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28 août 2003

Les aventures de Lyse Ananas, quatri�me �pisode

Pavillon Bretagne, H�pital de B�cheville, Les Mureaux, avril 1973. Je me souviens de Laurence, Sylvie, Larbi, Pierre, Jean-Jacques, Ginette et Madame D. Je me souviens combien je me suis senti impuissant et d�sempar� face � leur folie. Combien de nuits blanches j'ai pass� � tenter de calmer l'un ou l'autre, � mettre de l'ordre dans un pavillon emport� dans la temp�te, � lutter contre une �quipe qui avait baiss� les bras depuis longtemps et plaisantait de mon acharnement juv�nile, et un m�decin chef r�fugi� la plupart du temps dans son logement de fonction, une infirmi�re dans son lit, ou bien � cultiver la Marijuana dans son jardin. Combien de nuits blanches j'ai essay�, au milieu de mon angoisse et de ma solitude, de me persuader que, non, je n'�tais pas si nul que �a, et qu'on pouvait r�unir d'autres conditions de soins que ce foutu bordel qu'on appelait encore un service de psychiatrie. Laurence avait une sp�cialit� : elle se suicidait � l'Aspirine. En dehors de �a, c'�tait une ado � peine plus difficile qu'une autre. Elle �tait hospitalis�e depuis au moins un an et faisait tourner tout le monde en bourrique. Je me souviens, cette ann�e-l�, avoir arpent� de long et en large la for�t de Becheville � sa recherche. Elle avait annonc� son suicide pour la vingti�me fois, au moins. Le probl�me �tait qu'il pouvait se passer un temps �minemment variable entre l'annonce et le passage � l'acte. Une solution aurait �t� de l'enfermer, ce qui avait d'ailleurs �t� tent�, mais quand on l' eut laiss� sortir, elle avait pris ses comprim�s pour lesquels elle avait une multitude de cachettes. Le plus souvent elle venait dire aux infirmi�res qu'elle avait ingurgit� les foutus comprim�s, avait droit aux urgences de l'h�pital g�n�ral et au lavage de l'estomac avant qu'elle puisse tomber dans le coma et cela repartait pour un tour. Mais aussi, et c'�tait beaucoup plus angoissant, elle disparaissait en l'ayant annonc� ou pas, et c'�tait le signe qu'il fallait la retrouver de toute urgence. La veille au soir, elle avait laiss� un mot sur son lit pas d�fait, � c�t� de trois tubes d'Aspirine vides : "je suis partie dans la for�t". Et nous �tions dans la for�t, un peu apr�s l'aube, � la chercher, avec les oiseaux qui chantaient � tue-t�te et le soleil printanier qui jouait dans les feuilles. On nous aurait pris pour des chercheurs de champignons. Il y en avait d'ailleurs une quantit� incroyable de champignons, vu que les promeneurs �taient tr�s rares dans la for�t de Becheville, � cause de la proximit� des fous. On l'a assez vite retrouv�e au pied d'un arbre, dans le coma. Cette fois l�, nous avons tous cru qu'elle avait gagn� son pari pervers, mais non, elle s'en tira comme les autres fois apr�s quinze jours de r�animation. Les champignons, c'�tait Sylvie M qui allait les manger tout crus dans la for�t, quand elle avait d�cid� d'en finir parce qu'on �tait trop m�chant avec elle. Elle avait � peine dix-sept ans, �tait haute comme trois pommes. Elle hurlait toute la journ�e, la bave aux l�vres, avec plus de voix du tout � la fin, passait des semaines sans dormir. Son m�decin, un des inf�mes dont j'ai parl� plus haut, et qui passait son temps � pratiquer (pas toujours sans succ�s) le harc�lement sexuel des jeunes infirmi�res, la bourrait de doses hallucinantes de neuroleptiques, sans aucun r�sultat. Il envisageait les �lectrochocs, mais comme nous n'avions pas de machine cela resta un v�u pieux, si je puis dire, et Sylvie M. continua son acc�s maniaque sans fin encore bien apr�s que j'eus r�ussi � quitter le service. Une nuit, au cours de ses d�ambulations, elle entra chez Chalou, qui ne fermait jamais sa porte, monta jusqu'� sa chambre et le surpris au lit avec la surveillante, information qu'elle s'empressa de divulguer le plus bruyamment possible � travers tous les pavillons d�s le lendemain. Le pire �tait que Chalou, dans sa relation singuli�re avec les patients, Sylvie M. comprise, se montrait d'une finesse, d'une attention et d'une humanit� sans �gale. J'ai presque honte � le dire, j'ai �norm�ment appris en assistant � ses entretiens et en le voyant faire avec les patients. Mais seulement, d�s qu'il avait � faire � l'institution, tout tournait mal : on aurait pu dire qu'il �tait "trop" gentil et que les "m�chants" de tous bords abusaient de lui, mais c'�tait beaucoup plus subtil, il y avait chez lui un c�t� d�sesp�r� et d�sabus� qui incitait les autres � le m�priser ou se jouer de sa confiance. Chalou �tait un h�ros tragique et les patients faisaient les frais de cette trag�die-l�. Ce sont des types comme Chalou, qui vous font longtemps h�siter � admettre la perversit� des hommes et finalement vous vous y r�signez. Je parlerai encore de Pierre qui a bien failli m'�trangler pour de bon, un jour o� il �tait rentr� pourtant pas plus ivre qu'un autre soir, de Larbi qui dealait le shit et ravitaillait tout le monde en alcool, y compris certains infirmiers, et sodomisait les vieilles d�mentes, dont Ginette, qui �puisait tout le monde par sa turbulence incessante, son refus de rester habill�e et l'exhibition de son anatomie d�labr�e, de Jean-Jacques qui en voulait � la terre enti�re de son enfance malheureuse et qui pensait que c'�tait � la psychiatrie de r�parer sa vie foutue en l'air, il �tait d'une exigence pas croyable et se faisait sadiser par les plus subtils, il s'�tait construit une cabane dans la for�t pour les fois o� on le virait et il venait se ravitailler la nuit dans la r�serve du service, et de Madame D. vieille m�lancolique �dent�e au regard mort qui se suicidait en essayant de se noyer dans la cuvette des cabinets, par exemple, qui n'y arrivait pas tout � fait mais presque et dont le rictus affreux me donne encore des cauchemars apr�s tout ce temps.
Pens�e de la nuit N�37 : "Pens�e de la nuit �crite le jour. Peut-on pour autant appeler cela une pens�e du jour ? Grave question, non ?..Euh, bah voil�." Francis Grossmann, Ciscoblog du 28 ao�t 2003
Pens�e de la nuit N� 36 : "Pierre Bonnard �tait obs�d� par l'id�e d'ach�vement. Il croyait qu'il �tait toujours possible d'am�ilorer une oeuvre, que chaque minute de travail suppl�mentaire prut offir � un tableau consid�r� comme termin� une chance nouvelle d'approcher la perfection. Aussi se laissait-il enfermer dans les mus�es o� ses toiles �taient enferm�es. Il demeurait � l'affut jusqu'� ce que le dernier gardien se soirt d�finitivement �loign� et sortait alors son atiirail de peinture, palette mioniature et pinceaux, pour ajouter ici ou l�, un e toucheclaire, retracer une courbe, modofier presqu'imperceptiblement la lumi�re... Une nuit, il alla m�me jusqu'� supprimer un personnage et nul ne s'en �mut." Antoine Billot, le Desarroi de l'Eleve Wittgenstein.

24 août 2003

Les aventures de Lyse Ananas, troisi�me �pisode.


Je commen�ai une analyse en 1973 ou 1974. Finalement, je pense que ce fut en 1974, pas en 1973. Je le sais parce que cela se concr�tisa le jour o� je r�ussis l'internat des h�pitaux psychiatriques, et ce fut en 1974. Cette date je m�en souviens, promotion 74. Mes nouvelles fonctions m'assuraient un revenu suffisant pour assumer la lourde charge financi�re qu'une analyse repr�sentait � l'�poque. Mais j'avais commenc� le processus c'est-�-dire la recherche de l'analyste, les entretiens pr�liminaires, bien avant, d�s la fin de l'ann�e 73, pendant mon stage en chirurgie, � L�opold Bellan. ? la rentr�e de L'an�e universitaire 73-74 je m'inscrivis donc en sp�cialit� de psychiatrie � la Salpetri�re et cherchai un poste de faisant fonction d'interne en psychiatrie. Lors de mon passage � Moisselles, j'avais rencontr� un m�decin chef d�une quarantaine d'ann�es, tout � fait soixante-huitard avec de grosses lunettes rondes de plastique et des cheveux longs cr�pus qui lui faisaient une t�te � l'afro, Pierrot lunaire un peu perdu dans la vie. C'�tait un grand ami de Roger Gentis, qui � l'�poque fr�quentait beaucoup la communaut� Moissellienne � cause de sa copine qui travaillait l�. Il s'�tait m�l� � la vie tr�pidante, accueillante et communautaire de cet asile en pleine transformation. Il s'appelait Chalou et s'�tait vite fait adopter par toute la bande. Il avait dragu� plut�t sans succ�s les copines et on le tenait pour un grand gentil farfelu. C'�tait un homme tout � fait original, d'une intelligence aigu�, quoiqu'un peu fou, ce qui se portait plut�t bien � l'�poque.. Par exemple, il �tait hom�opathe et faisait des recherches sur l'effet des tr�s faibles dilutions sur les sympt�mes de la psychose, ce qui, de toute fa�on, ne faisait pas de mal. ll avait �t� nomm�, un ou deux ans auparavant dans un des derniers h�pitaux psychiatriques village construits en Ile-de-France, aux Mureaux, dans la for�t de Becheville. Il avait besoin d'internes et fut ravi, au nom de note pass� commun r�cent, de m'embaucher dans son service. Mon ann�e de "faisant fonction" aux Mureaux me fit le plus grand bien : moi qui n'avais connu que le cocon de la psychoth�rapie institutionnelle en cr�ation, je fus confront� � la "vraie" psychiatrie, la plus courante, la plus tristement banale, la plus mal fichue. Cela me fit toucher du doigt combien les exp�riences comme celle de Moisselles �taient rares et pr�cieuses. ? Moisselles, par chance, j'�tais tomb� du premier coup sur ce qui correspondait � mon id�al, � Becheville j'appris ce que cette chance avait eu d'unique. Je passai une ann�e d'enfer � gal�rer dans un service � la d�rive comme un vaisseau sans capitaine, avec des cr�tins pr�tentieux pour coll�gues, qui n'attendaient que la fin de leur sp�cialit� pour prendre des parts dans des cliniques priv�es et se fichaient totalement des patients et des infirmiers. Plus anciens que moi, ils me prenaient de haut et, surtout, m�prisaient profond�ment Chalou, qui, il faut bien le dire, ne faisait rien pour arranger les choses et diriger son service comme il aurait d�. Entour� d'imb�ciles sexistes et d'infirmiers asilaires, perdu sur les nuages de son �sot�risme et d'un humanisme un peu cucul, il laissait son service � la merci du ca�dat, de la perversit� des patients les plus utilisateurs et de celle des infirmiers les plus sadiques. Il le laissait d�river vers la violence et l'arbitraire sous pr�texte d'un lib�ralisme qui confinait pour le coup � un manque d'autorit� quasi-criminel. Bien que B�cheville ressembl�t � un petit village au milieu d'une grande for�t, arch�type du lieu r�parateur et protecteur, nous nagions en plein univers concentrationnaire. Ce contraste, entre une nature v�ritablement accueillante et une pratique qui l'�tait si peu, un m�decin chef si humain en apparence et une �quipe si perverse en r�alit� ne faisait qu'ajouter au malaise qui me saisit rapidement et me fit regretter presque d'avoir choisi cette sp�cialit�.
Ne vous �tes vous jamais promen� sur une plage le nez par terre, � la recherche de bouts de verres verts (ou bleus, ou rouges) polis par la mer et qui ressemblaient � des perles rares, ou bien � celle de coquillages particuli�rement dignes de constituer les �l�ments d'un magnifique collier tahitien (je me souviens, des "grains de caf�" qu'on cherchait, un peu moins rares que les tr�fles � quatre feuilles dans les pr�s d'Heurtebise, sur la plage de Port Donant � belle-�le) ? Si bien s�r. Il y a des livres que je lis de cette mani�re, agr�ables comme une promenade sur une jolie plage, ils offrent parfois des merveilles pas si inattendues si on y fait bien attention. Je parle surtout des romans policiers, livres de plage par excellence. Ils rec�lent eux aussi leurs perles rares et leurs coquillages aux formes parfaites. Les auteurs de romans policiers adorent inventer des m�taphores : je viens d'en lire une qui me pla�t beaucoup dans un pav� de Clancy ("Rainbow six") :" le spectacle �tait aussi passionnant qu'une comp�tition de s�chage de peinture". Cela me donne donc l'd�e d'une nouvelle rubrique quio s'intitulera "Mes Taphores", tout simplement. Bonsoir, non. A cette heure : bon app�tit !
Il ya peu de temps encore BLOGGER, par lequel vous parviennent irr�gili�rement et intermeitemment ces pages, �tait une usine � gaz d'utilisation pour le mois malais�e. Voici que, depuis quelques semaines (ce qui n'est tr�s certainement pas �tranger au rachat dudit BLOGFGER par le gentil monstre mais monstre tout de m�me, GOOGLE), la pr�sentation du logiciel s'est consir�rablement �claircie, avec beaucoup de couleur grise tr�s smart, de grand espaces des boutons surdimensionn�s pour que m�me les plus mirauds puissent cliquer dessus, beaucoup moins de bugs, etc. Bref, une vraie merveille. Vous envoyer ces quelques lignes �tait d�j� un plaisir, voici que cela tourne au ravissement. Ce qui m'ennuie, c'est que les maladresses de l'ancienne version de BLOGGER, contre lesquelles je ne manquait jamais de pester, commencent � me manquer. BLOGGER avait un c�t� artisanal qui, une fois disparu laisse la place � la froideur de la nouvelle technologie. D�j�. D'ailleurs �a vous concerne assez peu puisque vous ne voyez aucune diff�rence. Voici donc o� je voulais en venir, au libell� de la nouvelle "Alternative" : entre un BLOGGER aetisanal qui bug(ue) tout le temps et un BLOGGER remast�ris� qui tourne comme le moteur d'une Ferrari je pr�f�re toujours le BLOGGER bu(gant)

21 août 2003

Les aventures de Lyse Ananas, deuxi�me �pisode

Donc, je commen�ai une analyse en 73 ou 74, puisque la d�fection de Florence avait redonn� le champ libre � ma vocation originaire. A l'�poque, et je constate avec une certaine incr�dulit� qu'il n'en est plus du tout de m�me aujourd'hui, tout futur psy qui se respectait se devait "d'entrer en analyse". C'�tait le compl�ment oblig� de toute formation s�rieuse. Ne pas suivre une analyse �tait hautement suspect de tendance asilaire. Ne pas s'allonger sur un divan aurait presque pu passer pour une faute professionnelle. Mais ce n'est pas seulement le conformisme qui me fit me jeter sur le divan. L'abandon de Florence avait ouvert (ou plut�t �largi) en moi une br�che par o� s'�coula un flot que je ne pus jamais arr�ter, m�me apr�s des ann�es d'analyse et qui continue m�me aujourd'hui de m'emporter. Je sus que l'analyse �tait pour moi une v�ritable n�cessit�, qu'il y allait de ma survie. Mais ce ne fut pas difficile : L'analyse �tait, dans ma relation aux autres, l'arbre qui me permettait de cacher la for�t de mon d�sarroi. Tout psy qui s'allonge fait d'une pierre deux coups : il se soigne et apprend � soigner. Je faisais alors comme les autres laissant simplement croire que le secondaire occupait la place du principal. Je surv�cus. Mais ce fut tout juste : quelques ann�es plus tard j'eus un terrible accident de la route dont je sortis miraculeusement sans une �gratignure. Moins d'un an apr�s je me faisais une grave fracture de la colonne vert�brale au ski qui aurait pu me laisser t�trapl�gique et dont l'absence totale de s�quelles tient, elle aussi du miracle. Je surv�cus, mais le sentiment d'avoir fr�l� la mort par deux fois fit d'elle un fant�me qui m'accompagne encore tous les jours et qui ne me l�chera jamais.

18 août 2003

Les aventures de Lyse Ananas, 1er Episode

J'ai commencé une analyse en 1973 ou 1974, au moment o? je me suis d?finitivement mis ? faire de la psychiatrie. Ce qui ne fut pas une d?cision facile ? prendre. Tr?s longtemps auparavant, quand j'?tais encore au lyc?e et que mon p?re me r?vait encore futur chirurgien ou pourfendeur de virus au CNRS, j'avais d?cid? tout banalement de devenir psychiatre apr?s une lecture r?v?latrice de "l'introduction ? la psychanalyse" de Freud et la prise de conscience d'un profond malaise interne qui suivit. Mais, pour mon p?re, il ?tait hors de question que son fils a?n? embrasse une autre carri?re que celle de Prix Nobel de m?decine potentiel (c'?tait d'ailleurs valable aussi pour son fils cadet, pour plus de s?ret?, comme l'histoire le montrera). L'image du "Grand docteur" et le respect plein de d?votion que mon p?re lui vouait fonctionnait pour ses enfants comme une injonction qu'il n'avait m?me pas besoin de formuler explicitement. J'ai bien essay? d'y r?sister, pas si mollement qu'on pourrait le croire, en passant par le th??tre (autre r?ve de mon p?re, soit dit en passant, j'y reviendrai) qui m'occupa des ann?es enti?res, et l'id?e, souffl?e par ma m?re, de l'enseignement du Fran?ais pour faire comme mes meilleurs amis de lyc?e, Alain F. et Fran?ois G. qui ?taient devenus kh?gneux et pr?paraient des concours prestigieux. Mais toutes les tentatives que je fis pour sortir de l'itin?raire paternel et programm? ?chou?rent et, si elles m'ont laiss? des regrets, ceux-ci ne furent jamais plus fort que le soulagement que me procura leur ?chec. Mon p?re nous avait toujours racont? que c'?tait la guerre qui avait g?ch? sa jeunesse et l'avait emp?ch? de r?aliser ses r?ves de promotion sociale. C'?tait une explication un peu rapide, mais qui justifiait les espoirs implicites qu'il pla?ait dans sa prog?niture. Notre t?che, notre but ?tait de r?aliser le r?ve bris? par l'Histoire : l?gende familiale suffisamment bien ficel?e pour nous avoir servi de sur-moi toutes ces ann?es d'adolescence et de passage ? l'?ge adulte. Pas question donc de nous d?rober ? ce destin hautement r?parateur, d'autant qu'en outre notre p?re ?tait (je dois dire : est toujours, sauf son respect) un v?ritable malade imaginaire. L'histoire fait penser ? celle de Moli?re, avec mon p?re dans le r?le d'Argante et ses deux fils en alternance dans celui de Diafoirus, r?le encore bien plus intenable puisque nous sommes deux fils et que, dans la pi?ce, il est seul et son futur gendre. Incapable de r?soudre la contradiction principale, comme disait le Pr?sident Mao, je m'?tais donc r?sign? ? me lancer bravement dans les ?tudes de m?decine afin d'inviter un jour mon p?re ? une belle s?ance de dissection. Mais survinrent les ?v?nements de Mai 68 qui ? la fois me sauv?rent et compliqu?rent tout. Gr?ce ? Marx, Freud, Marcuse, Barthes et Michel Foucault r?unis, la folie surgit au-devant d'une sc?ne qu'elle put occuper par la suite quinze petites mais glorieuses ann?es. La folie et donc la psychiatrie, ce qui n'est loin de l? pas la m?me chose, mais le romantisme de l'?poque refusa de faire la diff?rence. Les asiles de banlieue et les h?pitaux psychiatriques de la ceinture rouge devinrent de nouvelles terres vierges et le creuset de vies communautaires in?dites. Ce n'est pas que mon p?re change?t d'avis, car il ne suivait pas l'actualit? intellectuelle, et j'ai d?j? dit que son injonction n'?tait pas explicite, mais la force de celle-ci faiblit en moi-m?me sous les feux d'une nouveaut? qui rejoignaient mes anciens r?ves. Je fis donc toute l'ann?e 1971 un stage d'externat enthousiasmant ? Moisselles et m'inscrivis en psycho, ? Censier, le soir, parall?lement ? la m?decine (et au th??tre, les autres soirs) pour l'ann?e universitaire 71-72. J'y rejoignais ma vielle copine Agn?s S. et bon nombre de condisciples futurs m?decins (Jacques P., Dominique P.). J'y rencontrai Florence D., ?tudiante en psycho pure psychologue, qui devint ma petite amie. Florence ?tait ravissante, f?ministe et exigeante. J'en ?tais passionn?ment amoureux. Je l'emmenai dans ma troupe de th??tre et elle m'emmena chez son p?re, ?diteur chez qui, un soir, je rencontrai Noam Chomsky en personne. C'?tait aussi un ami de Fran?ois Furet, d'Hector de Gallard et Philippe Vianney. C'?tait un homme extr?mement s?duisant, tr?s intelligent, qui avait ?t? correspondant de guerre en Cor?e et au Vietnam, avait eu d'importantes fonctions ? l'Agence France-Presse, ?tait une v?ritable b?te de travail, avait ?crit plusieurs romans et donnait un ?norme fil ?dipien ? retordre ? ses deux filles, dont ma psychologue bien aim?e. Mais au fond, je ne savais plus de qui j'?tais tomb? amoureux de la fille ou du p?re. Peut-?tre bien du p?re, ? la v?rit?. La fille en tout cas, ? juste titre ou non, me le fit payer : Elle d?clara qu'il me fallait choisir entre elle et la psychiatrie, qu'il lui ?tait insupportable de partager sa vie et sa couche avec un futur patron potentiel ; je n'avais, si je voulais la garder, qu'? retourner ? la m?decine, voire ? la chirurgie que je n'aurais jamais d? quitter. Le plus extraordinaire est que j'obtemp?rai ? cette extravagante exigence, soit par amour, soit par romantisme, soit par soumission soit par les trois ? la fois. En m?me temps, et sans le savoir vraiment, Florence avait pass? une alliance avec l'injonction paternelle qui s??tait trouv?e toute surprise de ce renfort inattendu. Je d?cidai donc que je n'?tais plus s?r de ma vocation et tentai de me persuader ? nouveau que j'?tais fait pour les blocs op?ratoires et les salles d'urgence. J'ai oubli? les asiles accueillants, boss? comme un fou pendant un an l'internat de m?decine et l'ai rat? avec une note ?liminatoire en chirurgie.. Il avait fallu, et finalement Florence n'avait ?t?, en cette mati?re, qu'une sorte de r?v?lateur, que je me mette ? l'?preuve en passant et ratant l'internat de Paris, pour me convaincre d?finitivement que la direction de la psychiatrie ?tait bien la bonne ou tout du moins la seule possible. En m?me temps Florence me quittait pour son m?decin chef de l'?poque (Michel M, avec qui elle a une relation plus qu'orageuse, je peux le dire, il y a prescription apr?s toutes ces ann?es, mais je ne citerai pas son nom en entier, tout de m?me, et envers qui je garde une vieille rancune, il vient de prendre sa retraite) ce qui prouvait que son argumentation f?ministe ?tait pour le moins fallacieuse. C'?tait l'?poque de mon "stage intern?" (puisque j'avais rat? l'internat et qu'il fallait bien conclure les ?tudes) ? la consultation bond?e de chirurgie de l'h?pital L?opold Bellan, dans le quatorzi?me arrondissement, o? j'ai pass? une ann?e p?nible avec sa salle de garde insupportable et des nuits pass?es ? tenir les ?carteurs pour les chefs de clinique lors des op?rations de d?torsion des testicules ou de d?s?tranglements de hernies. Mais je faisais aussi des vaccinations ? la cha?ne et de la petite chirurgie : j'ai recousu des fronts, des cuirs chevelus, des doigts, j'ai incis? des abc?s, refait des pansements et retir?s des fils pos?s sur des arcades sourcili?res ?clat?es, des doigts coup?s.

11 août 2003

un petit tour par ici, en flash, via Meslubies, (connexion rapide souhaitable, mais on peut faire sans), c'est mignon, bien fait et certainement plein d'avenir, � voir pour essayer de comprendre jusqu'o� nous m�nera internet (il y a bien bien pire, et l�, je ne vous y emm�ne pas...) merci qui ?
Me voici, en ces jours caniculaires (il faut bien laisser quelques rep�res temporels aux futurs cyber-arch�ologues) d�finitivement revenu devant mon ordinateur (je n'ose �crire mais je le fais quand m�me : "fid�le au post" (oui, sans "e", les initi�s comprendront)) pour la

Pens�e de la nuit N� 35 : "C'est un pur hasard. L'une de ces myst�rieuses coincidences dans lesquelles on voudrait voir du sens l� o�, tout simplement , il n'est que circonstance. "C'aurait �t� le quinze ao�t, �a nous aurait fait exactement le m�me effet. Ou le dix-huit juin, tiens." assure aussi Jean Pierre Rives. Le premier capitaine fran�ais � l'avoir "fait". Encore faut-il s'entendre sur le "18 juin" dont on parle. Celui de 1940 ? o�, de Londres un g�n�ral quasi inconnu appella une nation � la rebellion ou celui de 1815 quand � Waterloo un despote illumin� en bout de course souffla de ses derniers canons le peu qu'il restait d'�clair� au pays des lumi�res" Patrick Lemoine, L'"Equipe" du 8 a�ut 2003