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30 juin 2008

Pensée de la nuit N°137 :"Je ressens une telle tristesse en moi que j'entre dans la première église où l'on célèbre des funérailles. Il serait dommage de ne pas en faire profiter un défunt" Eric Chevillard, L'Autofictif

29 juin 2008

J'ai un jour rencontré cet homme dans des circonstances émotionnelles pratiquement insoutenables. Je ne suis pas en mesure de dire maintenant quelles elles furent, mais j'espère pouvoir le faire bientôt. Quoiqu'il en soit, il m'a fait impression comme rarement un homme a pu me le faire (j'ai connu deux ou trois grands hommes) Je ne savais pas qu'il tenait un blog, un peu comme moi (via mnémoglyphes, décidément) Si des hommes comme celui-ci tiennent des blogs, je me demande si je dois continuer à le faire. D'un autre côté, cela me rassure, mais pas vraiment.

24 juin 2008

Grâce à Mnémoglyphes et cet outil, vers quoi il nous dirige, je sais maintenant que CISCOBLOG est hébergé - c'est à dire : réside physiquement - en Californie, à Moutain Wiew, près de Palo Alto, non moin de San Francisco. Cela me rend tout chose. Déjà savoir que chacun de mes petits messages, celui que vous lisez et celui que j'envoie, fait des aller et retour en une fraction de seconde soit de Mountain wiew Cal à Viry Chatillon, 91170, soit de Mountain Wiew Cal à votre domicile où que vous soyez sur la planète, c'est tout émulsionnant, mais, en plus, savoir que CISCOBLOG réside en chair et en os, en silice et en cuivre, devrais-je plutôt dire, bref que le moindre de ses précieux octet est chouchouté, poupouné, choyé à deux pas de Frisco, San Francisco, cisco (blog) c'est plus qu'un signe des dieux, non ? Et par dessus le marché savoir que CISCOBLOG niche tout près de la célèbre université de Palo ALto et de son école éponyme dont les travaux ont bercé ma jeunesse, que ses modestes octets voisinent avec le souvenir du grand Bateson me rend tout croque...

19 juin 2008

Trois semaines contre l'éternité. Longue vie au blog à dessin !

14 juin 2008

JC Bourdais noua déniché ce site américain. Oui, c'est dingue !
26 (titre provisoire), XXIV


Vingt ans plus tard, mais un peu plus tard, c'est à dire précisément il y a deux jours, Haltmann rencontre encore une fois Alain Lapoule. Il arrive au CMP en retard comme d'habitude, il se gare sur le parking qui donne sur la Seine, presque sous le pont qui la traverse. Autrefois, il y avait là un saule dont les branches trempaient au fil de l'eau et faisaient comme un abri pour les cygnes attirés là par les reliefs de deux restaurants voisins. C'et endroit calme, un peu à l'écart mais proche encore de l'animation de la ville attirait souvent les SDF. Sous le saule, un banc les accueillait. Souvent des ivrognes venaient y partager des canettes ou des bouteilles. On y échangeait aussi parfois des produits illicites ou des coups de poing. Maintenant, il n'y a plus ni saule ni banc. Mais les cygnes sont toujours là, et les SDF aussi. Pendant qu'il manœuvre, il voit qu'un homme l'observe en souriant. Il a des cheveux longs et sales, ses vêtements sont douteux, il porte une drôle de casquette. Il ne reconnait pas Lapoule tout de suite mais c'est lui. C'est pour ça qu'il souriait. Il attendait là, il ne savait trop quoi, surement pas lui, mais Haltmann pense tout de suite que ça à voir avec un trafic. Ils échangent encore trois mots sur le seuil. Alain Lapoule lui montre un cathéter qui dépasse de sa chemise à carreaux marron en guise de réponse à son "ça va ?". Il ne tient pas du tout à expliquer ce qu'il fait là à attendre. Il sait qu'Haltmann l'a deviné. Il sourit de son sourire édenté et de sa voix gouailleuse lui explique qu'on lui fait des dialyses péritonéales. Il a un côté vieux Gavroche. Combien de temps tiendra-t-il encore sous la mitraille en chantant ? Haltmann se sent envahi d'une immense pitié et pousse la porte du CMP. A la prochaine.



11 juin 2008

Un chti lien pour ce soir (ça faisait longtemps, non ?) : la liste des 100 albums de Jazz indispensables selon le Newyorker himself! Testez vos connaissances et comblez vos lacunes éventuelles ! (via mnemoglyphes)

07 juin 2008

Pensée de la nuit N°136 : "Il y avait la queue à la caisse du supermarché, ce matin. Mon chariot débordait. Civilement, je laissai passer devant moi un chimpanzé qui n’achetait que quelques bananes." Eric Chevillard, l'autofictif


Pensée de la nuit N°135 : "Et pendant ce temps là, à la terrasse de "l'abri côtier" à Sauzon, Pifou, ses deux amis Sarha et Zozo, et le Lapin Rabbit, magicien de son état, se désaltéraient d'un Coca bien mérité en attendant que vienne les rejoindre Rakkam le Dauphin, directeur du Cirque Des Poissons et capitaine du Grand Vaisseau Aux Voiles Multicolores et Changeantes, pour fêter la fin de cette histoire" Les Aventures du Petit Cheval Pifou, Editions Heurtebise, 1987.
Il n'y a plus rien à la télé, dites-vous ? Mais vous êtes-vous aperçus que la télé n'existe plus ? Il n'y a plus rien à la télé parce que c'est ailleurs. Depuis quelques années, la télé se dilue dans un monde d'images "en ligne" bien plus vaste qu'elle. TF1 et Antenne2 vous font croire qu'elles existent toujours, mais c'est faux. Elles occupent indument votre temps de cerveau disponible. Votre vieux poste, même mural, extra plat HD ready ou tout ce que vous voulez n'est plus qu'une interface. C'est comme votre ordinateur : il n'est plus qu'un terminal, son disque dur ne vous sert plus à rien. Tout est stocké en ligne. Avez-vous remarqué que votre téléphone vous sert à tout (par exemple entrer chez vos amis quand vous avez oublié le code, d'ailleurs je prédis la fin des codes à brève échéance, en même temps que la fin des CDs et des DVDs et bien entendu de la radio, sans parler du papier) il sert même à payer vos impôts ou vos impayés ? En fait, depuis peu, la télé et votre ordinateur et le télephone c'est la même chose. Une vaste confusion est en train de naître : Internet, la télé, l'ordinateur et le téléphone deviennent identiques : des objets portails, qui servent à entrer dans le monde virtuel. Depuis près de soixante ans la télé et le livre, les images et l'écrit, se livraient un combat sans merci. Je me demandais pourquoi le livre n'avait toujours pas été vaincu. Je me disais que le courrier électronique avait été la grande chance du livre ; il avait aidé l'écrit à tenir (de même que les texto qui avait insinué l'écrit dans l'audio). Mais l'échéance n'avait été retardée que par manque de puissance. Ce que nous apprend cet article du journal Le Monde m'emplit d'une délicieuse terreur.

02 juin 2008

Rue de Tournon, 3


Madeleine Charles, dite "Mademoiselle Charles", notre professeur de piano, avait été premier prix de Rome au début des années 30. C'était une toute petite demoiselle, ronde comme une agate, au visage lunaire, au chignon grisonnant toujours impeccable et aux petites lunettes posées sur le bout d'un petit nez pointu. Ses doigts boudinés, ses petites mains qui semblaient vissées au bout de bras dodus et courts n'en faisaient certes pas un parangon de pianiste, mais, après que, une fois venue chez nous tester le noir piano droit à chandeliers que nos parents venaient d'acheter d'occasion et qui trônait dans la salle à manger, elle nous eut plaqué toute un dégringolade d'accord fortissimo à faire trembler l'immeuble mieux que que le métro de la ligne de Sceaux qui passait juste en dessous, nous reconnûmes unanimement son grand talent artistique (plus tard nous aurions un vrai Pleyel tout neuf en bois clair et à cadre métallique qui confirmerait sinon notre vocation au moins notre assiduité) Toujours souriante et bienveillante quoique parfaitement capable de s'impatienter quand nous n'avions pas travaillé et même de s'agacer, ce qui nous mortifiait, quand nous oubliions un peu trop les altérations à la clef, elle était pleine d'admiration et de respect pour ses petits élèves, ces petits messieurs et ces petites demoiselles, fils et filles de docteurs, de magistrats et de professeurs si bien élevés si travailleurs qui venaient bien sagement prendre leurs leçons après l'école. elle ne nous embêtait pas trop avec le solfège et l'harmonie. Je n'avais aucune oreille et j'étais sincèrement accablé de ce handicap. Elle me consolait très gentiment en m'expliquant que c'était sûrement parce que j'avais beaucoup d'imagination, ce qui distrayait mon cerveau de mon oreille, mais qui, en somme, était une autre avantage, comme chacun savait, pour l'interprétation et le supplément d'âme. Chaque mois de Juin, elle réunissait tous ses élèves et leurs parents pour l'audition annuelle. Le petit appartement déjà encombré de pianos (il y avait deux pianos d'études pour les leçons ordinaires et un piano demi-queue, un Gaveau, qui occupait tout une pièce sur lequel nous ne jouions qu'une fois par an (le son feutré un tout petit peu au-delà de nos mains, le toucher de velours du piano à queue m'enchantait, c'était la récompense de l'année, en somme)) se remplissait de chaises toutes plus inconfortables les unes que les autres sur lesquels nos parents et nous mêmes, entassés, souffrions le martyre dans nos plus beaux blazers, avant de nous voir délivrés par notre passage au clavier. Malgré les fenêtres largement ouvertes sur la rue de Tournon, l'appartement était une fournaise. Mademoiselle Charles, secondée pour l'occasion par sa sœur Marthe, aquarelliste de profession, toute aussi petite mais aussi mince et sèche qu'elle était ronde et dodue, faisait circuler des rafraichissements au prix d'acrobaties dont nous ne l'aurions jamais crue capable. Pour l'occasion, elle faisait venir une sommité du Conservatoire, Suzanne Demarquez, compositrice et auteur de nombreuses méthodes de solfège, alter ego d'Alfred Cortot en personne, qui s'asseyait sur le meilleur fauteuil, entre le clavier et la fenêtre , à un souffle de notre joue, prenait un air de sphinx impénétrable et somnolait déjà pendant que les doigts malhabiles des plus petits massacraient à tout de rôle le petit âne gris de Jacques Ibert et le gai Laboureur de Shumann. Je me souviens quant à moi d'y avoir, entre autre, estropié bravement un tambourin de Rameau, une arabesque de Debussy, une valse de Milhaud et un nocturne de Fauré. J'y reçus pourtant plusieurs fois les encouragements mécaniques de la grande dame que j'avais bien du réveiller par l'accumulation des fausses notes et des hésitations. Le clou du spectacle était immanquablement les grands élèves dont Alain Z. et son noeud papillon dans des sonates d'un niveau supérieur (Beethoven, Chopin) bien qu'elles aussi passablement massacrées et parfois accompagnées, fin du fin, au violon par Monsieur Emmanuel, premier violon au concert Colonne. C'était un moment hautement culturel. Après les vivats, Suzanne Demarquez se levait, tendait le cahier de ses observations à notre mademoiselle et se dirigeait vers la sortie en agitant les mains, précédée et suivies par les deux soeurs confondues en remerciements et courbettes. Après quoi, l'appartement se vidait rapidement, et nous nous disons au revoir, dans la tiédeur de l'été, sous le ciel rose des soirs de juin, au milieu de la rue de Tournon déserte. Et tout cela se passait au siècle dernier.