Pages

31 octobre 2004

Je viens de trouver, en parcourant la livraison mensuelle de Geisha Asobi une chose, comment peut-on appeler ça autrement qu'une chose ?) incroyable, proprement incroyable. Je suppose que la plupart d'entre vous connaissent déjà, ou en ont entendu parler (je suis le roi des métros en retard et des enfoncements de porte ouvertes, je sais). C'est cette chose là. Cliquez vous-dis-je ! De quoi avez vous peur ? Vous avez cliqué ? Vous ête déçu(e)? Encore un gadget Google, dites-vous ? Avez- vous seulement essayé ? Je suis sûr que non. Eh bien essayez donc, et vous saurez ce que googliser (ce n'est pas un beau mot, OK, mais je n'en vois pas d'autres pour l'instant, bluffé comme je me trouve) votre propre ordinateur veut dire. En tout cas, moi, ayant accédé à la chose, j'ai eu une sorte de vertige, comme devant un gouffre de possibles. Complètement surlecuté. Enfin, voyez par vous même, si vous ne me croyez pas. Et ne venez pas me parler de Big Brother ou autres fredaines de ce genre, on a changé de monde depuis un petit moment, savez-vous ?
Je viens de m'escrimer trop longtemps sur CISCORADIO dont vous pouvez voir une "maquette" non fonctionnelle dans la colonne de droite. Tout paraît en place, j'ai vérifié la moindre virgule des codes, mais rien ne marche. Il y a des soirs comme ça...

30 octobre 2004

Une traduction originale, si je puis dire, du texte de la dernière vidéo de Ben Laden, par Phersu
je me souviens

des chansons d'Anne Sylvestre. Non pas parce qu'elles ont bercé l'enfance de mes enfants, elle avait déjà son côté grand-mère baba à la guitare reconvertie, mais parce qu'elles ont bercé mon adolescence et ma jeunesse à moi. Et où est-vous donc passé, vous, les amis d'autrefois ? J'ai soudain repensé à Anne Sylvestre en voyant - non pas en regardant - des images à la télé de mer démontée et de gardiens de phare (la Jument, précisément à l'Ouest d'Ouessant) extraites d'un un film avec Torreton et Bonnaire ("L'équipier" ?) qui est censé sortir cette semaine et que je n'irai probablement pas voir. Il y avait un plan pris au pied d'une vague en pleine mer avec la dentelle d'écume et le gris du ciel qui change sans arrêt de dimensions et l'échappée intermittente, au gré du flot, sur la vague suivante et le mince paysage à l'horizon qui m'a fait irresistiblement penser à l'été de soixante sept aux Glénans quand, sous le vent de Drenec et sur le cotre aux voiles auriques aurores et écrevisses, j'ai vu le tee-shirt trempé par l'embrun et la forme délicieuse des seins de ma coéquipière.

29 octobre 2004

Quelques nouvelles, depuis mon récent retour (ce matin encore les montagnes et les nuages se transformaient les uns en les autres comme dans les peintures chinoises anciennes) : François Bon a son blog, je ne suis pas le premier à l'annoncer mais ce n'est pas une raison pour que Ciscoblog n'en parle pas. Ca promet, donc. J'ai enfin compris comment mettre en ligne une "playlist" !(j'ai lu un mode d'emploi de "radioblog" particulièrement bien fait dans le SVM d'Octobre et dans le TGV): vous allez donc pouvoir prochainement consulter ce site en musique (gare a Bach et à Coltrane !) Je suis aussi tombé sur ce café du commerce qui n'en n'est pas un chez "Feuilles de route" qui manque encore en LCD mais qui ne saurait tarder. That's all, folks for this night !

22 octobre 2004

Un dernier petit "Paris au volant" et une dernière petite "Pensée de la nuit" pour la route avant de me téléporter . De retour vendredi prochain, 29 octobre
Paris au volant 8



Quartier Saint Yves (14ème arrondissement)
Pensée de la nuit N°74 "Un jour un homme le fit entrer dans une maison richement meublée et lui dit :"Surtout ne rache pas par terre". Diogène, qui avait envie de cracher, lui lança son crachat au visage en lui criant que c'était le seul endroit sale qu'il eut trouvé où il put le faire" DIOGENE LAERCE VIE,DOCTRINE, ET SENTENCE DES PHILOSOPHES ILLUSTRES

21 octobre 2004

J'ai la réponse - de Steve, super rapide, merci Steve - mais pas encore la solution. Les accents n'ont pas disparu de mes archives. Ils sont toujours là mais mal encodés. Bon... J'ai la réponse, dis-je, mais pas encore la solution : quand je change d'encodage, toutes les archives d'avant octobre 2003 deviennent lisibles mais c'est tout ce qui est récent qui est illisible...Je réinstalle tout comme avant. Mais mes archives sont toute chavirées...Y'a quelque chose qui cloche la dedans, j'y retourne immédiatement.

20 octobre 2004

Je viens de m'apercevoir avec horreur que Blogger a renouvelé son bug de l'année dernière : toutes les archives de CISCOBLOG dantant d'avant octobre 2003 ont perdu leurs accents graves, aigus, circonflèxes. Ils ont été remplacés par de petits carrés rendant les textes quasiment illisibles. Je vais e-mailer tout de suite à Blogger un message d'indignation et une demande de dé-bug qui avait marché la dernière fois. Je vous tiendrai au courant. Don't panic, CISCOBLOG a plus d'une ressource dans son sac !

17 octobre 2004

Un petit lien très utile découvert ce soir. Quand je dis petit... Il semblerait que ce soit une coproduction Google - Amazon ! Tapez Marilyn + Monroe, rien que pour voir. Je sens que vous ne pourrez bientôt plus vous en passer (pour moi, c'est déjà fait)

14 octobre 2004

Pensée de la nuit N°73 : "Non, non ce n'est pas de me "détacher d'une image de moi" qui m'est "demandé". C'est de passer de moi - image de moi, peut être, mais tellement plus - de moi en cet instant, en train de vous écrire, assise là, regardant le soleil d'automne sur les peupliers devant ma fenêtre quand je lève la tête, pensant déjà à la phrase suivante, et, marginalement, à ce que vient d'être la journée, moi sans cesse en projet et en souvenirs, passer de moi au noir absolu. Il s'agit bien d'une image ! Il s'agit de cet "étroit passage" et rien d'autre.Être morte, soit, je veux bien, mais mourir..." Colette audry, Rien au-delà
Rodolphe 1Après la guerre, Mongrandpère, revenu de l'Exode, trouva sa maison vidée et pillée. Fataliste et sans rancune, il fit, dans le même village, l'acquisition d'une grande maison de deux étages avec une cour nue et caillouteuse, territoire insécure d'une basse-cour toujours sur le qui vive. Il y avait une pompe en fonte cannelée sur l'unique bras de laquelle nous pesions de tout notre poids pour faire couler, dans une auge qui ne servait plus depuis longtemps, un filet d'eau glacée et claire. Tout autour, de nombreuses dépendances, granges, ateliers divers. Au fond, un appentis, salle aux trésors obscure, à l'odeur de champignons, où nous ne pénétrions que sous la tutelle de Mongrandpère, où rouillaient les boites en fer blanc emplies des choses qu'on ne jette jamais à la campagne, clous, vis rouillées, boulon grippés, vieux joints de caoutchouc cuits, et où les planches et découpes d'agglo empilées contre les murs noirs pourrissaient en silence. J'ai le souvenir de l'éclat de la lumière à travers les carreaux d'une porte vitrée qui donnait directement sur un gros ruisseau et des herbes folles. C'était comme la porte des étoiles : on franchissait le seuil et son retrouvait en pleine nature. Le chant guilleret du ruisseau, la fraîcheur, le verger, les cerises et les mirabelles, contrastant avec le décor austère et désertique de la cour, nous impressionnaient. Mongrandpère n'était pas ce qu'on appelle un vrai pêcheur, mais de temps en temps, il jetait dans le ruisseau une bouteille de lait vide retenue par une ficelle nouée au goulot. Il la retirait quelque temps après, grouillant d'un banc scintillant de petits poissons qui étaient entrés et n'avaient pas su retrouver la sortie, disait-il. Ce que nous faisions des poissons, je ne m'en souviens plus, certainement pas une friture. Mais les poulets de la cour finissaient bel et bien à la cocotte, ce expliquait leur air toujours inquiet. Nous ne mangions pas du poulet un jour particulier, pas forcément le dimanche, ni le samedi. Nous mangions les poulets quand les poussins avaient assez grandi. Quand le temps était venu, Mongrandpère se mettait alors à se promener, mine de rien, les mains derrière le dos, au milieu de la basse cour. Les poules se poussaient, avec ce gloussement réprobateur qui leur donnerait presque un air intelligent. Mongrandpère se baissait soudain. Les poules s’écartaient tout ensemble comme une vague, dans un grand et bref froissement. Quand il se relevait, il tenait un volatile à peine étonné entre ses mains. Mongrandpère prenait le couteau de cuisine posé sur un bord de l’auge et lui coupait la tête, d’un coup sec avant qu’il ait compris quoi que ce soit.Rodolphe 1 Le geste n’était pas si facile. Il arrivait que le poulet, la tête déjà tranchée, tombe en se débattant sur le sol sur ses pattes, comprenant alors trop tard, comme à retardement, qu’il allait mourir mais en étant déjà mort, et se mette à courir tout droit, laissant là sa tête, mais sans succès durable. Sur l’instant, nous riions, mais n’en parlions plus jamais après. La cour était ce qu’on appelle aujourd’hui un véritable parc à thème Ainsi, une autre grange était bondée de sacs de grains, sentait bon et donnait envie d’éternuer. Il y avait là aussi de majestueux tas de blé attendant d’être ensaché dans lesquels nous nous vautrions comme le font les enfants dans les piscines à bulles modernes, et une énorme machine aux rouages compliqués, l’ensacheuse, qui fonctionnait de temps en temps en faisant trembler tout le bâtiment. Nous y pénétrions, en secret bien sûr, dans le noir, en suivant les maigres rayons blancs du soleil filtrés par les planches disjointes. A combien de noyades et de suffocations avons-nous sans le savoir alors échappé ? L’activité du village n’était pas principalement agricole. C’était un village ouvrier. Il y avait surtout les mines de potasse d’Alsace. Les puits Rodolphe 1 et Rodolphe 2. Beaucoup de maisons du village étaient des maisons ouvrières avec petits jardins ouvriers et nains en céramique ouvrieux venus de l’Allemagne toute proche où ils étaient encore plus populaires. Souvent, Mongrandpère nous emmenait promener vers les puits au moment des changements de poste et nous regardions les grandes roues des molettes tourner dans le paysage immobile. Des wagons-trémies attendaient placidement la « recette » du jour et les motrices qui les emmèneraient à Mulhouse ou encore plus loin. Puis nous revenions par la gare où passait aussi la micheline jaune et rouge avec ses bruits de clochettes. Nous essayions d’apercevoir les deux petits cochons Gaston et Joséphine, héros du livre d’images que nous parcourions le soir avant d’éteindre, qui partaient pour Paris, penchés à la fenêtre agiter leurs mouchoirs pour nous faire au revoir. Mongrandpère avait la vue perçante : il ne les ratait jamais et leur rendait leur salut en agitant la main. Nous, hélas, nous étions trop petits mais avions la foi du charbonnier. Nous n’avons jamais désespéré.

10 octobre 2004

26 (titre provisoire), XIII, suite


On appellerait ça une équipe de choc. On pourrait dire que Lucien Bonnafé avait eu de la chance, et en même temps non. Une douzaine de jeunes infirmiers, sans compter les médecins et les psychologues, tous moins de trente ans, enthousiastes, motivés comme des meurt-de-faim, atypiques voire déclassés, ils ne descendaient pas des lignées familiales des gardiens d’asiles d’alors, avec une grande expérience de la souffrance pour l’avoir pour la plupart vécu dans leurs âmes et dans leurs chairs, autonomes, révoltés juste comme il l’avait rêvé, formaient sa phalange, sa garde rapprochée turbulente, son vol, sa horde sauvage et pure. Il y avait Cathy Tassoni, Cathy - elle s’était mariée avec Florent, entre temps), Cathy Charles (on les appelaient les « deux Cathy », quand on parlait d’elles on disait Cathy « T. » ou Cathy « C. »), la jolie boiteuse, comme dans les romans d’Alexandre Dumas,Véra Précourt, antillaise joyeuse, confiante, patiente et timide mais pas avec les patients. Félix Durand avait des cheveux longs et raides qui lui encadraient le visage comme des oreilles de Cocker, l’humour de Clown triste et froid. Il apportait la presse (de gauche) tous les matins, c’étaient les « années Libé » mais Bonnafé préférait « le Monde », l’après midi, qu’il « achetait d’occasion », moitié prix, un frac, à la fin des consultations à l’interne qui l’avait amené pour sa permanence et qui l’avait déjà lu, pas l’ «Humanité » , pourtant organe central du parti qu’il n’a jamais quitté, qu’on ne voyait traîner sur aucune table aux « Mozards». Félix était encore à la Ligue, à cette époque. Bonnafé n’aimait pas les gauchistes, il les tolérait pourtant comme une maladie infantile, disait-il, (de toutes façons les membres de son propres parti étaient bien trop conventionnels pour travailler avec lui), mais ils étaient beaucoup plus proches de lui, personnellement, qu’il croyait, il y avait quelque chose qui n’était pas du tout politique qui le liait à eux, qui se figuraient de leur côté avoir investi la place et infiltré le parti. Cette fausse alliance fut une sorte de jeu de dupes qui tourna mal quelques années plus tard, mais en ces temps bibliques cela n’avait pas d’importance. Cédric Furtaud était le grand ami et néanmoins camarade comme on dit de Félix. Bien qu’ils n’étaient pas membre de la même « orga » (Cédric était à « Révo » tendance puis dissidence maoïste de la LCR) et que l’un était à l’autre ce que le feu est à l’eau, ils avaient sillonné ensemble la France psychiatrique durant l’été 1975 pour diffuser la bonne parole de l’AERLIP, premier « syndicat » libertaire infirmier fondé un ou deux ans plus tôt au congrès de psychiatrie d’Auxerre, dans la fièvre post soixanthuitarde et dont Félix avait été le président à vingt ans. Cédric était un grand blond délié, faune totalement insoumis, surdoué et exagéré en tout Toujours au premier rang, rhéteur infatigable et intraitable, il était comme une figure de proue que le vaisseau amiral lui-même avait du mal à suivre. Il était à la fois rebelle et créatif. Sûr de sa force et de sa sève, il bousculait tout sur son passage. Rien ne semblait lui résister. il faisait même un peu peur à Bonnafé lui-même qui ne l’avait pas choisi, mais il s’était imposé, annonçant unilatéralement un beau jour qu’il faisait partie du service. Interloqué et séduit, Bonnafé n’avait dit mot, et avait consenti à le prendre dans sa troupe. Il se disait basiste mais c’était évidemment un franc tireur qui avait des rêves de chefs révolutionnaires. Sa rencontre avec Cathy sera une d’explosion inéluctable.

08 octobre 2004

J'ouvre ce soir, à titre expérimental, une nouvelle rubrique dans la colonne de droite. Elle s'intitule "JE LIS", comme vous pouvez voir. Cliquez ad libitum. La découverte du logiciel "Omnipage" et mon émerveillement devant ses possibilités m'a donné envie de faire partager certains "petits bouts" de ces livres, ce qui est réalisable sans trop d'efforts. Il y aura aussi parfois des commentaires persos. Mais pas tout le temps. Cette rubrique devrait être mise à jour et archivée une fois par mois, à peu près. Encore un pas de plus vers le "Life caching" comme dirait notre ami Google, mais don't panic.
"Si quelqu'un vous dit 34% de mes foobars sont bleutés, on peut en déduire qu'il possède au moins 29 foobars" nous dit David Madore. Il n'y a pas à dire, ils sont forts, ces matheux (et limpides avec ça, ce qui ne gâte vraiment rien)

06 octobre 2004

impressions fugitives



J'ai retrouvé, en suivant un itinéraire dont je ne me souviens plus, ce site que je croyais avoir perdu (sites perdus, sites retrouvés, sites perdus de vue, sites séparés et sites réchauffés : le web, c'est comme le tourbillon de la vie...) et qui est un des photologs les plus beaux que je connaisse.

03 octobre 2004

Aujourd'hui, installé à la table de la cuisine, j'ai mangé des noix fraîches. Manger des noix fraîches, c'est faire un tour dans la vraie vie. Combien de fois mangerai-je encore des noix fraîches ?
Je me souviens


de ma rencontre avec Felfline Féerique. J'ai rencontré Felfine Féerique. Voici comment. Je ne peux pas dire que c'était vraiment mon actrice préférée, mais presque. C'était sans aucun doute l'actrice préférée de beaucoup de mes copains ou plutôt copines théâtreuses d'alors (mes copains théâtreux aimaient beaucoup Felfine en général mais je crois me souvenir qu'ils lui préféraient tout de même Carole Laure ou Bulle Augier, Monica Vitti, Anna Karina, voire Anne Alvaro) mais aux temps dont je parle c'était une sacrée vedette, tout ce qu'il y avait de politiquement correct mais on ne disait pas comme ça à l'époque, une vraie militante féministe, et aux temps dont je parle ce n'était pas de la gnognote, vraiment, elle était l'héroïne de l' "Année dernière à Marienbad", c'est elle qui faisait chavirer Antoine Doisnel dans une scène épatante de "Baisers volés", c’est elle qui tenait aux côtés de Mikaël Lonsdale le premier rôle d'"India Song" et surtout de "Son nom de Venise dans Calcutta désert" (qui se souvient de ce chef d'oeuvre inoubliable et pourtant oublié de Marguerite Duras..? Pas sûr que ce soit regardable de nos jours. Plus sérieusement je me souviens de "Jeanne Dielman 45 quai du commerce" de Chantal Ackerman où elle est proprement époustouflante) Bref, Felfine n'était pas Brigitte Bardot, ni Catherine Deneuve, encore moins Sharon Stone ou Raquel Welsh qui étaient plus mon type physique mais il ne fallait pas le dire, et plus mondialement connues qu’elle, du temps dont je parle, mais bon, elle avait cette voix inimitable et ce sourire vraiment extraordinaire qui avait fait fondre Jean Pierre Léaud et les spectateurs enthousiastes de « Baisers volés ». Je ne connais aucun homme qui à l’époque n’avait pas rêvé de se trouver à la place de Léaud. Felfine était l’apparition faite femme. Si on pensait à une apparition, on pensait obligatoirement à Felfine. Nous rêvions tous d’entrer dans un magasin de chaussures, de nous asseoir en attendant un vendeuse, et de voir apparaître Felfine son sourire d’ange aux lèvres dans son tailleur Chanel. Il se trouve qu’aux temps dont je parle nous avions de très bons copains qui habitaient place des Vosges. Eh oui, dans les années soixante dix, des révolutionnaires, des vrais, qui habitaient place des Vosges. Comme je dis. La place des Vosges est une place à coins carrés si vous ne savez pas. C’était au premier étage dans le coin opposé à celui de la maison de Victor Hugo. Du temps dont je parle il était fréquent de vivre en « communauté ». Nous avions donc deux copains, B. et D. (qu’ils soient ici salués s’ils tombent sur ces lignes, ils se reconnaîtrons) qui, outre leurs professions d’apprenti journaliste et d’apprenti médecin, étaient membres d’un fameux parti révolutionnaire. Aux temps dont je parle, on disait la « Ligue », en faisant légèrement traîner le « i ». Ces deux copains avaient d’autres copains et, à eux tous, pratiquement une quinzaine, plus les petits amis fixes ou épisodiques, il avaient réussi à louer cet improbable appartement de vingt pièces du dix-septième siècle sur la plus belle place de Paris. Ils ne faisaient pas tous partie de la « Liigue » mais tous affichaient des idées d’extrême gauche voire, pour certains, ultragauchistes. Par exemple, parmi beaucoup d’autres inconnus promis trente ans plus tard aux reines du pouvoir ou à faire l’opinion, il n’habitait pas là, il venait comme nous, invité par je ne sais plus quel membre de la communauté devenu de nos jours éditeur au Seuil ou rédacteur en chefs d’un grand journal parisien du soir ou chef de cabinets ministériels, je ne citerai pas leurs noms ni même leurs prénoms même abrégés de peur qu’eux aussi tombent ici par hasard et qu’ils me demandent des comptes après toutes ces années (ça m’est déjà arrivé (non…si !)), il était souvent accoudé au manteau de la cheminée où ne brûlait aucune bûche, les cheveux longs gras et sales, un verre de rouge à la main, sans jeu de mot, et tentait de se faire entendre des dîneurs de quelques pâtes (oui mes des Panzanis) qui lui lançaient de temps à autres, des « arrête un peu de déconner, laisse nous manger tranquille, Jean Hedern », c’était un peu avant qu’il fonde l’ « Idiot International », nous le trouvions risible et prétentieux, tout le monde se moquait de lui. Ainsi va le monde. Par exemple. Ces appartements parisiens du dix-septième siècle, pour immenses et donc propices aux communautés qu’ils aient été n’étaient pas si bien foutus que ça. Ainsi, pratiquement toutes les pièces étaient en enfilade et il n’y avait qu’une seule salle de bain et une toute petite cuisine. Pour vivre à vingt cinq plus les copains et les chats. Bien qu’aux temps dont je parle, c’était beaucoup moins important qu’aujourd’hui, il était assez difficile de préserver une quelconque intimité puisqu’on était sans arrêt dérangé, à toute heure du jour et de la nuit, par des gens qui passaient de chambre en chambre pour rentrer chez eux ou voir leurs copains et qui disaient « pardon, pardon » mais pour la forme seulement en chuchotant entre eux « tiens, ils sont à la liigue, eux aussi. » Il y avait par exemple deux petits malins qui avaient tenté de résoudre la question par un lit à baldaquins aux tentures grises toujours fermées et aucun autre meuble dans leur chambre, mais ils étaient passablement mal vus. Les plus chanceux habitaient à l’autre bout de l’appart. Ils dérangeaient tout le monde, mais on les dérangeait moins. Il y avait des fêtes et des « nuits blanches» mais on ne disait pas encore comme ça, aux temps dont je parle. Nous nous installions fraternellement à la grande table commune, mais le plus souvent nous allions dîner chez B. et D. dans leur chambre. Après avoir fraternellement fait la queue à la cuisine. Pour entrer dans l’immeuble il fallait pousser le battant d’une lourde porte cochère qui donnait sur la place (pas de code, aux temps où je parle, incroyable mais vrai), traverser une belle cour pavée, dix-septième elle aussi, et prendre l’escalier de droite. Le fond de la cour était occupé par un splendide hôtel particulier, avec de grands arbres derrière un mur et une autre porte cochère plus petite. Cet immeuble abritait, figurez vous, et c’est la que je reviens à mon sujet, Felfine, qui vivait alors avec Samy Frey mais nous lui pardonnions, car nous aimions beaucoup Samy Frey aussi. Bien entendu, tous les « communautaires » s’entendaient très bien avec le couple de vedettes qui, grosso plutôt que modo partageaient leurs idées, pas tout à fait sur le même pied, bon. Ils allaient par exemple sortir les poubelles ensemble. Pas tous les jours, mais souvent. Ah, comme j’aurais aimé sortir mes poubelles en compagnie de Felfine. « Alors, comme ça, » disais-je, rêveur et éperdu de jalousie à B., « tu vas sortir les poubelles et tu rencontres Felfine ! » « Eh, oui, mais seulement quand c’est mon tour » me répondait-il en se recarrant avec satisfaction sur son coussin indien. J’avais donc formé le rêve de rencontrer un jour Felfine dans la cour pavée, alors qu’elle émergeait de chez elle ou sortait les poubelles mais ça je n’y croyais pas trop. Je me plaisais à imaginer qu’elle me tenait la porte cochère en robe du soir et s’effaçait avec son inoubliable sourire pour me laisser passer. Cela n’allait jamais tellement plus loin. Parfois j’imaginais deux ou trois mots, convenus, ou alors une scène à la « Baisers volés » toute en retenue. Mais surtout j’imaginais de lui rendre son sourire dans une rencontre unique éphémère et absolument sans lendemain. Un bref et réel échange, pur, comme dans le film de Truffaut.C’était un beau rêve, bien que réalisable. Une belle histoire à raconter, si elle arrivait. Mais les beaux rêves sont faits pour ne jamais arriver. Je finis par l’oublier et surtout penser que si cela arrivait je n’aurais droit à strictement aucun sourire, juste des yeux baissés et un « bonsoir » machinal et décourageant. J’avais donc enfoui le rêve on fond de moi et il ne me taraudait pas du tout. Il me revenait, devant ma télé ou au cinéma,quand on y voyait Felfine, mais plus jamais en poussant la porte cochère de la place des Vosges. Un soir donc, venu dîner avec C. chez B. et D. je la pousse, la porte cochère, pour entrer. Elle résiste moins que d’habitude puisque quelqu’un qui sort la tire et s’efface pour me laisser passer. C’est une femme blonde très chic qui me tient la porte avec un grand sourire, sur lequel glisse mon regard. Après quelques pas dans la cour, C. me dit simplement « C’était Felfine ». Je me rends compte alors que, distrait comme je le suis souvent je ne l’avais pas reconnue. Pourtant c’était exactement comme dans mon rêve réalisable. Elle avait tenu la porte avec son grand sourire radieux rien que pour moi. Rien que pour moi, dis-je, j’ai un témoin : C. Et moi je l’ai regardé sans le voir, ce sourire, et je l’ai détaillée distraitement, cette femme faite pour apparaître, moi qui en rêvait. Je me donnais un coup de poing dans la paume et me tapait le front de cette même paume en me retournant sur la porte qui n’avait pas tout à fait fini de se refermer derrière nous. Felfine avait évidemment disparu. Trop tard pour lui rendre son sourire. Impossible de courir derrière elle pour lui sourire bêtement sur le trottoir. J’avais raté l’échange très possible auquel j’avais rêvé. Elle, Felfine, fidèle en tout à son personnage et à sa personne, avait joué le jeu de l’apparition, elle avait fait ce qu'elle avait du, elle et son sourire, elle était vraiment apparue devant moi et moi je ne l'avais à peine regardée. Si j'avais pu lui rendre son sourire, j'aurais pu me dire : "j'ai rencontré Felfine Féerique et elle m'a souri" mais je ne peux pas le dire. Pour une apparition c'était une apparition ratée, par ma seule faute. Aux temps dont je parle, je m’en voulus toute ma vie. Mais sans plus. Je n'eu aucune autre occasion de rencontrer à nouveau Felfine en poussant la porte cochère : La "communauté" fut dissoute, B partit à l'armée. Ils habitèrent toujours avec D. au onzième étage dans une tour du treizième du côté de l'avenue de Choisy où aucune femme blonde en robe du soir ne me tint jamais la porte pour entrer.


02 octobre 2004

R5,



Une nuit passée dedans sans dormir du côté de Lisieux avec C. au cours d’un week-end en Normandie aux hôtels bondés dans les années soixante dix. Souvenir nauséeux de la matinée du lendemain dimanche à se traîner au radar sans but dans les rues étranges et désertées de Benerville sur mer. Garée au bout de la route sur les falaises de la Vache Noire avec le précipice en dessous. Pour la première fois, la peur d’avoir envie de se jeter dans le vide. Un autre jour, coincée sous un ciel d’encre oppressant sur la falaise d’Amont et la petite chapelle qui surplombent la ville d’Etretat. Les vendeurs de cigarettes de contrebandes sur les aires d’autoroute italiennes qui ne vous laissaient pas aller pisser tranquilles. La route qui monte de Fiesole à Florence bordées de cyprès centenaires et des riches villas des films de Comencini, le camping en pente avec la tente plantée juste à côté, pas un poil d’ombre mais la beauté plein les yeux. Escaladant de Vieste à Peschici les petites routes du Gargano au crépuscule après la traversée brûlante de Foggia à midi. Faisant la vidange dans un tout petit garage de la banlieue de Naples où les gosses de dix ans prenait C. pour une américaine à cause de ses cheveux blonds. Arrivés au camping à la nuit et se réveillant cuits par le soleil sur la toile de la canadienne à huit heures en plein terrain vague au milieu de l’hostilité et de l’envie. Piqué le même jour par un scorpion dans le sac de couchage, le bras enflé. Dans les rues ocre de Pompéi presque déserte sous les rayons d’un soleil oblique juste avant la fermeture. Souvenir du souvenir d’une photo « qui ne rendait rien » de la côte amalfitaine. Le bleu inouï de la Grotta Azzurra et les barques pleines de touristes à la file indienne. Les collines d’Anacapri. Tombant en panne quelques jours après sous une pluie battante dans le Nord vers Pavie ou Plaisance et se souvenant de cette vidange à Naples qui n’avait probablement pas été faite. En 74, des virées chez les vignerons de la côte de nuits. Des Chambolle-Musigny des Volnay et des Pommard à presque tous les déjeuners au mess des officiers de Dijon. Un collègue aspirant, du cru, qui faisait de la magie et avait des faux airs de Thierry Le luron. Il emmenait ses anneaux magiques dans les caves de Chambertin et se taillait un franc succès auprès des propriétaires. Nous étions bons enfants : nous réformions, avec la bénédiction de notre médecin colonel, aussi bien leurs fils que les membres des comités de soldats qui n’en pouvaient plus. Deux caisses de Charmes 69 ramenées rue Jonquoy et bues dans l’année, souvenir impérissable et jamais renouvelé. Mais la plupart du temps le trajet Paris Dijon en train : billet de première au prix militaire et petit déjeuner dans le wagon restaurant de la compagnie des wagons lits avec les cafetières en argent, les nappes amidonnées et les serveurs en gants blancs, souvenir aussi irrémédiable que celui du Chambertin.


01 octobre 2004

Laisser tranquillement le site se télécharger et déguster... (via Meslubies)