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12 juillet 2008

Un Haïku par bain, 70


Ma baignoire empreinte
Une piste de bobsleigh
pendant que j'y dors

07 juillet 2008

Minigraphies, 7



Notre nouveau chef de service est le professeur Rolex. Il a cinquante ans tout rond. Il a fait sa médecine à Créteil, saint Antoine et Trousseau qui dit mieux. Il ne dort pas la nuit. Il n'y plus qu'un seul psychiatre ici : le professeur Rolex. On l'appelle "Professeur", s'il vous plait ! Il pourrait se fâcher. Ce soir en arrivant, par exemple, je le trouve assis sur le sol du sas, à fumer sa cigarette tout en faisant la psychothérapie de monsieur S. qui, adossé à la fenêtre, debout au-dessus de lui, m'interpelle pour sa permission de demain. La psychothérapie consiste en un un flot continu de paroles incompréhensibles prononcées à voix trèsbasse, comme une musique. Monsieur S. Il en a entendu d'autres. En dehors des psychothérapies, le professeur Rolex arpente les couloirs du service les mains derrière le dos et le nez en l'air. Toujours à la recherche d'une leçon clinique à donner, d'une présentation de malade à faire. Il a les cheveux longs et gras, une moustache de gaulois et plus aucune dent dans la bouche. Il est grand et dégingandé. Il est toujours là quand on a besoin de lui. Il dispense ses conseils à voix basse, naturellement. Sans lui nous serions perdus. Pas plus tard que ce matin, par exemple, lors d'une négociation délicate avec un monsieur passablement énervé qui ne voulait ni entrer ni sortir, il me faisait le "retour son" dans le couloir même. Penché sur moi, vous connaissez ma taille, il me chuchotait en léger différé dans l'oreille les paroles exactes que je venais de prononcer. S'il ne dirigeait pas ma pensée, c'était à s'y méprendre. Il se faisait mon écho fidèle, il commentait. Non, l'énervé ne voyait pas double. Il y avait bien deux interlocuteurs en face de lui : pas Don Quichotte et Sancho Pança, mais le professeur Rolex et moi. Tout se passa bien
et, contre toute attente, l'énervé se calma. Le professeur Rolex nous émerveille. C'est le chouchou des infirmières. Il ne nous lâche pas d'une semelle, il nous suit partout comme notre ombre, il est à lui tout seul notre double à nous tous. Il est là quand les infirmières comptent les gouttes, il vérifie le nombre exact, il surveille les transmissions le nez collé à la vitre de l'aquarium, il intervient de loin dans les réunions, il nous souffle les bons médicaments, il décide des sorties, des régimes, des gardes médicales et des heures sup' des infirmières. Il est tellement toujours là que son absence nous manquerait, soudain. D'ailleurs, le professeur Rolex se prescrit lui-même son traitement et ne prend que ce qu'il a prescrit. C'est un As des neuroleptiques. Je ne ferais pas mieux, tout simplement. Le professeur Rolex a une drôle de façon de parler. Parfois il est incompréhensible, totalement hermétique, et d'autres fois on comprend tout ce qu'il dit. Parfois il parle à voix basse, parfois il hausse le ton. Mais toujours il nous enveloppe d'un flot de parole, aussi dense qu'un vol de passereaux, aussi léger qu'un essaim de graines de pissenlit. Le professeur Rolex n'a jamais voulu nous raconter son histoire, comment il a été arrêté sur la voie publique par la police en train de montrer à tout le monde ce que ma mère m'interdit de nommer ici alors qu'il venait de débarquer dans la ville, à la gare. C'est parce qu'il avait une tête de quelqu'un qui débarque, justement qu'on avait téléphoné au CPOA, histoire de voire si le professeur Rolex n'était pas connu dans d'autres régions. ""Rolex" me dites vous, attendez voir. Bingo! Hospitalisé en mars à S. D. !" Un autre coup de fil à l'hôpital de S.D. nous avait rassuré : le professeur Rolex ne débarquait pas de la planète Mars. Il venait de sortir de chez eux trois jours auparavant. Il ne s'était pas enfui, on l'avait laissé sortir à sa demande. On n'arrive pas à le soigner (à le "stabiliser", on dit) on a essayé tous les médicaments. Il résiste à tout. C'est un résistant. Cela me plait bien, à moi le mot "résistant." Alors parfois on le laisse sortir quand il demande. En général on le retrouve un peu partout en France. Ce coup-ci c'est chez nous. Notre interlocuteur était presque déçu, d'habitude c'est à Perpignan ou Marignane, plus loin qu'à cent malheureux kilomètres de chez lui. Mais bon, on allait le reprendre, quand on aurait de la place. Il n'est pas pressé non plus de retourner chez lui, le professeur Rolex, d'ailleurs. Là bas, à S.D. on ne devait plus le prendre assez au sérieux ni suivre ses prescriptions à la lettre. Ca lui fait des vacances.

05 juillet 2008

Un Haïku par bain, 69


Eté comme Hiver
Seule une eau plus que brûlante
Me tanne le cuir