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28 novembre 2006

Des liens, ça faisait un bail...



Attention, ici Ciscoblog va vous livrer toute son âme. Un , deux trois : mes blogs préférés sont - et de loin - les blogs de cuisine. Cela vous étonne ? Pour le lecteur fou de recettes de cuisine que je suis, la galaxie "cuisine" est devenue une véritable caverne d'Ali Baba où j'aime me perdre en ces temps d'avant avant avant veille de fête. Aucun blog sexy (et dans ce domaine, je vous recommande très chaudement l'excellent LSn'G de la compagnie fluctuat qui produit aussi le très célèbre AEIOU), aucun dis-je, n'atteint, par exemple, la cheville de "La cuisine de Mercotte", ni aucun blog de geek (et ici le "blog de Pierre"), le niveau de "papilles et pupilles" ; je suis subjugué par la virtuosité du "pétrin" et fasciné par l'inventivité d'"Ester Kitchen". Parce que, et d'une, les blogs de cuisine sont des blogs de bavardes (ce sont des blogs de filles à 98%) souvent très bien écrits et plein d'humour (pas seulement involontaire ) et de deux, parce que les livres de cuisine sont pour les papilles ce que les livres cochons sont au sexe. ( comme dit Bobby Lapointe : Votre sein doux pour le corps c'est ce que mes vers à l'âme sont) Bonsoir !

22 novembre 2006

26 (Titre provisoire), XXI, suite 2





Après son dernier patient, Haltman traversa le parvis des urgences pratiquement désert à cette heure tardive pour rejoindre sa voiture et rentrer chez lui. On ne l’appellerait plus maintenant. Dans deux heures le jour commencerait à poindre et un nouveau cycle recommencerait. Il croisa sans les saluer deux ambulanciers adossés à leur véhicule qui fumaient des cigarettes. Derrière lui, dans les couloirs presque vides dont on ne songeait plus à chasser les derniers SDF et les derniers ivrognes, hagards, silencieux et épuisés, accrochés à leurs sièges ou leurs brancards conquis de haute lutte, les équipes en fin de garde se préparaient à terminer la nuit le plus confortablement possible. On se réunissait autour d’un café pour se réchauffer, on se laissait tomber lourdement sur les fauteuils en skaï des salles de repos, on se hissait, en guise de sièges, sur les tables d’examen désormais libres pour entamer des conversations. Les derniers patients avaient été montés dans les étages ou on avait trouvé pour eux le dernier lit porte disponible ; on commentait les dernières nouvelles. Les internes regagnaient la salle de garde par petits groupes, leurs manteaux sur les épaules par-dessus les blouses, marchant lentement comme pour s’économiser, regardant leurs chaussures, parlant à voix basse. Un peu plus tard seulement, à la relève, on se mettrait à ranger et à nettoyer, mais pour l’instant c’était la trêve, cette trêve improbable, plus ou moins longue, que ménageait pourtant à chaque garde le bout de la nuit, avant la première urgence du matin. Haltman ne se pressait pas non plus. Il savourait l’instant. Toute fatigue l’avait quitté, elle reviendrait, il le savait, mais seulement à la fin de la prochaine journée, un peu plus tôt que d’habitude. Le ciel qui commençait imperceptiblement à s’éclaircir, avec une myriade d’étoiles immobiles, formait une immense voûte protectrice au-dessus de l’hôpital, de la colline et de la ville, au dessus d’eux tous. Haltman se sentait parfaitement bien, il aurait pu dire heureux, même encore debout à trois heures du matin, même en ce lieu hanté par la souffrance, l’incertitude et le pessimisme provisoirement contenus par la simple gratitude qu’ils avaient adressée à la nuit. Il avait fait son métier, accompli le travail qu’on lui demandait. C’était ce qu’il aimait. Il avait pris les décisions qu’il fallait et tout s’était bien passé. Il s’était senti à sa place, compétent, utile. Il pensa que de telles nuits pouvaient parfois vous racheter l’absurdité de la vie. En mettant le contact, la radio lui annonça que France info lui offrirait un « journal complet de l’actualité toutes les demi-heures » et laissa la place à un morceau de jazz orchestral pendant qu’il descendait, au pas, la rampe menant à la sortie de l’hôpital. Il sillonna lentement les rues de Dormeil assoupie. Il passa devant le mur pignon de la maison où Ronald H, le patient de Jacques, avait tagué la phrase « le docteur B est un con » sur deux lignes un peu penchées, en grande lettres cursives, que des centaines de Dormeillois pouvaient voir tous les jours et que la municipalité n’avait encore pas fait effacer après tous ces mois mais Jacques ne s’était jamais abaissé à demander. Il tourna deux rues plus loin, enfilant la rue des Chevaliers Saint Jean et s’arrêta devant le 26. Il tenta de faire le moins de bruit possible mais ne put empêcher la vielle grille rouillée de couiner. Dans l’entrée à gauche, le bureau où le canapé Odéon, son havre, l’attendait pour finir la nuit ; devant lui, au bout du couloir, l’escalier, qu’il ne grimpa pas, Renée dormait dans la petite chambre de garde. A droite, les deux pièces en enfilade : salon et salle à manger. La neige dans la télé encore allumée grésillait dans la pénombre devant personne. En trois pas il fut devant la télé, contempla la neige un instant et, pressant le bouton de commande, plongea la pièce dans le noir. Il y eut un bruit de chaise dans la cuisine. Régis P. ne dormait pas, ou plutôt était déjà levé. Il petit déjeunait d’un grand bol de nescafé noir comme de l’encre.

21 novembre 2006

Fugit tempus





Je me demande comment ce type fait pour faire tous les jours au moins une photo aussi géniale, même en prenant de l'essence, même dans les embouteillages par exemple. Un peu léché parfois mais toujours bluffant. Quel oeil !

19 novembre 2006

Vous irez tout seul....




Un dernier p'tit "Deschiens", pour la route !

17 novembre 2006

J'ai trouvé tetesaclaques.tv (en version originale joual) en furetant sur blog appetit à la recherche d'une recette pour le week end (passez just'la pub, là), je me suis bien gondolé...

14 novembre 2006

Pensée de la nuit N° 110 : Une plaisanterie locale, également applicable à quelques autres villes d'ici et d'ailleurs, qualifie Baltimore de "nice place to be from". On peut en rapprocher l'épitaphe de WC Fields, sans doute inscrite quelque part vers Los Angeles : "On est quand même mieux ici qu'à Philadelphie", cette remarque d'Harold Arlen (le compositeur insuffisamment célébré d'"over the rainbow") : "se suicider à Buffalo (où il était né), c'est vraiment un pléonasme", l'inévitable Mark Twain : "Pittsburg, bon endroit pour mourir, vous ne verrez pas la différence", et ce dicton, évidemment new yorkais : "outside Broadway, everything is Bridgeport", " il y a, disait encore Calvino, des endroits où je ne pourrai pas vivre, même mort" (Gérard Genette, Bardadrac)

12 novembre 2006

Sereine jeunesse, épilogue



Dès le retour des vacances je montai le film du voyage en URSS qui, une fois les bobines de trois minutes ajoutées les unes au bout des autres et les séquences ratées éliminées, durait un peu plus de quarante minutes. A cette époque-là, bien entendu, le super-8, format cinématographique génial au demeurant, je l’ai déjà mentionné, n’était pas « parlant », c’est à dire qu’on ne pouvait pas enregistrer le son à la prise de vue. En revanche, il était possible de le « sonoriser » à la projection. En aucune manière la pellicule, ne comportant pas de piste sonore, ne pouvait être lue par un système audio inclus dans le projecteur. Je mentionne ici, uniquement pour la petite histoire la complexité de la solution proposée par Kodak (et j’en profite pour rappeler l’ouverture prochaine sur ciscoblog de la rubrique « Mon siècle et moi » où on assistera en quasi direct à la naissance, par exemple, du poste de radio à transistor, de la cafetière Mélita, du rasoir Bic, de la machine à écrire électrique, de la vidéo noir et blanc, de la diapositive, du Macintosh, du Cdrom, etc.) : il s’agissait de synchroniser une bande magnétique sonore, lue par un magnétophone (Nous possédions un magnétophone « Grundig » depuis le début des années soixante) avec le projecteur de cinéma. On pouvait, en détournant le chemin de la bande magnétique à travers un rouage spécial du projecteur, faire démarrer le magnétophone en l’allumant. Les commentaires ou la musique suivaient alors les images sans trop de décalage. C’était un système complexe, encombrant, minutieux et fragile, mais avec un peu se soin et de méthode, ça marchait. J’avais sélectionné, dans la discothèque familiale, diverses plages de la musique des Ballets Moïsseïev, des chœurs de l’Armée Rouge, de la Moldau de Smetana, des danses polovstiennes du Prince Igor de Borodine et des tableaux d’une exposition de Moussorgski orchestrés par M. Ravel surtout « La grande porte de Kiev » du plus bel effet et les avait enregistré au micro. On croit le savoir, mais on ne le sait jamais assez, le cinéma, ce ne sont pas seulement des images qui bougent mais des images qui parlent. E n’est pas pour rien qu’aux temps héroïques le cinéma « muet » n’était jamais projeté sans accompagnement musical, simple piano ou orchestre symphonique, il aurait perdu les trois quarts de son impact et trop ressemblé aux rêves. Bref, sonorisé, le « voyage en URSS » avait vraiment une gueule. Une gueule de réel, de film de propagande, mais de la gueule tout de même. Mon père – le père de l’auteur – qui tenait de son propre sang pour ainsi dire la preuve de la vitalité de la patrie du socialisme, le projetait à ses amis avec fierté et ma mère passait, comme il se devait et comme je l’ai déjà dit, les gâteaux et le jus d’orange pendant les interruptions dues aux sautes de pellicules. A la fin de l’automne le groupe de LVJ se réunit dans la maison de campagne des parents d’un des participants en Normandie, du côté d’Aromanches. Nous fîmes une longue promenade sur les plages du débarquement où la mer prenait des tons bleu pâle. Nous passâmes des diapos et le film (sans le son). Je n’avais pas revu Claire depuis Orly. Nous nous retrouvâmes sans émotion. Très tard, à la nuit nous nous dispersâmes définitivement dans les voitures des plus âgés qui nous ramenaient à Paris. Un an et demi plus tard c’était Mai 68. Le 3 mai, la Sorbonne était fermée, les CRS et les étudiants s’affrontaient sous les fenêtres de l’appartement de mes parents pendant qu’avec deux ou trois condisciples réunis en « sous colle » nous révisions le concours de l’externat. Le 10 mai, je quittai la barricade de la rue Gay Lussac juste avant l’assaut et allai me refugier derrière la lourde porte cochère de l’immeuble dont je gardais toujours un double de la grosse clé. Le 11 mai au matin, tout le quartier dépavé, sous les pavés la plage, ressemblait à une ville minière de l’ouest américain de la fin du XIX° siècle, avec la même animation industrieuse. Pour descendre le boulevard Saint Michel, je pris, en guise de bus, une petite manifestation d’un millier de jeunes en rangs serrés qui avançait, sous le dais rouge et noir des drapeaux révolutionnaires, précédée des sempiternels leaders marchant à reculons et criant des slogans dans les mégaphones, au rythme des « Grimaud salaud ! Le Peuple aura ta peau ! » Je quittai la manif devant la Sorbonne dont Pompidou avait ordonné dans la nuit la réouverture. On se pressait pour entrer par les hautes portes grandes ouvertes. Dans la cour il y avait des discours de victoire et des acclamations. A quelques mètres de moi, dans la foule, je reconnus Claire qui venait elle aussi d’arriver et que je n’avais pas revue depuis la Normandie. Nous échangeâmes une petite bise et écoutâmes un instant Sauvageot et Cohn Bendit, après quoi je la perdis, elle aussi, définitivement de vue.

11 novembre 2006




....Jusqu'au bout de la nuit, ici !

08 novembre 2006

Tout fout le camp... Mais qui l'eut cru ? Le logo de Lenovo va remplacer les emblématiques trois lettres dans quelques semaines. "IBM" (International Business Machines) a été fondée en 1911 et vers les années trente, la compagnie était déjà la reine de la carte perforée. En 1953, elle contruisait le premier ordinateur à bandes. En 1980 (il y a quelques minutes) , le premier "PC" (Personnal Computer) arrivait sur nos bureaux. A peine cent ans d'existence. Et combien pour Lenovo, qui n' a rien inventé ?.. IBM c'était "the Company" par excellence, j'ai eu un cousin qui en été plus ou moins directeur pour la France et j'ai travaillé dans une ville dont l'usine IBM faisait vivre le quart des habitants. Les chinois ont beaucoup de mal à prononcer les mots occidentaux, ils les chinoïsent (comme nous les occidentalisons, à l'inverse, par exemple Pekin pour Bei Jing) ainsi, "Carrefour" se dit "Jia le fou" en Chinois mais cela a aussi un sens (comme l'ont à peu près toutes les traductions en chinois des mots occidentaux) : cela veut dire "La maison du Bonheur", comme nous l'apprend l'excellent "Un Oeil sur la Chine" (via C*G*). Au fond, il y a assez peu de différences entre IBM et Carrefour : l'un s'est fait en partie dévorer et l'autre en partie incorporer...

07 novembre 2006

PIC DU GAR (NEW)


La même, un an plus tôt, (Ceci n'est pas la Sainte Victoire, mais sait-on jamais...)

05 novembre 2006

Sereine jeunesse, 7



Rien n’a été filmé de la fin du voyage faute de pellicule. Le retour se fit en deux sauts de puces par l’Allemagne de l’Est. Puisqu’elle n’a pas été filmée, on ne voit pas la ville de Dresde sur la vidéo perdue, on ne voit pas le dôme en ruine de la cathédrale longtemps conservé comme le rappel permanent du terrible châtiment infligé par les alliés au pays qui se croyait encore le maître du monde. La visite de la ville commençait et se terminait là. Je n’ai pour souvenir de la ville de Dresde que la sinistre majesté de cette ruine (tu n’as rien vu à Hiroshima…). Tout le reste, l’ancienne ville baroque, les alignements d’immeubles sans grâce de la reconstruction, la pinacothèque et ses Cranach, je ne m’en souviens pas. Ce n’est probablement pas qu’il avait été prévu plus de rencontres avec la jeunesse démocratique allemande que la russe mais j’ai plutôt le souvenir de discours interminables, d’attentes de toast pré prandiaux le ventre un peu creux, de cérémonies absconses, comme si tout le pays s’était du de ne pas connaître de joie, même sous le soleil lumineux de cette Europe encore centrale, comme si nous avions du nous pénétrer du fait que c’était bien des vaincus qui nous recevaient, avec cette politesse guindée, mal fagotée, ostensiblement austère et contrite qu’ils se devaient d’observer. Si on avait voulu nous montrer que vivre en Allemagne de l’Est, le pays de l’expiation, n’était pas gai, c’était réussi et nous ne pouvions que nous réjouir de faire partie des vainqueurs. On nous reconnaissait ici comme des occidentaux, comme des proches, au fond, on ne nous évitait pas, comme à Moscou (les guides russes et les barbouzes nous avaient plus ou moins tenu à l’écart des gens, qui eux-mêmes comme par atavisme, se défiaient spontanément de notre apparence, de toute façon, le système était bien rôdé). Nous fûmes plusieurs fois interpellés, au grand dam de nos accompagnateurs, par de soit disant hooligans qui est le mot russe pour voyou, que le régime n’avait pas réussi à extirper, qui n’avaient surtout rien de politique, qui ne s’occupaient pas encore de foot et qui voulaient nous acheter nos jeans et nos vestes bien coupées. Même les fêtes organisées, pourtant tout aussi arrosées de Schnaps qu’elles l’avaient été plus à l’Est de Vodka, ne parvenaient pas à atténuer la tension. Il y avait par exemple, après les sempiternelles visites d’usines ou de laboratoires de recherches des soirées dans des caves « typiques ». Je me souviens d’avoir bien malgré moi assisté à l’arrivée d’un jeune homme sensé faire partie des habitués de l’endroit. Mais c’était manifestement un figurant, payé pour être là, arrivé en retard, donc en même temps que nous. Nous le vîmes de loin se présenter à la porte de l’établissement dans son costume emprunté ou loué, mal coupé, trop grand, jeter des regards misérables et effrayés autour de lui, de peur d’être reconnu par des camarades et moqué ou pire encore, entrer précipitamment, sans pouvoir faire autrement, se sentant démasqué et coupable, nous ayant soudain reconnu arrivant à sa hauteur, nous faisant je ne sais quel sourire forcé et niais, vaguement complice, une image de la honte et de la soumission qui me hante encore. On voulait nous montrer des allemands tristes, rendus inoffensifs, ayant perdu toute arrogance, un peuple conscient d’avoir à porter au moins pour une génération le poids de la faute et de son châtiment, c’est ce que nous voyions, de toute évidence, même si la version officielle était, comme de l’autre côté du rideau de fer, celle du peuple innocent, opprimé par des dirigeants sanguinaires et dont les potentialités humaines n’avaient demandé qu’à s’épanouir après les années de plomb, qui grâce à la Liberté et au retour du libre échange, à l’Ouest, qui grâce au parti et à la planification révolutionnaire, à l’Est. A l’époque, personne ne pouvait revenir enthousiaste d’un voyage en terre socialiste y compris d’URSS, pas plus qu’André Gide, Aragon ou même des militants sincères et perplexes : il aurait fallu soit être un fanatique absolu, idiot ou dénué de tout sens du jugement (il en existait, mais pas dans notre groupe) soit être un dirigeant cynique du Parti avide de promotion (il n’y en avait pas non plus) soit, plus modérément, en se mentant tout de même à soi-même, souscrire a l’explication officielle et un tantinet paranoïaque du complot capitaliste contre la patrie du socialisme (celle des barbouzes qui nous avaient bourré le mou dans les dernières semaines, par exemple) qui ne nous avait de loin pas tous convaincu, mais nous ne parvenions pas comprendre pourquoi l’Allemagne de l’Est avait été prévue au programme du voyage par les officines communistes. Pour se tirer une balle dans le pied, il n’y avait pas mieux, ni pour gâcher la relative bonne impression, reposant essentiellement sur un exotisme prévu et préparé à l’avance que l’URSS et les russes nous avaient laissée. Du coup, nous retrouvions tout notre esprit critique et nos gentils organisateurs avaient fort à faire. Notre scepticisme faisait en quelque sorte rétroactivement tache d’huile et contaminait même nos plus récents souvenirs : le roi était nu, nous avions été manipulés, Tintin avait bien raison. Ce qui nous sauva tous, gentils organisateurs et rétifs organisés, ce fut notre jeunesse que rien ne pouvait jamais altérer. Nous fîmes notre mini révolution. On nous avait logé, puisque c’était les vacances, il faut le rappeler, dans une cité universitaire désertée de ses étudiants, à l’orée de la ville. Il faisait une chaleur étouffante, les chambres étaient minuscules, celles des filles beaucoup trop éloignées pour certains doux liens qui avaient forcément commencé de se tisser. Ce furent elles qui donnèrent le signal du chahut ; on passa matelas et couvertures par les fenêtres pour dormir à la belle étoile, sur la pelouse du campus. Nous fîmes fi des avertissements et de la prudence des accompagnateurs zélés et réussîmes, surtout les filles, à en entraîner deux ou trois, néanmoins jolis garçons, avec nous. Nous passâmes une excellente nuit à la fraîche, pour ma part serré contre à ma droite les formes sveltes de la brune Sylvie et à ma gauche contre celles plus rondelettes de la blonde Claire, à moins que ce fut l’inverse, mais tous entremêlés dans une sorte de préfiguration modeste et involontaire des nuits qui allaient quelques années plus tard advenir du côté de l’île de Wight ou de Woodstock. Vers trois heures du matin nous fûmes réveillés par une ronde de police (alertée ou non) avec chiens en laisse et torches dans les figures. On nous invita très poliment à regagner nos chambres de peur de prendre froid, ce que nous refusâmes tout aussi poliment. On nous laissa faire, probablement à cause de notre statut intouchable d’invité du régime. L’aube nous retrouva transis, fourbus et radieux. Juste après, ce fut l’aéroport, la caravelle et le retour à Paris. Je passais la journée avec Claire. Le lendemain elle m’accompagnait à nouveau à Orly, d’où je devais rejoindre mes parents qui passaient le reste des vacances sur la côte adriatique. Mon père avait déjà préparé les pellicules de rechange.