprend qu'elle en a trente-neuf. Elle travaille à la poste, avec Pascal. Elle est tombée amoureuse de Pascal. Depuis deux mois. Un coup de foudre terrible. Elle a été emportée comme par une crue. Elle est éperdue d'amour. Pascal aussi. Il est marié et a lui aussi des enfants. Elle vient de quitter Alain, c'est une décision irrévocable, elle ne peut plus vivre avec lui. Il est resté effondré à la maison. Mais elle ne veut forcer Pascal à rien. Elle est partie tout droit sans rien emporter et elle est arrivée dans cet état d'hébétude aux urgences, accompagnée par une dame qui n'a pas pu la laisser comme ça, seule dans la rue. On pourrait dire que c'est comme au cinéma ou comme dans les livres, mais pourtant ça se passe à Chilly-Mazarin par un matin d'hiver gris et ça n'a rien de romantique. Elle se croit folle, elle se demande ce qui lui arrive, pas le coup de foudre, pas son amour pour Pascal, qu'elle accepte comme son destin, mais là, çà, cette douleur insoutenable qui l'étreint et qui la rend incapable même d'embrasser ses enfants. Elle dit qu'elle sait bien qu'elle n'a rien à faire à l'hôpital, qu'elle n'est pas malade, que c'est juste une tragédie qui lui arrive, mais elle reste là, droite sur sa chaise, la tête vide, et les larmes qui dégoulinent sur ses joues, comme si, quand même, elle attendait quelque chose de moi. Et moi, à qui ses larmes donnent envie de pleurer aussi, qui aurait envie de lui dire que cette douleur de partir, je l'ai déjà ressentie, comme elle, et qu'on ne peut vraiment rien y faire mais elle le sait déjà, et qui, malgré tout, me doit rester un minimum professionnel, comme on dit, je lui dis doucement que tout ça n'a rien à voir avec une maladie, mais avec ce qu'on nomme la passion et que je ne connais rien qui fasse plus mal que la passion. Je lui dis que si elle voulait rester un moment à l'hôpital, cela n'aurait rien d'illégitime. Elle cesse alors de pleurer, me regarde et me dit qu'oui, elle veut bien rester à l'hôpital. Je la laisse un instant pour aller chercher une infirmière des lits-porte à qui je raconte rapidement toute l'histoire et qui la prend tout à fait au sérieux : les infirmières des lits-porte préfèrent largement ce genre de psychiatrie de courrier du cœur à celle de la page des faits divers. Le chagrin d'amour est une folie qui garde un visage humain, pour ainsi dire. On a tous connu ça plus ou moins, un jour ou l'autre, on se sent capable d'aider. On peut comprendre, ce n'est pas comme la schizophrénie ou la paranoïa, radicalement étrangères, qui font salement peur. Je reviens avec l'infirmière. Elle emmène la femme qui pleure vers une chambre, au fond des urgences. Je me souviens, quand je suis revenu prendre des nouvelles un peu plus tard, de son visage posé sur la blancheur de l'oreiller, toujours aussi juvénile, toujours aussi désespéré. Après j'ai fait ma visite aux lits-porte. Il y avait une vielle dame qui était ravie de se retrouver là, qui connaissait la médecine par cœur pour lui avoir donné son corps de son vivant, et qui était venu là la veille "par les pompiers" à cause de je ne sais plus quel malaise, imaginaire, comme d'habitude. Elle ne s'était jamais remise de la mort de son père, il y a trente ans au moins et c'est pour ça qu'elle avait donné son corps à la médecine, pour ne jamais le donner à un autre homme. Elle parlait de son père comme si elle avait vu son cadavre la veille, avec des sanglots retenus. Et puis il y avait le jeune Emmanuel, qui avait pris une grosse cuite. Il habitait avec sa mère parce qu'il n'était pas capable de se débrouiller tout seul. Ils ne s'entendaient plus, il disait que sa mère l'avait mis à la porte parce qu'il buvait trop. Il travaillait dans un CAT, un Centre d'Aide par le Travail, il collait des étiquettes sur des enveloppes mais ça ne semblait pas l'aider beaucoup. D'habitude, ce genre d'ivrognes on les renvoie chez eux le lendemain matin, mais là, comme il n'avait pas l'air intelligent du tout et qu'il avait parlé de son injection mensuelle de neuroleptiques retard, on ne savait pas quoi faire de lui, il fallait l'avis du psychiatre. Comme il avait tendance à rester debout, en pyjama, au milieu du couloir sans savoir quoi faire de lui-même, ce qui, outre le fait qu'il gênait, commençait plutôt à inquiéter les infirmières, on s'apprêtait, comme il ne pouvait pas retourner chez lui, à l'envoyer à l'hôpital psychiatrique en anticipant ma bénédiction. Je ne voyais pas trop ce que l'hôpital psychiatrique pourrait faire pour lui. J'ai appelé sa mère et lui ai demandé de venir chercher son fils, ce qu'elle a trouvé tout naturel nonobstant le calvaire qu'il lui faisait vivre, mais bon, c'était une mère de psychotique, elle l'emmènerait revoir son psychiatre avant la prochaine injection. Lui, il n'avait pas très envie de retourner chez sa mère, ni au CAT, mais je ne cédai pas d'un pouce, ce qui soulagea les infirmières : du moment qu'il ne restait pas dans leurs pattes, l'hôpital psychiatrique ou la maison, c'était du pareil au même, ça me regardait. Aux lits-porte, à Longjumeau il y a deux chambres spéciales : l'une, reléguée au fond, sans fenêtres, à un lit mais sans autre meuble, qui ne ressemble que d'assez loin à une chambre d'hôpital, d'ailleurs ce n'en est pas une à vrai dire, on l'appelle le "cabanon", on y met les ivrognes à dégriser ou tout patient à qui on ne souhaite pas faciliter le séjour (SDF divers, toxicos en manque, etc.) on peut la fermer à clé. L'autre, située tout près du bureau des infirmières, est au contraire une pièce de soins intensifs suréquipée d'appareils de tous genres, avec de l'espace pour s'activer autour du lit, prélude à la réanimation. On y met plutôt des comateux, des insuffisants respiratoires aigus, rarement les patients qu'on me demande de voir. Ce matin là, c'était le monde à l'envers : le cabanon était vide et la chambre de soins intensifs occupée par un beau bébé qui s'était tellement agité la veille qu'il avait fallu pour le calmer lui injecter un traitement quasi anesthésique, ce qui justifiait la surveillance spéciale, puisqu'il était dans le coma. C'était d'ailleurs un patient de cette chère Docteur X, un psychopathe alcoolique violent, connu des urgences, qu'il ne fallait surtout pas réveiller trop brutalement, selon les infirmières et même ses propres parents, qui se tordaient les mains dans le couloir. Les parents, comme d'habitude, étaient de braves gens tout à fait dépassés. Ils s'étaient séparés quand leur fils était tout petit et avaient gardé de bonnes relations. La mère avait quitté le père parce qu'il buvait. Ça avait marché. Depuis, il avait arrêté de boire, il avait refait sa vie. Pas la mère : elle avait continué de s'occuper des enfants, les avait gardé comme des bouts de son propre corps. C'est à eux qu' elle reprochait de ne pas couper le cordon ombilical. Le père était pétri de culpabilité et la mère à bout. Son fils l'étouffait avec le cordon pas coupé. Ils n'étaient pas d'accord avec la façon dont le docteur X s'occupait de lui. Quand il ne buvait pas, c'était un ange, mais ça lui arrivait de moins en moins souvent, quasiment plus, pour ainsi dire. Ils étaient dans l'impasse et dans l'angoisse. La mère s'inquiétait pour la survie de son fils. A mon avis, il y avait de quoi, surtout si c'était le docteur X qui continuait de s'en occuper, avais-je envie d'ajouter, mais, bien sûr je ne le fis pas. Les parents ne demandaient pas qu'on les rassure, ils demandaient qu'on écoute leur souffrance. Ce que je fis, parce que c'est mon métier. Pour ce qui était du bébé, vu les doses, il semblait fort probable qu'il ne se réveillerait pas de sitôt et qu'on avait largement le temps de patienter jusqu'à la fin du week end où il pourrait, dessaoulé, revoir le docteur X si bon lui semblait. Je ne voyais pas ce que je pouvais faire de plus. Les parents en convirent. Ils reverraient le docteur X.

27 novembre 2004




trouvé sur écholalie ainsi que cette liste très instructive.


26 novembre 2004

J'ai lu ça ce matin dans libé (si vous l'avez lu aussi, pas la peine de cliquer (sic))
Tentative d'épuisement d'un week-end,1


Je m'étais assez rapidement rendu compte que le premier projet (qui pourtant paraissait simple et modeste ) était irréalisable (le voici, pour mémoire : 1 - tenir un journal précis, le plus exhaustif possible, écrit à la main sur un petit carnet toujours en poche : ce que je fais, ce que je vois, ce que j'entends, ce que je lis, ce dont je me souviens et les associations qui m'y ont amené, bref, l'ordinaire, l'extraordinaire mais aussi et surtout l'infra- ordinaire ; tout ça pendant dix jours de suite pris arbitrairement quelques fois dans l'année. 2 - ne rien remettre au propre pendant au moins une semaine, laisser décanter. 3 - mettre en forme, donner un tour littéraire tout en gardant le fourmillement des faits et des pensées, en faisant sentir la longueur et la plénitude des heures. 4 - exécuter la mise en forme à l'ordinateur le plus vite possible). Ce qui le rendait irréalisable n'était pas le principe d'exhaustivité ou d'"épuisement", comme dit Perec, qui reste un principe, un moteur de l'écriture, mais le laps de temps que je m'étais donné pour l'appliquer : plusieurs fois dix jours de suite dans l'année, à peu près un mois ou un mois et demi au total, presque le dixième du temps de ma vie sur un an. C'était plus que beaucoup trop. Je m'étais vite aperçu, au bout de même pas trois jours, de l'énormité de la tâche pour un graphomane somme toute modeste comme moi. Je l'ai donc remplacé par ce que j'ai cru être une consigne plus raisonnable : Il s'agissait, comme dans le premier projet, de noter dans un petit carnet Clairefontaine tous les événements et les petits faits d'un week-end pris au hasard, le plus précisément possible, mais d'un week-end seulement, ce qui était (très) largement suffisant, comme la lecture des prochaines pages va le montrer, puis d'oublier un ou deux mois le carnet dans la poche intérieure de ma veste. Il s'agissait alors de reprendre ces notes et de les "mettre en forme", en vue d'écrire à partir "du matériel brut", mais aussi à partir du souvenir "réel" qui m'en restait ou pas, quitte à combler les trous ou les flous de la mémoire avec un peu d'imagination. L'hypothèse étant justement que le texte ainsi obtenu serait une sorte de sauce qui prendrait son onctuosité en fonction même du mélange de relecture, de souvenir en point de "capiton" et d'imagination "romanesque" induite par la mauvaise mémoire. On aura compris qu'il s'agit encore de rendre hommage au cher Georges Perec et à sa pathétique tentative d'"épuisement" de lieux parisiens intitulée "Soli loci", d'un exercice "d'admiration", comme ces sorte de "Passions", ces spectacles religieux un rien morbides mais qui ne doivent pas l'être du tout pour leurs acteurs, qui doivent au contraire les combler de joie, et qui reconstituent le chemin de croix dans tous ses détails et surtout la lourdeur de la croix. Pour l'anecdote, le week-end en question est celui du 19 et 20 janvier 2002. Trêve de prolégomènes : Allons-y ! (on peut sauter les passages en italique et entre crochets qui sont la retranscription exacte de ce que je notai sur le calepin Clairefontaine : ce sont à la fois des balises et des inducteurs)

[ -1 - 19 janvier 2002. couché la veille 02h 30 - réveillé sans réveil mais somnole - CT H de LGM à 8h 30 (je pense que c'est L.)]

La veille, le vendredi soir, donc, après avoir regardé sur Mezzo (vive le câble ! ) ce chef d'œuvre absolu qu' est le Ballet "La belle au Bois Dormant", oui je dis bien le ballet de Piotr Illich Tchaïkovski, celui qu'on peut voir chaque saison à l'Opéra de Paris, en payant très cher, avec les tutus et les ballerines montées sur pointes, mais dans une chorégraphie et une mise en scène époustouflante, complètement revisitée par un chorégraphe suédois que je ne connaissais pas, Mats Eck, par une compagnie de jeunes danseurs épatants (la compagnie Guliberg), je m'étais couché à deux heures trente du matin selon une mauvaise habitude récemment acquise : André Tardieu appellerait ça "bredouiller dans les garages", on pourrait dire "foirer dans la semoule", "bistrouiller" ou "tournicoter", ma copine dit "rondouiller". C'est une sorte d'activité molle et désordonnée, très peu efficace et malgré tout génératrice d'un certain plaisir, faite de bribes d'actions plus ou moins vite interrompues faute d'enthousiasme, d'intérêt, ou par manque d'un ingrédient (une information, un objet) qui empêche de la mener à bout, avec la flemme frelatée que distille un marchand de sable peu optimiste. Je zappe sur le câble à la télé, entre le tennis à Rotterdam sur Eurosport et "le Port de l'angoisse", avec Loren Bacall et Humphrey Bogart revu pour la quinzième fois sur Cinéclassic, je zappe sur mes favoris d'Internet où les webmestres ne se sont pas trop foulés ce soir pour les mises à jour, j'écris trois lignes de "1200 signes par jours", cinq lignes d'une expertise en retard (les expertises sont toujours "en retard" par définition) et je recommence. Je numérise une ou deux vieilles photos, je me plonge dans "Photoshop.6.0 pour les nuls" parce que j'ai fait une fausse manœuvre dans le choix du format de numérisation, je refais mes comptes pour tenter d'expliquer, toujours vainement, mon découvert mensuel à la banque, je me verse un petit whisky, je mange une pomme, je lis quelques pages du roman en cours ou je prends des notes sur mon Psion. Je branche Bud Powell sur la minichaîne en même temps qu' Ivo Pogorelitch interprète Chopin sur Mezzo à la télé, je vais me cuisiner des aiguillettes de poulet à la sauce Kikkoman et au muscat en écoutant le tout. Je les déguste à même la poêle, assis à mon bureau, devant Word 2000, en relisant ce que vous lisez précisément, là, en ce moment, et en écoutant toujours Bud Powell à la sauce Chopin ( parfois c'est la sonate D960 de Schubert par Serkine avec les commentaire d'Auxerre-Lille en quart de finale de la coupe de la ligue par Charles Biétry et d'autre fois les infos en boucle sur France info et le son sans les image du "Mépris" de Godard.) Toutes les demi-heures, je me dis que, ce soir, enfin, je vais pouvoir aller me coucher tôt, parce que je me suis couché la veille à deux heures trente du mat et que je suis complètement crevé. Toutes les demi-heures je consulte l'heure pour me dire que, finalement, il n'est pas encore si tard que ça, que je ne me sens pas encore prêt de dormir et, que si ça continue, il va falloir que je prenne un demi Stilnox, et, finalement, je me retrouve à deux heures trente du mat, éveillé dans mon lit, le roman en cours refermé, à me dire qu'il est trop tard pour prendre le Stilnox parce que je ne pourrai pas me réveiller le lendemain. Juste quelques minutes après, semble-t-il, il y a un rêve, dont je ne me souviens qu'un instant, qui me réveille et qui s'enfuit comme un malfaiteur. Il est six heures et demie, voire sept heures et quart dans le meilleur des cas. Dans deux heures, il faudra se lever pour la garde à Longjumeau. J'ai tout le temps de me rendormir, ce que je ne fais pas, cloué sur le dos comme un scarabée dans une sorte de coma vigile. A huit heures trente le téléphone me réanime trop brutalement. Comme à chaque fois, je me maudis d'avoir fait installer la prise du côté du bureau, par souci d'activité et non de celui du lit, par souci de paresse. Mais je me lève avec tout l'entrain dont je suis capable pour répondre car c'est l'heure où L., "de matin" à Vigneux, me fait d'habitude son petit coucou. Au lieu de la douce voix de ma bien aimée, retentit, celle, professionnelle, de la standardiste de l'hôpital de Longjumeau : "Docteur Grossmann ?" - "Mouii ?..." - " Je vous passe les urgences !" - "Holà, vous avez vu l'heure ? La garde ne commence qu'à dix heures ! " - "Oui, mais j'ai appelé le Dr X, votre prédécesseur qui m'a dit de vous appeler" - " Elle est gonflée, celle-là ! Elle n'est pas à l'hôpital ? - " Ah, çà! j'en sais rien, vous devriez régler vos histoires de garde entre médecin, je n'y suis pour rien moi !" -"Vous avez raison, rappelez le docteur X et si elle ne se déplace pas, j'irai aux urgences pour dix heures. " Je raccroche. J'enrage contre cette flemmarde de Dr X qui prend ses gardes à domicile et qui en plus ne veut même pas se déplacer. Parce qu'elle ne se déplacera pas, j'en suis sûr. Pas question que moi, je bouge d'ici avant neuf heure et demie pour arriver à dix heures à Longjumeau. Marre qu'on me prenne pour une poire. S'il se passe quoi que ce soit, ce sera de sa faute ! Mais voilà : je suis une boule de nerf et il n'est plus question de tirer une quelconque flemme au lit. Finalement, aprèsune minute de relaxation, je décide que nous n’allons pas être deux irresponsables : Je passe un coup de fil aux urgences pour avoir de quoi il s'agit. Il n'y a pas l'air d'avoir beaucoup d'affolement, ça peut attendre. Mais le docteur X, elle, elle ne perd rien pour attendre, elle va voir comme je vais la sécher au prochain choix de garde. Je pourrais l'appeler chez elle, pour l'engueuler, tout de suite, lui apprendre la politesse, les bonnes manières et la confraternité mais je ne vais pas m'abaisser à çà. De toute manière, elle se fout de la confraternité et des patients qui attendent des heures aux urgences. Je me désembrume à vitesse V : On ne va tout de même pas faire attendre un pauvre patient en salle d'attente pendant des heures parce qu'une psychiatre pas polie a décidé de ne pas jouer le jeu, et puis, vas, allez, ta grasse matinée est foutue, de toute façon, me souffle un surmoi sermonneur. De fil en aiguille et de mauvaise conscience en culpabilité, me voilà donc dans ma petite auto sur l'autoroute A6 qui file vers les urgences de l'hôpital de Longjumeau. Il est neuf heures. Je me suis fait avoir. la rouerie des hommes et des femmes surtout quand elles sont psychiatres de garde n'a pas de limite.

A suivre....(lire dès maintenant le texte entier)

25 novembre 2004

Beaucoup de travail invisible sur CISCOBLOG ces derniers temps : bientôt sur cet écran, donc, si Dieu le veut et dans le désordre, un radioblog ( si, si, je finirai bien par y arriver un jour ), un rafraîchissement de l'habillage de certaines rubriques, 26 (titre provisoire) par exemple, et quelques autres surprises qu'on ne peut pas voir maintenant, par définition. Je vous préviendrai quand tout sera prêt... et visible. (astucieux, le teasing, non ?)
Avenue des gobelins, le 14 novembre



Je ne sais pas pourquoi je n'ai pas mis plus tôt "dayly dose of imagery" en LCD, c'est mon deuxième photolog favori (après "impressions fugitives"). Peut-être parceque malgré la beauté incontestable et parfois époustouflante des photos il ne me donne toujours pas envie d'aller à Toronto ? En tout cas, maintenant c'est fait.

24 novembre 2004

Un des coups les plus durs qui m'ait été porté ces derniers temps.

23 novembre 2004

Pensée de la nuit N°75 : "..Et cependantse pourrait-il, cependant entrevoit-on même une vague possibilité que dans l'autre côté de la vie nous nous apercevons des bonnes raisons d'être de la douleur qui vue d'ici occupe parfois tellement tout l'horizon qu'elle prend des proportions de déluge desepérant ? De ce la nous en savons fort peu, des proportions et mieux vaut regarder un champ de blé, même à l'état de tableau" Vincent Van Gogh, lettre à son frère Théo, juillet 1889

22 novembre 2004

Ce que les autres ont fait quand ils avaient votre âge : voyez, rien n'est perdu ! (via Mes Lubies qui est redevenu une mine !)

14 novembre 2004

Paris au volant 9



Avenue des gobelins, le 14 novembre

13 novembre 2004

26 (titre provisoire), XIV


Elle lui manquait. Cathy et Haltman avaient été très proches. Haltman n’aurait jamais laissé dire qu’il s’était agit d’une amitié amoureuse. Mais, après tout ce temps, il aurait du mal à décrire ce qui l’avait ainsi lié à Cathy. Cela avait probablement été le travail. Ils avaient travaillé tous les jours ensemble, pendant plus de quinze ans. Haltman se souvenait par exemple qu’ils étaient tous les deux en visite chez madame C. qui ne se levait plus, qui ne se lavait plus, qui ne mangeait plus qui ne parlait plus juste quand on l’a averti que sa femme se mettait à accoucher. Il avait laissé Cathy chez madame C. pour retourner en toute hâte à Paris. Ils se parlaient de leurs amours. Ils s’étaient racontés leurs enfances et leurs blessures secrètes. Dans les coups de tabac qu’avait subi le 26, ils avaient écopé ensemble, sans jamais de vrais désaccords. Sa vie tumultueuse, ses souffrances éperdues, son engagement, son don d’empathie exceptionnel, il les avait tant aimés. Ils se faisaient une confiance absolue. Ils avaient échangé des livres, souvent, elle lui avait fait lire « Comme un Roman » de Pennac et tout Sandor Marai, il lui avait passé René Fallet et Louis Calaferte: Haltman se souvenait que quelques semaines avant sa mort, elle lui avait donné une photocopie de deux pages des « Braban » de Patrick Besson dont il avait cherché longtemps le livre entier (il ne l’avait trouvé que dix ans plus tard, enfin réédité en poche) où se trouvait l’explication définitive de la vieillesse. Cathy, elle, n’était jamais devenue vieille, ou bien peut être avait-elle su qu’elle l’avait été de tout temps ? Mais malade elle avait su l’être. Pas de ces maladies vaguement psychosomatiques dont on ne sait jamais par quel bout elles vous prennent et si elles ne sont pas que des maladies de la tête, mais de vraies maladies graves, mangeuses de corps, comme si elle avait attrapé tout ce qui se faisait de mieux dans le genre. Un ou deux ans après le début du 26 elle avait fait une paralysie faciale dite « a frigore », c'est-à-dire sans cause, ce qui n’était pas du tout une consolation : elle lui avait détruit tout un côté du visage et n’avait jamais régressé. Elle ne s’en plaignit jamais. Curieusement, pour ainsi dire, elle ne perdit rien de sa beauté ; Son sourire était devenu encore plus douloureux et l’un de ses yeux s’était un peu voilé. Puis en pleine fleur de l’âge, à peine à trente cinq ans, elle eut un cancer de la gorge. Elle se soigna longtemps, fut opérée et évita pour cette fois la trachéotomie. On la crut guérie. Elle n’arrêta pas de fumer mais ne pouvait plus boire de whiskies cocas. Elle reprit sa vie et le 26, éleva une fille. Ils échangèrent à nouveau des livres et des soirées au bord de la Seine. Sept ans plus tard, il y eu récidive. Ce qui était proprement impensable. Elle passa trois ans entre l’hôpital, les tentatives impossibles de reprendre le travail, avait la sensation d’étouffer lentement. Elle ne pouvait plus se passer de sa canule, croyait que c’était une drogue, mais n’y pouvait rien. Haltman allait voir Adam, son ORL, qui était aussi leur ami et qu’Haltman tenait pour le chirurgien le plus humain qu’il ait connu, et le supplia de la sauver. Il lui promit de faire l’impossible. Il lui fit une opération de la dernière chance. Aucun d’entre eux ne crut jamais, pas même Adam, qui en avait vu pourtant beaucoup, qu’elle allait bientôt mourir. Un jour, elle dit à Haltman qu’elle voulait se reposer un peu à l’hôpital. Adam la prit dans son service. Il assura que la tumeur ne progressait plus, qu’il ne savait pas ce qui se passait. Il allait voir Cathy dans sa chambre et avait de longues conversations avec elle. Haltman passait la voir plusieurs fois par jours. Elle ne pouvait plus se lever. Adam ne voulut jamais admettre que le cancer avait gagné. Il ne l’admettait jamais, d’ailleurs. Cathy ne luttait plus. Elle était dans les limbes. Un soir, ils étaient tous dans sa chambre, Jacques, Renée, Vera, Dany et Haltman. Elle souriait. Elle les renvoya et leur dit « à demain, dodo maintenant », comme on dit aux enfants, pour qu’ils aillent se coucher. La surveillante leur dit qu’elle appellerait si quelque chose devait arriver. Elle n’appela pas. Le lendemain matin, Haltman passa comme à son habitude dans le service d’ORL avant de faire sa visite aux lits porte. Il entra dans la chambre de Cathy. Son lit était nu, sans draps, ouvert comme une gueule. Cathy leur avait faussé compagnie durant la nuit.

12 novembre 2004

J'ai trouvé ce lien dans ma boite à lettre. Je le fais suivre ici. C'est inspiré de Escher (mais en moins bien tout de même. Qui sait ce qu'il aurait fait s'il avait eu, lui des ordinateurs à sa disposition.) Mode d'emploi : attendre le telechargement (ce n'est pas très long, mais ce n'est pas une connexion rapide) ensuite cliquer en haut pour avancer et en bas pour reculer.

11 novembre 2004

Je me souviens

qu'au temps de mes dix ans, URSS signifiait : Union Ratatinée des Saucissons Secs.
Une très interessante liste de papes (commentée), via Echolalie...bien sûr

07 novembre 2004

Merveilles, 14


octobreOn ne peint ou ne photographie jamais qu’une seule chose : la lumière. Claude Gelée, dit Le Lorrain a été le premier à peindre le soleil en face. C’étaient des images d’aubes, de ports tournés vers l’Orient. Les choses sont parfois touchées par la lumière comme les hommes par la grâce. Rien n’est plus froid et plat que la lumière de midi qui blanchit tout. Je me souviens, à Sauzon, des crépuscules sur la pointe des Poulains. C’est la que la terre finit à Belle Île en Mer. Nous nous y rendions gravement comme à un office. Nous suivions presque chaque soir le sentier des douaniers au-delà de la jetée et les rochers des pêcheurs de bars de ligne et le quai pour le bateau qui revenait d’Houat. Nous marchions dans la lande rase, les yeux au sol et les bras croisés sur la poitrine. Les lapins détalaient sous nos pas. Nous nous asseyions pour regarder le ciel et la mer en feu et les premiers éclats du phare.. Octobre rend Paris à ses habitants. Il y a comme une pause dans l’agitation de la ville, les choses ralentissent dans la mollesse de l’air. Les ombres se font obliques donnent à l’indulgence encore une chance. Il y a toujours au moins un dimanche après-midi béni où les choses resplendissent dans leur modestie même.

03 novembre 2004

Reveil brutal à cinq heures : je fonce devant la télé. l'Ohio hésite mais tout est perdu : l'histoire ne se répète pas, dit Marx, elle bégaie.
01 heures 30 : Les sondages sortie des urnes donnent Kerry gagnant, je n'ose y croire. Keep it tight ! (excellente animation dans "Le Monde.fr" : Kerry for president !)