hommage furtif au "Bel autocar" de Jacques Jouet : la "montée" de Juvisy sur la nationale 7 (on ne "sent" malheureusement pas la pente de la montée, à cause de la piètre photographie) , paysage mille fois traversé sans le voir et qui est ma ligne de vie aussi définitivement que le Luxembourg est le berceau de mon enfance.
« Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou par un autre tour de folie de n’être pas fou.» B.Pascal
30 juin 2004
Paris en voiture 5
hommage furtif au "Bel autocar" de Jacques Jouet : la "montée" de Juvisy sur la nationale 7 (on ne "sent" malheureusement pas la pente de la montée, à cause de la piètre photographie) , paysage mille fois traversé sans le voir et qui est ma ligne de vie aussi définitivement que le Luxembourg est le berceau de mon enfance.
hommage furtif au "Bel autocar" de Jacques Jouet : la "montée" de Juvisy sur la nationale 7 (on ne "sent" malheureusement pas la pente de la montée, à cause de la piètre photographie) , paysage mille fois traversé sans le voir et qui est ma ligne de vie aussi définitivement que le Luxembourg est le berceau de mon enfance.
Je me souviens
Que les couettes n’existaient pas dans les années soixante. Je ne parle pas des couettes de ma copine Véronique que je tirais dans la cour de récréation, mais des couettes, sous lesquelles on nourrit les puces et autres petites frivolités (j’apprends d’ailleurs, dans le Robert historique, que couette vient de « petite queue » alors que couette, attention ne pas confondre vient du latin culcita « matelas, coussin ») Nous dormions sous des draps, tout bonnement. Au dessus, les couvertures, en laine, et encore au-dessus, il y avait souvent un bel édredon en plumes. Si IKEA a assis définitivement la primauté de la couette et du couchage à la nordique sur les draps qui sentaient bon la lavande ou l’antimite, il me semble que la mode des couettes a tout de même envahi notre beau pays avant les années quatre vingt, date approximative des débuts triomphaux de la marque suédoise dudit beau pays. J’ai personnellement rencontré les couettes au cours d’un voyage hors de France avec nos parents en Autriche, en 1965. J’avais été surpris de cette manière d’emballer l’édredon avec le drap du dessus cousu et de l’élision des couvertures (à l’époque il me semble bien que toutes les « housses » de couette autrichiennes, mais peut-être aussi scandinaves ou allemandes étaient blanches, c'est-à-dire qu’elle étaient encore des « draps de dessus » améliorés pour pays froids. Ce n’est que plus tard, sous l’impulsion décisive de IKEA, qu’elles se sont transformées définitivement en ces « housses » que nous connaissons imprimées et multicolores). J’avais trouvé ça pratique pour refaire le lit, et assez doux doux. Ce soir, pub gratuite pour les meubles suédois...(On se souvient de ce qui vient, c'était en traînant une crève d'été, ce matin...sous la couette. Ca va un petit peu mieux, merci)
Que les couettes n’existaient pas dans les années soixante. Je ne parle pas des couettes de ma copine Véronique que je tirais dans la cour de récréation, mais des couettes, sous lesquelles on nourrit les puces et autres petites frivolités (j’apprends d’ailleurs, dans le Robert historique, que couette vient de « petite queue » alors que couette, attention ne pas confondre vient du latin culcita « matelas, coussin ») Nous dormions sous des draps, tout bonnement. Au dessus, les couvertures, en laine, et encore au-dessus, il y avait souvent un bel édredon en plumes. Si IKEA a assis définitivement la primauté de la couette et du couchage à la nordique sur les draps qui sentaient bon la lavande ou l’antimite, il me semble que la mode des couettes a tout de même envahi notre beau pays avant les années quatre vingt, date approximative des débuts triomphaux de la marque suédoise dudit beau pays. J’ai personnellement rencontré les couettes au cours d’un voyage hors de France avec nos parents en Autriche, en 1965. J’avais été surpris de cette manière d’emballer l’édredon avec le drap du dessus cousu et de l’élision des couvertures (à l’époque il me semble bien que toutes les « housses » de couette autrichiennes, mais peut-être aussi scandinaves ou allemandes étaient blanches, c'est-à-dire qu’elle étaient encore des « draps de dessus » améliorés pour pays froids. Ce n’est que plus tard, sous l’impulsion décisive de IKEA, qu’elles se sont transformées définitivement en ces « housses » que nous connaissons imprimées et multicolores). J’avais trouvé ça pratique pour refaire le lit, et assez doux doux. Ce soir, pub gratuite pour les meubles suédois...(On se souvient de ce qui vient, c'était en traînant une crève d'été, ce matin...sous la couette. Ca va un petit peu mieux, merci)
25 juin 2004
24 juin 2004
26 (titre provisoire), suite
Ils n'étaient pas nés de l'Asile.Dans les années soixante dix il y avait eu "l'implantation préalable", un des dix commandements de la nouvelle psychiatrie de secteur (un autre avait été, par exemple, "la continuité des soins". Parler de continuité des soins, c'était, mine de rien, poser la question de l'enfermement, qui était en soi déjà une continuité, monstrueuse, certes mais une continuité tout de même. Cela voulait dire que s'il y avait un "ailleurs" à l'asile il ne fallait pas qu'il soit ni l'ailleurs de "la rue" ni celui de la mort. Ce qui obligeait à travailler sur ce "quoi d'autre que l'asile?") Philippe Paumel avait dit que la psychiatrie nouvelle ne pouvait que se pratiquer dos au mur et sans filet : ils aimaient bien cette expression : "dos au mur", dont le double sens ne leur échappait pas. Et puisqu'on tournait le dos aux murs, il ne restait plus qu'à travailler "sans filet" ce qui voulait surtout dire : sans attrape-fous. L'allusion aux trapézistes et aux funambules, à la précarité et à la modestie foncière de leur fonction les galvanisait. Faire "tout le contraire" de l'Asile, sans jamais caler sur l'éthique de l'Accueil ni celle du secteur : L'insensé n'existait pas (la folie, si) et nul ne devait être exclu en son nom. Le contraire commun à l'exclusion, à l'abandon, à la déréliction c'était l'Accueil. Toute psychiatrie digne de ce nom se devait de penser l'Accueil et de le pratiquer sans faille. C'est pourquoi ils avaient inventé le Vingt-Six, lieu ordinaire et pas seulement hospitalier. (ils aimaient aussi beaucoup cette phrase de leur copain M.Béreau : "l'Accueil, c'est créer des espaces privés dans des lieux communs") Etre là pour être là, et pour rien d'autre, comme disait aussi Jean Oury, mais être là à tout moment, dans un lieu ménagé et non pas seulement aménagé, dans un lieu équipé mais surtout par une équipe. L'"implantation préalable" : dans les années soixante dix, il n'y avait pas besoin de préciser préalable à quoi, ni même ce qu'il s'agissait d'implanter préalablement. C'est de psychiatrie de secteur public qu'il s'agissait. Implanter des réseaux, des lieux d'écoute. Tout comme le révolutionnaire de Mao, le psychiatre de secteur se devait d'être dans le "peuple", comme "un poisson dans l'eau". Il devait se faire familier, offrir ses services, sa capacité de créer des liens, d'intervenir "en amont", toujours, celle de faire surgir "les potentialités soignantes du peuple" comme disait Bonnafé (encore un des commandements, plus tard on édulcora un peu la formule en remplaçant "peuple" par "population"...) de faire jouer le collectif. Implanter " les hommmes avant les murs ", le lien avant l'exclusion, le "désaliénisme" avant l'hôpital, les lits. D'ailleurs, avait dit Bonnafé avec ce ton d'évidence péremptoire et faussement bonhomme qu'on lui connaissait, "les lits, en psychiatrie, c'était une histoire à dormir debout !"
Ils n'étaient pas nés de l'Asile.Dans les années soixante dix il y avait eu "l'implantation préalable", un des dix commandements de la nouvelle psychiatrie de secteur (un autre avait été, par exemple, "la continuité des soins". Parler de continuité des soins, c'était, mine de rien, poser la question de l'enfermement, qui était en soi déjà une continuité, monstrueuse, certes mais une continuité tout de même. Cela voulait dire que s'il y avait un "ailleurs" à l'asile il ne fallait pas qu'il soit ni l'ailleurs de "la rue" ni celui de la mort. Ce qui obligeait à travailler sur ce "quoi d'autre que l'asile?") Philippe Paumel avait dit que la psychiatrie nouvelle ne pouvait que se pratiquer dos au mur et sans filet : ils aimaient bien cette expression : "dos au mur", dont le double sens ne leur échappait pas. Et puisqu'on tournait le dos aux murs, il ne restait plus qu'à travailler "sans filet" ce qui voulait surtout dire : sans attrape-fous. L'allusion aux trapézistes et aux funambules, à la précarité et à la modestie foncière de leur fonction les galvanisait. Faire "tout le contraire" de l'Asile, sans jamais caler sur l'éthique de l'Accueil ni celle du secteur : L'insensé n'existait pas (la folie, si) et nul ne devait être exclu en son nom. Le contraire commun à l'exclusion, à l'abandon, à la déréliction c'était l'Accueil. Toute psychiatrie digne de ce nom se devait de penser l'Accueil et de le pratiquer sans faille. C'est pourquoi ils avaient inventé le Vingt-Six, lieu ordinaire et pas seulement hospitalier. (ils aimaient aussi beaucoup cette phrase de leur copain M.Béreau : "l'Accueil, c'est créer des espaces privés dans des lieux communs") Etre là pour être là, et pour rien d'autre, comme disait aussi Jean Oury, mais être là à tout moment, dans un lieu ménagé et non pas seulement aménagé, dans un lieu équipé mais surtout par une équipe. L'"implantation préalable" : dans les années soixante dix, il n'y avait pas besoin de préciser préalable à quoi, ni même ce qu'il s'agissait d'implanter préalablement. C'est de psychiatrie de secteur public qu'il s'agissait. Implanter des réseaux, des lieux d'écoute. Tout comme le révolutionnaire de Mao, le psychiatre de secteur se devait d'être dans le "peuple", comme "un poisson dans l'eau". Il devait se faire familier, offrir ses services, sa capacité de créer des liens, d'intervenir "en amont", toujours, celle de faire surgir "les potentialités soignantes du peuple" comme disait Bonnafé (encore un des commandements, plus tard on édulcora un peu la formule en remplaçant "peuple" par "population"...) de faire jouer le collectif. Implanter " les hommmes avant les murs ", le lien avant l'exclusion, le "désaliénisme" avant l'hôpital, les lits. D'ailleurs, avait dit Bonnafé avec ce ton d'évidence péremptoire et faussement bonhomme qu'on lui connaissait, "les lits, en psychiatrie, c'était une histoire à dormir debout !"
23 juin 2004
19 juin 2004
Au début de l'année 2001, 132 481 personnes portaient le même prénom que moi. C'est une information capitale, bien entendu. Si vous voulez savoir quel était le prénom à la mode l'année de votre naissance et beaucoup d'autres choses aussi essentielles, cliquez ici. Sinon, non.
16 juin 2004
15 juin 2004
11 juin 2004
26 (titre provisoire), VII
Les ordinateurs n’existaient pas en ces temps-là. Félix confectionnait la grille un ou deux jours avant. Il prenait une double page à petit carreau, la disposait dans le sens de la hauteur et y traçait à la règle et au crayon noir deux séries de quatre longues cases qui correspondaient aux semaines. A chaque fois, il y avait huit semaines. Il divisait chacune de ces cases en deux dans le sens de la largeur : les jours et les nuits. Puis, avec de petites barres verticales, il délimitait les sept jours de la semaine. Il notait soigneusement la date sous chaque case. Pas d’erreur possible. Chaque nouvelle grille était rigoureusement identique à la précédente (il n’ a jamais pensé à photocopier ses gabarits. Il aimait tout faire à la main). Il la collait dans une chemise de couleur qui variait tous les deux mois. Les chemises étaient toutes conservées dans le tiroir du bureau. On pouvait s’y référer à tout moment. Félix était un des inventeurs du roulement du 26 et de la répartition du temps de leur travail. Ca n’a l’air de rien, mais il faut un grand esprit de synthèse et une grande inventivité pour mettre au point cette mécanique qui ne doit jamais se gripper. On couvre le temps comme on couvre un toit : les tuiles doivent s’ajuster au mieux. Si elles se chevauchent trop, il finit par pleuvoir dans la maison. Au fil du temps, ils avaient acquis la certitude que le Vingt Six tenait toute son originalité du roulement de Félix et qu’on avait beau dire tout ce qu’on voulait sur le traitement de la crise et la psychothérapie communautaire, c’était le « roulement » qui avaient façonné le plus incontestable de leur pratique (de même qu'on pouvait dire que c'était les "factions" qui avaient façonné la pratique de l'asile, en partie.) Le jour du roulement, tous les deux mois, était un jour sacré. On ne peut pas dire mieux. C'était le jour où l'on ne faisait que remplir les petites cases de Félix. Aucun d’entre eux ne le manquait sauf événement grave ou vacances. On était encore au temps des trente neuf heures. Dans les usines, ou à l’hôpital, en ce temps-là, on faisait encore les trois huit. Il y avait l’équipe du matin, celle d’après midi et celle de nuit (la veille et la garde) et les gens passaient selon des procédures compliquées d’une équipe à l’autre pour se partager « équitablement » non seulement chacun des veilles et des gardes mais aussi les samedis et les dimanches(ce qui soit dit en passant n’est même plus le cas de nos jours : les équipes sont fixes, parfois pour des années) Il y a cent soixante huit heures dans une semaine. Sept fois vingt quatre. Chaque roulement était un cycle de huit semaines. Il y avait trois types de semaines : les semaines "lourdes" qui comptaient obligatoirement un jour de week end, samedi ou dimanche et le vendredi soir (sans quoi personne ne l'aurait choisi...) et qui revenanient deux fois, les semaines "légères" qui ne comptaient pas de travail de week end et qui revenaient elles aussi deux fois, et les semaines "dites hors astreinte" où l'on habitait pas la maison, qui revenaient quatre fois. les semaine "hors astreinte" étaient elles même de deux types (plus celle qui servait de vacances, si on y avait droit) : l'une était "légère", elle aussi et comptait environ quinze heures (les semaines lourdes comptant quarante huit heures d'"astreinte", il fallait bien compenser, car il n'était pas possible de "poser" des heures supplémentaires ou de nuit, qui étaient par ailleurs "forfaitisées" dans le salaire), l'autre était "lourde", comptait quarante heures réparties sur cinq jours et s'appelait la semaine de "Jocker" : le "jocker" assurait la continuité sur la semaine et les urgences, il était responsable de l'organisation générale de l'équipe sur la semaine, au plan matériel et clinique. C'était une sorte de capitaine de semaine qui pouvait faire, en plus le troisième quand ça bardait et ça bardait souvent. On sortait de là épuisé, perclus de responsabilités par dessus la tête. Etre Jocker était une épreuve, c'était un peu le front. Les nouveaux ne faisaient pas le "jocker" tout de suite, il y avait un baptème du feu. Puisque l'équipe se composait en principe de seize personnes, mais il y avait les maladies et les congés maternité, la fonction de Jocker revenait à peu près une semaine tous les deux mois. C'était bien suffisant. Chacun pouvait placer ses semaines lourdes ou légères "en astreinte", quand il devait habiter la maison, ou "hors astreinte" quand il ne l'habitait pas, comme il l'entendait à condition de respecter la trame. Cela donnait une souplesse de travail que les nécessité d'occuper à deux la maison vingt quatre heures sur vingt quatre et 365 jours sur 365 n'auraient pas laissé présager. Il n'y avait ni secrétaire ni cuisinière ni femme de ménage : quand on était "d'astreinte", on faisait le ménage et à manger, avec ou sans les patients, souvent avec. Tout soigne, il n'y a pas de temps mort et la nuit on dort. Les semaines d'astreinte chacun devait habiter la maison un jour (de neuf heures à dix huit heures, seize heures) et une nuit ( de dix huit heures à neuf heures le lendemain,huit heures), pas forcément à la suite, ce n'était d'ailleurs pas recomandé. On pouvait théoriquement dormir la nuit, si les patients le permettaient, mais les urgences de l'hôpital pouvaient appeler à tout moments et ne s'en privaient pas.
Les ordinateurs n’existaient pas en ces temps-là. Félix confectionnait la grille un ou deux jours avant. Il prenait une double page à petit carreau, la disposait dans le sens de la hauteur et y traçait à la règle et au crayon noir deux séries de quatre longues cases qui correspondaient aux semaines. A chaque fois, il y avait huit semaines. Il divisait chacune de ces cases en deux dans le sens de la largeur : les jours et les nuits. Puis, avec de petites barres verticales, il délimitait les sept jours de la semaine. Il notait soigneusement la date sous chaque case. Pas d’erreur possible. Chaque nouvelle grille était rigoureusement identique à la précédente (il n’ a jamais pensé à photocopier ses gabarits. Il aimait tout faire à la main). Il la collait dans une chemise de couleur qui variait tous les deux mois. Les chemises étaient toutes conservées dans le tiroir du bureau. On pouvait s’y référer à tout moment. Félix était un des inventeurs du roulement du 26 et de la répartition du temps de leur travail. Ca n’a l’air de rien, mais il faut un grand esprit de synthèse et une grande inventivité pour mettre au point cette mécanique qui ne doit jamais se gripper. On couvre le temps comme on couvre un toit : les tuiles doivent s’ajuster au mieux. Si elles se chevauchent trop, il finit par pleuvoir dans la maison. Au fil du temps, ils avaient acquis la certitude que le Vingt Six tenait toute son originalité du roulement de Félix et qu’on avait beau dire tout ce qu’on voulait sur le traitement de la crise et la psychothérapie communautaire, c’était le « roulement » qui avaient façonné le plus incontestable de leur pratique (de même qu'on pouvait dire que c'était les "factions" qui avaient façonné la pratique de l'asile, en partie.) Le jour du roulement, tous les deux mois, était un jour sacré. On ne peut pas dire mieux. C'était le jour où l'on ne faisait que remplir les petites cases de Félix. Aucun d’entre eux ne le manquait sauf événement grave ou vacances. On était encore au temps des trente neuf heures. Dans les usines, ou à l’hôpital, en ce temps-là, on faisait encore les trois huit. Il y avait l’équipe du matin, celle d’après midi et celle de nuit (la veille et la garde) et les gens passaient selon des procédures compliquées d’une équipe à l’autre pour se partager « équitablement » non seulement chacun des veilles et des gardes mais aussi les samedis et les dimanches(ce qui soit dit en passant n’est même plus le cas de nos jours : les équipes sont fixes, parfois pour des années) Il y a cent soixante huit heures dans une semaine. Sept fois vingt quatre. Chaque roulement était un cycle de huit semaines. Il y avait trois types de semaines : les semaines "lourdes" qui comptaient obligatoirement un jour de week end, samedi ou dimanche et le vendredi soir (sans quoi personne ne l'aurait choisi...) et qui revenanient deux fois, les semaines "légères" qui ne comptaient pas de travail de week end et qui revenaient elles aussi deux fois, et les semaines "dites hors astreinte" où l'on habitait pas la maison, qui revenaient quatre fois. les semaine "hors astreinte" étaient elles même de deux types (plus celle qui servait de vacances, si on y avait droit) : l'une était "légère", elle aussi et comptait environ quinze heures (les semaines lourdes comptant quarante huit heures d'"astreinte", il fallait bien compenser, car il n'était pas possible de "poser" des heures supplémentaires ou de nuit, qui étaient par ailleurs "forfaitisées" dans le salaire), l'autre était "lourde", comptait quarante heures réparties sur cinq jours et s'appelait la semaine de "Jocker" : le "jocker" assurait la continuité sur la semaine et les urgences, il était responsable de l'organisation générale de l'équipe sur la semaine, au plan matériel et clinique. C'était une sorte de capitaine de semaine qui pouvait faire, en plus le troisième quand ça bardait et ça bardait souvent. On sortait de là épuisé, perclus de responsabilités par dessus la tête. Etre Jocker était une épreuve, c'était un peu le front. Les nouveaux ne faisaient pas le "jocker" tout de suite, il y avait un baptème du feu. Puisque l'équipe se composait en principe de seize personnes, mais il y avait les maladies et les congés maternité, la fonction de Jocker revenait à peu près une semaine tous les deux mois. C'était bien suffisant. Chacun pouvait placer ses semaines lourdes ou légères "en astreinte", quand il devait habiter la maison, ou "hors astreinte" quand il ne l'habitait pas, comme il l'entendait à condition de respecter la trame. Cela donnait une souplesse de travail que les nécessité d'occuper à deux la maison vingt quatre heures sur vingt quatre et 365 jours sur 365 n'auraient pas laissé présager. Il n'y avait ni secrétaire ni cuisinière ni femme de ménage : quand on était "d'astreinte", on faisait le ménage et à manger, avec ou sans les patients, souvent avec. Tout soigne, il n'y a pas de temps mort et la nuit on dort. Les semaines d'astreinte chacun devait habiter la maison un jour (de neuf heures à dix huit heures, seize heures) et une nuit ( de dix huit heures à neuf heures le lendemain,huit heures), pas forcément à la suite, ce n'était d'ailleurs pas recomandé. On pouvait théoriquement dormir la nuit, si les patients le permettaient, mais les urgences de l'hôpital pouvaient appeler à tout moments et ne s'en privaient pas.
10 juin 2004
07 juin 2004
04 juin 2004
02 juin 2004
je pense à
la nostalgie, celle qui ne sera jamais plus ce qu'elle était. Elle m'assaille par vagues de plus en plus serrées, à cette heure, ce jour, cette semaine, ce mois qui filent à la vitesse d'un paysage à la fenêtre d'un wagon de chemin de fer. C'est comme un flot, une marée montante, un cheval au galop. Aujourd'hui, nous nous étions assis avec Nathan, comme nous le faisons presque tous les mercredis, depuis qu'il est assez grand pour boire du café, à la terrasse du Rostand, qui lui non plus n'est plus ce qu'il était (par exemple dans le film de Jean Eustache, la "Maman et la Putain"), Les banquettes en moleskine verte ont été remplacées par du mobilier en osier et la terrasse n'est plus fermée par un aquarium, les tables sont plus serrées. Il n'y a plus de vieux garçons en gilets mais des jeunes (et aussi de jeunes demoiselles) en jean et veste noires. Le Rostand était un café sans style, mais chaleureux. Maintenant il a du style, un mixed de colonial et de chalet suisse, et un peu de chaleur en moins. Quoiqu'il en soit, le Rostand possède un grand mérite : il existe encore. (imaginez que nous nous soyons donné rendez-vous à la Bûcherie, par exemple.) Nathan m'a rappelé un souvenir de son enfance : chaque mercredi je lui achetait "Mickey magazine". Je ne m'en souvenais plus. J'ai fouillé dans ma mémoire, en vain. C'était comme un champ de ruines. Je voulais retrouver une image du petit garçon d'alors que je tenais par la main. J'ai fini, à force de me concentrer pendant qu'il commentait nonchalamment la beauté des filles qui passaient devant nous, à en inventer une, qui se distingue des vraies par son manque absolu de relief : la maison de la presse de la rue Feray à Corbeil Essonne, quand il avait huit ou neuf ans, après le conservatoire. Mais nous n'allions pas acheter "Mickey Magazine" après le conservatoire, parce qu'il était trop tard, c'était fermé, nous nous hâtions de rejoindre Jérémie, son grand frère, affalé devant la télé et le début du journal de treize heures et qui nous attendait pour déjeuner. On voudrait pouvoir se souvenir de chaque minute où l'on tenait les petits garçons par la main, on croit les tenir, ces minutes, mais elle sont du sable qui coule dès que la main se referme. Je me souviens en revanche, que pendant tout un temps, quand il avait huit ou neuf ans, nous allions nous promener au musée du Louvre. C'était sa période "oeuvres d'art", il prononçait le mot avec délectation comme le prototype d'un mot d'adulte, comme celui d'une langue qu'il ne possédait pas encore tout à fait. A l'époque on pouvait encore se garer devant l'Académie Française, mais les places étaient rares. Avec un peu de ruse et persévérance on pouvait s'y glisser. Nous empruntions alors la passerelle du pont de Arts main dans la main, nous arrêtions devant les bateleurs et nous entrions la cour carrée qui est la plus belle cour du monde (en hiver, à la nuit tôt tombée, l'éclairage la transforme en château de contes de fées.) Nous nous attendions à voir surgir des traines-rapières du temps de louis XIII enveloppés dans de grands manteaux ou des ministres à fraise conspirateurs. Nous allions nous ébahir devant l'immensité des noces de Cana et je l'emmenais à chaque fois revoir mon tableau préféré, la "Diseuse de bonne aventure" du Caravage (il se demandait bien ce que je lui trouvais, c'est encore un mystère pour lui aujourd'hui.) Ensuite nous allions acheter un petit souvenir, le plus souvent une carte postale (le maître d'école de Van Oestade, par exemple) dans les nouvelles galeries souterraines de Peï. J'avais moi-même pour souvenirs enfantins du Louvre ceux d'un bâtiment noir et froid, souvent désert, mais infiniment attirant et mystérieux. J'avais rêvé de m'y perdre et d'y rencontrer Belphégor (pas celle , nullissime, de Sophie Marceau mais la vraie, celle de Juliette Gréco qui avait en son temps scotché la France entière devant sa télé en noir et blanc.) Les nouvelles salles des antiquités égyptiennes, mises en scène, théâtralisées, ont perdu leur poussière, leur désordre, et les menaces tapies au fond des tombeaux ne font plus frissonner. Côté peinture, les Rubens qui m’affolaient à dix ans, comme les grosses glaces à la crème, sont encore mieux en chair dans la salle Médicis que dans celle des Etats.
la nostalgie, celle qui ne sera jamais plus ce qu'elle était. Elle m'assaille par vagues de plus en plus serrées, à cette heure, ce jour, cette semaine, ce mois qui filent à la vitesse d'un paysage à la fenêtre d'un wagon de chemin de fer. C'est comme un flot, une marée montante, un cheval au galop. Aujourd'hui, nous nous étions assis avec Nathan, comme nous le faisons presque tous les mercredis, depuis qu'il est assez grand pour boire du café, à la terrasse du Rostand, qui lui non plus n'est plus ce qu'il était (par exemple dans le film de Jean Eustache, la "Maman et la Putain"), Les banquettes en moleskine verte ont été remplacées par du mobilier en osier et la terrasse n'est plus fermée par un aquarium, les tables sont plus serrées. Il n'y a plus de vieux garçons en gilets mais des jeunes (et aussi de jeunes demoiselles) en jean et veste noires. Le Rostand était un café sans style, mais chaleureux. Maintenant il a du style, un mixed de colonial et de chalet suisse, et un peu de chaleur en moins. Quoiqu'il en soit, le Rostand possède un grand mérite : il existe encore. (imaginez que nous nous soyons donné rendez-vous à la Bûcherie, par exemple.) Nathan m'a rappelé un souvenir de son enfance : chaque mercredi je lui achetait "Mickey magazine". Je ne m'en souvenais plus. J'ai fouillé dans ma mémoire, en vain. C'était comme un champ de ruines. Je voulais retrouver une image du petit garçon d'alors que je tenais par la main. J'ai fini, à force de me concentrer pendant qu'il commentait nonchalamment la beauté des filles qui passaient devant nous, à en inventer une, qui se distingue des vraies par son manque absolu de relief : la maison de la presse de la rue Feray à Corbeil Essonne, quand il avait huit ou neuf ans, après le conservatoire. Mais nous n'allions pas acheter "Mickey Magazine" après le conservatoire, parce qu'il était trop tard, c'était fermé, nous nous hâtions de rejoindre Jérémie, son grand frère, affalé devant la télé et le début du journal de treize heures et qui nous attendait pour déjeuner. On voudrait pouvoir se souvenir de chaque minute où l'on tenait les petits garçons par la main, on croit les tenir, ces minutes, mais elle sont du sable qui coule dès que la main se referme. Je me souviens en revanche, que pendant tout un temps, quand il avait huit ou neuf ans, nous allions nous promener au musée du Louvre. C'était sa période "oeuvres d'art", il prononçait le mot avec délectation comme le prototype d'un mot d'adulte, comme celui d'une langue qu'il ne possédait pas encore tout à fait. A l'époque on pouvait encore se garer devant l'Académie Française, mais les places étaient rares. Avec un peu de ruse et persévérance on pouvait s'y glisser. Nous empruntions alors la passerelle du pont de Arts main dans la main, nous arrêtions devant les bateleurs et nous entrions la cour carrée qui est la plus belle cour du monde (en hiver, à la nuit tôt tombée, l'éclairage la transforme en château de contes de fées.) Nous nous attendions à voir surgir des traines-rapières du temps de louis XIII enveloppés dans de grands manteaux ou des ministres à fraise conspirateurs. Nous allions nous ébahir devant l'immensité des noces de Cana et je l'emmenais à chaque fois revoir mon tableau préféré, la "Diseuse de bonne aventure" du Caravage (il se demandait bien ce que je lui trouvais, c'est encore un mystère pour lui aujourd'hui.) Ensuite nous allions acheter un petit souvenir, le plus souvent une carte postale (le maître d'école de Van Oestade, par exemple) dans les nouvelles galeries souterraines de Peï. J'avais moi-même pour souvenirs enfantins du Louvre ceux d'un bâtiment noir et froid, souvent désert, mais infiniment attirant et mystérieux. J'avais rêvé de m'y perdre et d'y rencontrer Belphégor (pas celle , nullissime, de Sophie Marceau mais la vraie, celle de Juliette Gréco qui avait en son temps scotché la France entière devant sa télé en noir et blanc.) Les nouvelles salles des antiquités égyptiennes, mises en scène, théâtralisées, ont perdu leur poussière, leur désordre, et les menaces tapies au fond des tombeaux ne font plus frissonner. Côté peinture, les Rubens qui m’affolaient à dix ans, comme les grosses glaces à la crème, sont encore mieux en chair dans la salle Médicis que dans celle des Etats.
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