CISCOBLOG
« Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou par un autre tour de folie de n’être pas fou.» B.Pascal
19 novembre 2010
10 novembre 2010
Pensée de la nuit N°176 : "Tandis que tous les culs sont dans des slips, se lamentait en observant depuis le seuil de sa boutique déserte le flot des passants un chapelier". Eric chevillard, l'autofictif
08 novembre 2010
J'adore les petits évènements que sont les commémorations et les anniversaires célébrés par des logos spéciaux de Google qu'on appelle Doodle, Je trouve ça très américain, ces petites attentions. En même temps savoir que Google , le robot, le Big Brother, s'inscrit dans cette culture ancestrale de politesse et de distinction ne fait que me le rendre plus familier et plus proche, ce qui est évidemment le but recherché du moteur. Fut un temps je collectionnais ces logos d'un jour. Aujourd'hui j'en ai été averti sur "Twitter", les temps changent ! Si Google n'avait pas aujourd'hui changé son Doodle, jamais nous ne nous serions souvenu des 115 ans des rayons X !
06 novembre 2010
04 novembre 2010
Toujours émoustillé par les détails croustillants de la vie des génies mathématiques, quelques potins, via "le blognote du Coyote" qui n'apporterons rien à la science sur l'après conjecture de Poincaré et le refus du prix Clay du plus sympathiquement déjanté d'entre eux : Grigori Perelman (on a les pipoles qu'on peut, non?)
02 novembre 2010
La nouvelle devise de "Mnémoglyphes" : "...essayant d'en savoir plus à propos de tout" me convient assez. Je dirais même plus : elle m'enchante
29 octobre 2010
28 octobre 2010
27 octobre 2010
"Austerlitz" de W.G. Sebald que j'avais acheté en poches il y a plusieurs semaines sur l'incitation d'une visite faite à "Norwich", un blog un peu austère mais très instructif - tout juste si je connaissais W.G. Sebald de nom - le livre m'attendait esseulé sur une quelconque paillasse à mon boulot. Après trente pages je suis littéralement sous le charme et convaincu de lire un grand auteur. J'ai appris ensuite sur Wikipedia qu'il avait, un temps, été pressenti pour le Nobel, honte à moi. Il est de la trempe d'un Claude Simon, d'un Gunther Grass de la grande époque, ou d'un Claudio Magris. C'est un écrivain de la mémoire et des lieux. Il écrit avec la mémoire et avec les lieux. Il et mort à moins de soixante ans en décembre 2001 dans un accident d'auto dans le sud de l'Angleterre pays où je croyais qu'il n'arrivait jamais d'accidents d'auto. Il n'aura jamais le Nobel. Le texte, dense, est parsemé de photos et de dessins, lieux vides, objets banaux, qui ne semblent n'avoir été placés là que dans un but explicatif, comme redoublant les longues descriptions, comme si leur auteur avait craint de ne pas avoir été suffisamment explicite ou exhaustif. Ces illustrations ne rajoutent bizarrement rien, ou si peu au texte montrant accessoirement à quel point le texte l'emporte sur les images - est-ce fait exprès pour achever leur platitude et leur disqualification ? Austerlitz est le nom d'un personnage étrange, une sorte d' "intellectuel" fou dont le mystère fait la moitié du livre, qui raconte son histoire, ses histoires, au narrateur qui nous les raconte à son tour. Cela donne d'étrange phrases hypnotiques comme : "Il y avait un peu plus d'un an, pour son dixième anniversaire, me dit Gérald, me dit Austerlitz, son oncle Alphonso lui avait offert deux pigeons gris ardoise et un autre blanc comme neige" ou bien comme "Avoir l'heure m'a toujours paru quelque chose de ridicule, de fondamentalement mensonger, peut-être parce qu'une nécessité interne que je n'ai moi même jamais réussi à comprendre m'a toujours fait regimber contre le pouvoir du temps et me tenir à l'écart de ce qu'on a coutume d'appeler l'actualité, dans l'espoir, me dis-je aujourd'hui, dit Austerlitz, que le temps ne passe pas, ne soit point révolu, que je puisse revenir en arrière et lui courir après, que là-bas tout soit alors comme avant ou, plus précisément, que tous les moments existent simultanément, auquel cas rien de ce que raconte l'histoire ne serait vrai..." et j'arrête là car la phrase continue encore une demie page se refusant à mourir sans avoir quasiment tout dit. C'est une narration par procuration, un peu comme ces fausses mémoires en réalités dictées ou tout simplement racontées au cours de quelques entretiens par des vedettes du sport ou du showbiz sauf que là, le "nègre" ne s'efface pas tout à fait, ne fait pas semblant de parler à la place du narrateur, assume son "je", se montre sur un coin de la photo, fais "coucou" en quelque sorte. Mais Austerlitz, nom de bataille, contrairement à Zidane ou Rika Zaraï, n' est qu'une fiction, un simple nom. C'est justement cette double narration qui donne au personnage un peu plus que de la présence, une existence à nos yeux - Zidane et Rika Zaraï n'en ont pas besoin - comme s'il fallait à Sebald redoubler les récits, les multiplier l'un par l'autre, à l'instar du texte et des images, pour atténuer le vacillement de l'être fictionnel. Mais vers la fin du livre tout change, deux de ces clichés qu'on croyait plats et anodins nous sautent littéralement aux yeux : ils montrent soudain trois personnages du livre. On se dit alors qu'on avait tout faux. Les images sont nécessaires au texte qui jamais n'épuisera une seule description. On les croyait imaginaires. ces personnages, produits du seul bon plaisir de l'auteur. Nous avons cependant sous les yeux les traits mêmes qui nous incitent plus que tout à croire à leur existence. Cette surprenante irruption va-t-elle nous faire croire à leur réalité ? Cela a la dimension d'une preuve (qu'on n'en cherchait pas, on se laissait bercer) mais ce n'en est pas une. fiction ou réalité, être de chair ou de papier ? La question ne sera pas tranchée : Austerlitz est une sorte de Pinocchio, pauvre créature de fiction qui aspire à être réelle... Austerlitz, le livre, c'est l'histoire de cette aspiration.
26 octobre 2010
Pensée de la nuit No 175 :"Je n'ai jamais pensé au fait que j'étais juif ; sauf quand j'étais en danger. Et encore, ma judéité ne se manifestait pas dans ces cas-là comme quelque chose "d'intérieur", mais toujours comme une négativité, une limitation, une détermination extérieure - de même qu'on se définit comme nourriture vivante face à un requin dans l'océan ou à un tigre dans la jungle. Mais on ne peut pas se contenter d'être la nourriture des autres. Je n'ai jamais pensé à la religion : je ne la comprend tout simplement pas, qu'il s'agisse par exemple de la religion juive ou du bouddhisme, de la religion des adorateurs du feu, des serviteurs de Kali ou encore celle des mormons. Pourtant ma judéité m'a permis de vivre l'expérience universelle d'une existence humaine assujettie au totalitarisme. Donc si je suis juif, je dis que je suis négation, négation de tout orgueil humain, négation de toute sécurité, des nuits tranquilles, de la vie spirituelle paisible, du conformisme, du libre chois, de la fierté nationale - je suis la page noire des triomphes qui ne laisse pas transparaître l'écriture, je suis une négation, non pas juive, mais une négation humaine universelle, un mané, theckel, pharès sur le mur de l'oppression totale" Imre Kertesz, Journal de Galère, Actes Sud
25 octobre 2010
24 octobre 2010
Je viens tout juste de comprendre à quoi servaient les hashtags sur Twitter et je suis tout excité (tout croq comme dit Nathan). Vous qui pensiez, comme moi que les hashtags ne servaient à rien ou que la seule lecture de ce mot (traduction : tag de dièse, traduction : trace de dièse, ou plutôt dièse de trace (de mieux en mieux...)) plongeait dans des abîmes de perplexité ou d'ennui, détrompez-vous. Comme vous le savez, depuis peu, et je ne m'en excuse pas, j'inonde vos fils twitter de notes de lectures en 140 signes sans lesquelles votre vie ne serait que grisaille, mais le problème c'est qu'elles elles se joignent au flux, se noient dans le flot des nouvelles du monde ou de vos nombrils. J'ai un mal fou à les retrouver dans mon propre fil. Vous même ne savez pas comment collectionner ces précieuses notations. Eh bien ne vous inquiétez pas. Papa Ciscoblog a trouvé la solution : Le hashtag! A partir de maintenant et jusqu'à nouvel ordre qu'on se le dise : le hashtag "notedelec" (pour note de lecture, évidemment) sera ajouté systématiquement derrière toute note de lecture postée par "Ciscoblog" sur Twitter. Mais rien ne vous empêche d'en faire autant. N'hésitez surtout pas à envoyer des tweets sur vos lectures à la mer en les tagant "notedelec" et nous aurons ainsi créé à nous tous la première metabibliothèque borgesiène du Web! (je sens que mes vieux jours vont être assurés)
23 octobre 2010
Sur internet c'est la mode des cartes de métro. On a déjà vu la carte de métro des sciences, la carte de métro du rock Voici maintenant la carte de métro du cinéma ou plus exactement celle des 250 meilleurs films de tous les temps selon l'IMDb, le plus visité des sites de cinéma. Cette carte a été réalisée sur le site Vodkaster, un site français, me semble-t-il, où vous pouvez aussi chercher et trouver des extraits "cultes" ou des extraits commentés de tous vos films favoris. "Vodkaster" saute d'ailleurs illico en LCD
20 octobre 2010
17 octobre 2010
16 octobre 2010
14 octobre 2010
12 octobre 2010
Pensée de la nuit N°174 : "Pitoyable amour-propre qui me fait détourner les yeux avec une indifférence feinte de cette femme superbe que tout le monde regarde, parce que je suis sûr qu’elle ne me remarquera pas, mais dans l’illusion pourtant qu’elle remarquera mon dédain et s’en trouvera humiliée comme je le suis déjà par anticipation du sien – et ne réussissant au bout du compte qu’à me priver du plaisir de regarder comme tout le monde cette femme superbe." Eric Chevillard, l'Autofictif
11 octobre 2010
Je prends des notes en lisant. Je l'ai toujours fait. Qu'il s'agisse d'essais ou de romans, bien que pour les romans cela soit plus disparate. Je n'ai jamais eu honte de souligner dans le livre même, sur le papier, dans les marges ou sous le texte y compris avec des bics à l'encre indélébile. Peu importait même si la soulignure débordait, déviait et venait biffer le texte même qu'elle voulait distinguer. Je souligne comme un cochon, disons le tout net. Je ne suis pas de la génération des surligneurs et des encres transparentes. Qu'importe, les notes c'est la substantifique moelle, le petit lait, le miel, l'élixir, le dégraissé. Je me suis toujours étonné qu'en les relisant, mais je ne le fais que très rarement, je ne sois pas plongé dans quelque chose qui soit comme le carré, le cube, ou plutôt la racine cubique du livre que je venait de lire, l'essentiel, l'illumination, le concentré. Il m'est même arrivé de rêver qu'une divinité à la Borges, sorte de lecteur ultime, de meta meta lecteur, eut été capable de compiler ces notes en un seul carnet de notes, le carnet de notes de mes carnets de notes, en en tirant le dernier suc, pour ainsi dire l'ultime jus qui aurait été le livre de tous les livres ou même la page de tous les livres. Mais je reviens au trivial. Il est en principe toujours prévu que je retranscrive ce que j'ai ainsi glané et mis en exergue. Actuellement c'est dans le calepin Clairefontaine du moment. Avant, j'en remplissais méthodiquement de beaux cahier à petits carreaux bien reliés que je rangeais à côté de mes livres dans les étagères de la bibliothèque. J'en ai maintenant un petit rayon, de plus en plus poussiéreux, mais j'ai arrêté depuis longtemps, pour des raisons qui m'échappent comme les rêves nous échappent. Je ne me sers pas de ces notes, elles ne me servent à rien, je ne les consulte pour ainsi dire jamais, sauf pour me souvenir d'autre chose, par exemple de ce qui se passait dans ma vie au moment où je lisais tel ou tel livre. Je ne consulte d'ailleurs pas plus les calepins Clairefontaine qui s'amoncellent par dizaines, à même le plancher, sous les rayons de la même bibliothèque. Ce sont des archives, les archives de ma vie, des lambeaux d'archives, plus précisément, avec des trous, des lacunes de plusieurs années, écrites en pattes de mouche, de plus en plus illisibles à mesure que l'âge avance. Elles attendent, disons, les archéologues des mondes post-atomiques. Je pense que cette activité, prendre des notes en lisant, est une des rares choses que je n'ai jamais cessé de faire avec me curer le nez quand je crois qu'on ne me voit pas. Fumer, boire, manger du gras, jouer au flipper j'ai arrêté. Mais pas de prendre des notes. Il n'est pourtant pas sûr qu'un livre dont je n'ai pas tiré plus d'une note soit un si bon livre que ça. Ce qui ne veux pas dire que tout bon livre qui m'est passé sous les yeux ait été ainsi "jivarisé", réduit comme une vielle pomme, comme une tête d'amérindien malchanceux à la guerre et accrochée à la ceinture du vainqueur, il y en a qui sont passé entre les gouttes, qui ont évité la moulinette, qui n'ont simplement pas été annotés. Mais pas beaucoup. C'est une habitude, une manie pas plus sale qu'une autre, voilà tout. Donnez un livre à une dizaine de lecteurs et demandez leur de les annoter. Vous pouvez être sûrs qu'aucun d'entre eux ne vous rendra la même liste. Dis moi comment tu annotes et je te dirai qui tu es. Aucun auteur ne peut résumer son livre à ses, mettons dix phrases essentielles. N'importe quel étudiant de première année un peu sérieux le peut ? J'en ai même connu un, quelqu'un de très proche, qui a prétendu avoir résumé les essais de Montaigne en dix phrases (ce qui jette un large doute sur la réalité de la chose écrite et sur sa prétendue supériorité sur la parole : qu'est-ce qui me prouve que tous les exemplaire d'un même tirage soient identiques, qu'il ne s'agisse pas de dix milles histoires différentes, de dix milles théories contradictoires) Gros avantage du cancre sur le prix Nobel de littérature. Un carnet de note est une décoction de livres. C'est bon comme les queues de cerise. On peut soigner des maladies avec : l'angoisse de la page blanche, la panne sèche, la dépression et j'en passe. Mais ce qui est bon pour la santé a souvent un goût détestable. Pas plus que le syllogisme faux un carnet de notes passe facilement par la bouche. Aucune compilation, aucun résumé n'aura jamais la saveur gouleyante d'une œuvre. Je me plaît à imaginer parfois un livre dont on ne pourrait tirer qu'une seule note, une seule citation : le livre lui même dans son intégralité, ou à l'inverse un pavé d'un kilo qui ne serait composé que d'un seul extrait qui serait son propre résumé. Je ne l'ai pas encore rencontré. Mais laissons là les spéculations et l'incertitude. Venons en à ce pourquoi j'ai commencé à écrire ces lignes sans queue ni tête. La jivarisation des œuvres est-elle elle même une œuvre ? La joyeuse bande de de l'Oulipo l'a pratiquée et la pratique encore : Ils transforment des odes en haïku et des sonnets en distiques aussi facilement qu'un marin retraité réussit à loger des modèles réduits en allumettes de la Sagrada Familia avec les échafaudages et tout dans des bouteilles de rhum à la chaîne. Il existe un site, que vous pouvez trouver sur ce blog, en LCD depuis plusieurs années, "Angry Alien" pour ne pas le nommer, qui pratique la jivarisation des films en dessins animés de trente secondes, avec des lapins, d'autres, dont je ne me souviens plus du nom mais vers qui j'ai tissé naguère un lien, j'ai la flemme de le retrouver là maintenant, qui résument les "Sopranos" en sept minutes (on suit toute l'histoire sans difficultés) d'autres encore qui font tenir le Roi Lear ou Henri VI, les deux parties compressées, en un seul SMS. Vous ne me direz pas que l'on ne gagne pas de temps. Twitter, avec ses cent quarante signes a érigé la jivarisation en institution sociale et sanctifié le résumé. La contrainte du Tweet est à peu près la même que celle de l'Alexandrin. C'est la nouvelle métrique. Si la poésie est une reformulation contrainte de la parole libre, alors je l'ai déjà dit ; il y a toute une poétique de Twitter. C'est pourquoi, à partir de maintenant, au lieu de les consigner besogneusement dans mes carnets à petits carreaux j'enverrai mes notes de lecture à la mer. Elles iront se fondre dans le flot universel, là juste à ma gauche, sur la LCG (La Colonne de Gauche). Ceux qui m'aiment prendront Twitter. Sinon, rien de grave. Gloire à Twitter.
07 octobre 2010
05 octobre 2010
L'air du temps, 3
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"Puisque je sais que le réel n'est réel en rien, comment puis je croire que les rêves sont rêves ?" dit le sage. Parfois j'arrive à penser que les arguments de la pub télé sont admissibles : je veux bien croire que l' Alpha Giuilleta est faite de la même matière que les rêves ou que Chrysler construit des hôtels sur roues et non des voitures. Je veux bien que cela renforce l'apparence onirique du monde. Ce sont des biens de consommation au même titre que les téléphones ou les petits pois Bonduelle. Mais j'ai plus de mal avec les biens dits culturels. Cette pub pour Jonas Kauffman, par exemple, nouveau ténor de service, m'énerve, bien que je n'aie rien contre Jonas Kauffman personnellement entendez le bien, il a un beau petit filet de voix à ce qu'on nous montre (et Roberto Alagna, il est où ?) Les automobiles sont produites à la chaîne et les petits pois cultivés dans les champs. On ne peut tout de même pas en dire autant d'un ténor qui n'en n'est pas moins homme et qui demeure à ce titre un être unique. Cela me rappelle mon patient Noureddine, ouvrier, qui se révoltait : "Ce n'est pas parce que je fabriques des produits finis que j'en suis un!"
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04 octobre 2010
03 octobre 2010
01 octobre 2010
Il y a un an presque pour jour Philip Roth ratait, une fois de plus, le prix Nobel de littérature. Nous voici déjà en octobre cette année et Philip Roth est donc sur le point de perdre à nouveau le Nobel. Nous en avons pris l'habitude. Cette incompréhensible injustice des tout-puissants notables suédois chauves et anonymes commence à nous gonfler. De même que commence à nous gonfler l'insistance d'éditeurs rapaces et imbéciles a vouloir publier un livre de Roth tous les ans juste avant l'annonce du prix de peur de rater ses juteux dividendes. Mais je m'échauffe, je radote, je m'indigne, je ne voulais parler que du pouvoir d'évocation inouï de la littérature. Comment dire cela : je viens d'entamer "Indignation" de Notre auteur favori et voilà que je me prends déjà pour le narrateur (Cliquez ici si vous vous voulez en savoir plus sur les apories du narrateur rothique). Dès la quatrième page tout est en place : je ne sais plus de qui Roth parle, de son héros, de lui, de vous, de moi. Je me sens plongé soudain dans l'histoire de ma propre vie, même si les époques, les protagonistes, les décors, évidemment, ne correspondent pas, enfin ne correspondent pas tout a fait. C'est une histoire de père et de fils. Peu importe que le père soit boucher ou confectionneur, que le fils soit étudiant en droit ou en médecine peu importe même que le père soit un père ou une mère et que le fils soit un fils ou une fille, peu importe même que l'histoire soit une histoire. Tout est ficelé, vissé, serti à merveille. Ce fils porte tous les espoirs de son père. Il en porte aussi toutes les angoisses. Bien qu'il en soit ainsi probablement pour tous les pères et tous les fils de tous les temps, c'est le génie d'un écrivain de la trempe de Roth d'en faire le sujet d'un livre avec autant d'évidence. Dès lors il y a une équivalence entre angoisse et espoir. J'ai porté tous les espoirs de mon père. Et aussi ses angoisses. C'est une révélation. Pas au sens des juges, au sens des photographes. C'est en lisant, maintenant, cette histoire, qu'on pourrait prendre pour celle de Roth et qui ne l'est pas, que je m'en rends compte avec autant d'acuité. C'est comme si je le découvrais seulement maintenant. Non, pas "comme" : je le découvre seulement maintenant, malgré des années d'analyse et d'introspection nombriliques. Premier de toute ma famille à faire des études supérieures ou presque, non, pas "presque" : le premier. Mon frère fut le second. il y en eu d'autres, certes, mais parmis les cousins et les petits cousins, pas en "ligne directe", je peux remonter de tous côtés jusqu'aux arrières arrières grand parents. A partir de là, je sais que, semblable aux froides Parques, Roth dévidera inexorablement le fil de la tragédie et le tranchera net à la fin, montrant ce qu'il en coûte aux pères de trop aimer leurs fils, à quels désastres conduisent la passion de la perpétuation et la folie de l'indifférenciation. Marcus Messner, alias vous et moi, héros au sens grec du terme, sacrifié, marchant vers un destin inexorable, le payera sans comprendre et n'embrassera jamais que sa mort, persuadé de sa propre autonomie, de son intégrité morale et de défendre l'héritage de ses parents et de la civilisation occidentale. Et moi, lecteur impuissant, j'entrerai transi de peur dans ce grand théâtre.
30 septembre 2010
28 septembre 2010
22 septembre 2010
Je trouve cette photo de Daguerre lui même, prise en 1838 ( moins de 25 ans après Waterloo, plus de 30 ans avant la Commune) incroyablement émouvente : le site "La Boite Verte" qui l'a mise en ligne, nous apprend de plus que ce serait le premier cliché au monde à montrer un être humain. Nous sommes sur le Boulevard du temple à Paris (celui des "Enfants du Paradis"). Les temps de pause très long de l'époque (plusieurs dizaines de minutes paraît-il) interdisaient de capter les objets en mouvement qui, du fait, se fondaient dans la grisaille et le flou ne laissant place qu'aux objets inanimés, donnant cette impression de désert et de froideur qu'on voit sur toutes les photos de la même époque, comme par exemple sur les célèbres cliches des rues de Paris d'Adget pris vingt ans plus tard. Ce n'est pas parce que Flaubert nous dit que comme il faisait une chaleur de trente trois degrés à l'ombre le boulevard Bourdon était absolument désert que nous allons croire que les "grands boulevards" du début du XIX°siècle étaient moins animés que de nos jours. C'est simplement que la foule et les voitures à cheval échappaient aux possibilités rudimentaires des appareils d'alors. Mais sur cette photo, il y a un miracle : vers le coin inférieur gauche, au début de la promenade du boulevard, on distingue très nettement comme une ombre, un fantôme, qui a echappé aux limbes du floutage. Il est restré à peu près immobile pendant les dix ou vingt minutes de la pause, le pied gauche appuyé sur la boite du cireur de chaussures avec lequel il taille une interessante bavette et ainsi, incroyablement, son image s'est gravée pour l'eternité sur la pellicule (il s'agissait de "plaques" en papier, nous précise "La Boite Verte") Cela dit, moi je pense que ce cliché pourrait tout à fait être un faux. On aurait pu très bien rajouter, d'une simple "retouche", le personnage en ombre chinoise. Je trouve que sa taille est un peu bizarre par rapport à celle des immeubles et celle des arbres. Les proportions ne collent pas tout à fait. Ou alors c'est un effet de mon rationnalisme forcené et de ma méfiance pour les images. Je ne sais pas. Quoiqu'il en soit, plaisantin ou pas, le mystère de cet homme qui se fait cirer les pompes sur le boulevard du temple en 1838 me plait. On pourrait en déduire tout un roman, les "Illusions perdues" par exemple, ce quidam n'étant autre que Lucien de Rubenpré lui même, nous donnant par là la preuve irréfutable que les romans sont plus vivant que la réalité. D'ailleurs, comme le cliché ci dessous nous le démontre à merveille, la modernité existait déjà au XIX° siècle : la plus haute tour du monde y mesurait déjà 808 mètres (photos via "la boiteVerte") (euh...cliquez sur "la boite Verte" je n'arrive toujours pas à afficher les liens avec une autre couleur dans la nouvelle version de Blogger)
18 septembre 2010
15 septembre 2010
J'ai inexplicablement égaré les deux derniers calepins Clairefontaine où je griffonne tout ce qui me passe par la tête tous les jours, souvent en n'en faisant qu'une simple recension toute plate. Je pensais les avoir rangé quelque part, à l'abri. trop bien rangés, cachés même puisque je ne les retrouve pas. Je perd la boule comme disais nos grands parents. C'est aussi un peu comme si j'avais perdu un petit bout de moi. Oh, un petit bout sans importance, un petit bout d'ongle, une crotte de nez, si vous voyez ce que je veux dire, mais un petit bout de moi tout de même. Des carnets Clairefontaine comme ça, j'en ai des dizaines dans mes archives (je ne les encore pas perdus dans tous mes déménagements) je ne les consulte pratiquement jamais, pas plus que je ne vérifie pas tous les soirs le nombre des rides de mon coude, mais je sais qu'ils sont là dans un coin des étagères.Ça m'énerve de ne plus les retrouver. Je ne retrouve plus mes affaires en ce moment, d'ailleurs. Je ne sais pas où j'ai la tête (si, en fait) J'ai du interrompre, faute de "matière" la série que je prévoyais grandiose sur le "Voyage à Paris". Étant totalement incapable d'aligner, de tête plus de deux souvenirs de ce dernier mois de juin pourri, le jeu ayant été justement de pouvoir faire la recension de ce qu'évidemment je n'aurais pas été capable de me rappeler après quelques semaines et qui serait tombé dans le les légitimes pertes et profits de l'oubli. Je ne me suis d'ailleurs pas résolu à entamer un nouveau calepin Clairefontaine vierge, comme pour dire qu'il me fallait coûte que coûte retrouver les précédents, comme s'il fallait que le trou ne se referme jamais. C'est une manie stupide, une fétichisation pour ainsi dire. Du coup je me suis trouvé incapable de bloguer tout l'été, jusqu'à me demander si je n'allai pas arrêter Ciscoblog. Bon, J'ai peut être enfin digéré la perte et réussi à tourner la page mais je ne suis pas encore tout à fait sûr d'avoir franchi le cap (ou guéri de ce contretemps fâcheux, maladie bénigne ou blessure superficielle, appelez ça comme vous voulez). Ce billet sans importance en est comme la preuve encore incertaine. A voir.
31 août 2010
Première rentrée loin de Paris. Même pas mal! Après le travail, nous flânons dans les vielles rues. L et O, qui rentrent un peu plus tard dans la semaine sont venues me rejoindre après les premières courses. c'est un soir très beau, après une après-midi radieuse. Il fait doux. Une vraie douceur de fin d'été. Nous allons dîner au Douzil, un bar à vins sympathique et sans façons. Après, elles retournent à C.M. me laissant à ma première garde. "Tout est calme dans Ur et dans Jerimadeh", dit le poème. De même à Cahors en ce dernier soir d'aout. Retour à la civilisation dans la grande maison déserte au bord de l'eau, où les fourmis volantes s'immiscent par les croisées entrouvertes à l'espagnolette : je me branche à nouveau sur le monde. De l'étrange lucarne sourdent vers moi les fascinantes et incompréhensibles images de "cauchemar en cuisine" sur W9.
27 juillet 2010
L'Air du temps, 2
J'ai entendu ce soir, à la radio de bord, en rentrant tard du travail, à cette heure de l'été aux ombres caressantes où le jour, rechignant pour une fois à mourir, tarde à laisser la place à la nuit, me laissant porter par le rythme chaloupé de la route au soleil couchant, un dialogue entre Isy Morgenstein et Jean Ruaud dont je n'ai pas tout de suite saisi le thème, l'ayant passablement pris en marche. Tout d'abord, je n'ai écouté que d'une oreille, occupé que j'étais à me vider lentement des soucis du jour. Il y était question de bonheur et de collectif. Morgenstein disait à peu près qu'il ne pouvait y avoir de bonheur qu' "éprouvé ensemble", que cela faisait partie de la condition humaine. Il disait même que "l'éprouvé ensemble" n'était d'ailleurs probablement que la seule condition du bonheur. Il a alors donné à l'appui de son argument un exemple qu'immédiatement je n'ai pu que reprendre à mon compte. Bon, là je fais donc une pause, puisque je suppose que vous venez de cliquer sur le lien. Je vous laisse le temps de lire le post daté de 2003 sur lequel vous a amené votre clic. Vous y lisez qu'il était question du souvenir d'une représentation par le Théâtre du Soleil au moins trente ans plus tôt de "La Cuisine", d'Arnold Wesker, mais pourquoi le résumer à nouveau, en 2010, puisque vous venez de le lire - maintenant, pour pouvoir suivre la suite, il faut vraiment que vous ayez cliqué sur le lien - ce que je voulais dire, c'est que là dans ma petite auto, au soir tombant si doucement, dans les virages de ce si beau paysage, je venais d'entendre quelqu'un qui avait ressenti la même émotion que moi il y a trente ans. Toujours le fameux syndrome de Stendhal, je vais pouvoir en écrire des tonnes sur le syndrome de Stendhal maintenant que j'ai un alibi aussi culturel. A cette époque maintenant révolue comme disait Morgenstein, on pouvait encore monter des pièces avec une trentaine d'acteur, ce qui est quasiment impossible de nos jours. C'était le temps des troupes, des collectifs. Ce que voulait dire Morgenstein, à cette heure si belle de ce soir si beau, c'était la même chose que je disais en 2003, la même chose que nous avions éprouvé ces soirs de 1967 (eh oui, 1967... quarante ans plus tôt) c'était non seulement le bonheur d'avoir éprouvé ensemble la même émotion parce que si ce n'était que ça, cela serait seulement tautologique, mais d'avoir pu le faire. Je dis bien d'avoir pu le faire, l'éprouver. Il y aurait du bonheur dans le seul fait qu'on au aurait pu réussir à faire quelque chose ensemble. Un groupe, c'est vrai, ça ne peut pas marcher. C'est trop compliqué, il y trop de facteurs, il y a toutes les chances que ça foire. C'est inouï que tout le monde aille ensemble, malgré les engueulades et les divergences d'intérêts individuels. Et pourtant quand ça marche, c'est la grâce. On l'a fait. Gagner la finale de la coupe du monde, regarder le feu d'artifice, sans se bousculer, jouer une pièce de théâtre, faire la cuisine pour cent personnes. C'est le même : ce n'était pas gagné d'avance, tout concourrait même à l'échec, à la bousculade, à la panique, mais on l'a fait, et nous, on vous a regardé le faire, on vous a regardé vous exténuer et triompher, c'était un peu notre triomphe à nous, dans ce beau soir d'été au théâtre en rond de la rue Montmartre il y a quarante ans de cela,j'en rêve encore. Le bonheur, disait Morgenstein, c'était l'émotion esthétique, "l'éprouvé" ajouté au "ensemble" : de l"émotion esthétique" pour soi tout seul, c'est possible (le collectionneur devant son Caravage dans sa cave blindée) cela s'appelle de la "consolation" mais le bonheur de l'émotion esthétique et par suite le bonheur tout court c'est forcément "éprouvé ensemble" (non pas la foule devant la vitre pare balles de la Joconde au Louvre, quoi que, mais la troupe de théâtre à la fin de la représentation plus sûrement ou l'équipe posant la dernière clé d'arc du viaduc de Millau) Le bonheur n'est pas jouir de quelque chose déjà donné mais de jouir de le fabriquer, de le produire, de le faire advenir contre toute attente. Le bonheur c'est l'adéquation qu'il y a entre la perfection de l'œuvre d'art et la performance qu'il a fallu réaliser pour l'accomplir. La reconnaissance de la performance, plutôt : ce n'est qu'au moment même où nous la reconnaissons comme le fruit du travail inouï d'êtres humains comme vous et moi que le sentiment de bonheur peut nous étreindre la gorge comme dans l'or des soirs d'été les derniers feux du couchant.
J'ai entendu ce soir, à la radio de bord, en rentrant tard du travail, à cette heure de l'été aux ombres caressantes où le jour, rechignant pour une fois à mourir, tarde à laisser la place à la nuit, me laissant porter par le rythme chaloupé de la route au soleil couchant, un dialogue entre Isy Morgenstein et Jean Ruaud dont je n'ai pas tout de suite saisi le thème, l'ayant passablement pris en marche. Tout d'abord, je n'ai écouté que d'une oreille, occupé que j'étais à me vider lentement des soucis du jour. Il y était question de bonheur et de collectif. Morgenstein disait à peu près qu'il ne pouvait y avoir de bonheur qu' "éprouvé ensemble", que cela faisait partie de la condition humaine. Il disait même que "l'éprouvé ensemble" n'était d'ailleurs probablement que la seule condition du bonheur. Il a alors donné à l'appui de son argument un exemple qu'immédiatement je n'ai pu que reprendre à mon compte. Bon, là je fais donc une pause, puisque je suppose que vous venez de cliquer sur le lien. Je vous laisse le temps de lire le post daté de 2003 sur lequel vous a amené votre clic. Vous y lisez qu'il était question du souvenir d'une représentation par le Théâtre du Soleil au moins trente ans plus tôt de "La Cuisine", d'Arnold Wesker, mais pourquoi le résumer à nouveau, en 2010, puisque vous venez de le lire - maintenant, pour pouvoir suivre la suite, il faut vraiment que vous ayez cliqué sur le lien - ce que je voulais dire, c'est que là dans ma petite auto, au soir tombant si doucement, dans les virages de ce si beau paysage, je venais d'entendre quelqu'un qui avait ressenti la même émotion que moi il y a trente ans. Toujours le fameux syndrome de Stendhal, je vais pouvoir en écrire des tonnes sur le syndrome de Stendhal maintenant que j'ai un alibi aussi culturel. A cette époque maintenant révolue comme disait Morgenstein, on pouvait encore monter des pièces avec une trentaine d'acteur, ce qui est quasiment impossible de nos jours. C'était le temps des troupes, des collectifs. Ce que voulait dire Morgenstein, à cette heure si belle de ce soir si beau, c'était la même chose que je disais en 2003, la même chose que nous avions éprouvé ces soirs de 1967 (eh oui, 1967... quarante ans plus tôt) c'était non seulement le bonheur d'avoir éprouvé ensemble la même émotion parce que si ce n'était que ça, cela serait seulement tautologique, mais d'avoir pu le faire. Je dis bien d'avoir pu le faire, l'éprouver. Il y aurait du bonheur dans le seul fait qu'on au aurait pu réussir à faire quelque chose ensemble. Un groupe, c'est vrai, ça ne peut pas marcher. C'est trop compliqué, il y trop de facteurs, il y a toutes les chances que ça foire. C'est inouï que tout le monde aille ensemble, malgré les engueulades et les divergences d'intérêts individuels. Et pourtant quand ça marche, c'est la grâce. On l'a fait. Gagner la finale de la coupe du monde, regarder le feu d'artifice, sans se bousculer, jouer une pièce de théâtre, faire la cuisine pour cent personnes. C'est le même : ce n'était pas gagné d'avance, tout concourrait même à l'échec, à la bousculade, à la panique, mais on l'a fait, et nous, on vous a regardé le faire, on vous a regardé vous exténuer et triompher, c'était un peu notre triomphe à nous, dans ce beau soir d'été au théâtre en rond de la rue Montmartre il y a quarante ans de cela,j'en rêve encore. Le bonheur, disait Morgenstein, c'était l'émotion esthétique, "l'éprouvé" ajouté au "ensemble" : de l"émotion esthétique" pour soi tout seul, c'est possible (le collectionneur devant son Caravage dans sa cave blindée) cela s'appelle de la "consolation" mais le bonheur de l'émotion esthétique et par suite le bonheur tout court c'est forcément "éprouvé ensemble" (non pas la foule devant la vitre pare balles de la Joconde au Louvre, quoi que, mais la troupe de théâtre à la fin de la représentation plus sûrement ou l'équipe posant la dernière clé d'arc du viaduc de Millau) Le bonheur n'est pas jouir de quelque chose déjà donné mais de jouir de le fabriquer, de le produire, de le faire advenir contre toute attente. Le bonheur c'est l'adéquation qu'il y a entre la perfection de l'œuvre d'art et la performance qu'il a fallu réaliser pour l'accomplir. La reconnaissance de la performance, plutôt : ce n'est qu'au moment même où nous la reconnaissons comme le fruit du travail inouï d'êtres humains comme vous et moi que le sentiment de bonheur peut nous étreindre la gorge comme dans l'or des soirs d'été les derniers feux du couchant.
24 juillet 2010
L'Air du temps, 1
Philippe Forest, l'inoubliable auteur de "l'Enfant Éternel" roman de la mort de sa fille à l'âge de quatre ans d'un cancer des os. Roman, oui, et redoublé même par un deuxième roman, un an plus tard, "Toute la Nuit", puis d'un troisième, dix ans plus tard "Tous les Enfants sauf Un" et encore d'un quatrième, "Sarinagara" où il redit encore la douleur de sa collision avec la grande banquise du réel tout en continuant de s'enfoncer dans l'écriture qui est, comme le dit G. Bataille, l'espace même de la séparation et de la cruauté indicible avec une honnêteté et un vitalité qui force l'admiration : "J’écris toujours afin de pouvoir cesser de le faire. Mais je n’y parviens pas". Il va publier son cinquième roman "Le Siècle des Nuages" Sur le vingtième siècle et son père. Je l'attends avec impatience en lisant le volume 5 de son "Alphabled" qui regroupe ses essais critiques (il sait de quoi il parle, quand même, il est prof de littérature comparée). Shakespeare, le grand Will. Une mise en scène à la télé en presque primetime en direct d'Avignon et de la cour du Palais des Papes balayée par le mistral nocturne, comme il se doit. C'est bien la preuve que plus personne ne regarde la télé : on peut passer même le festival d'Avignon et une mise en scène très aride de Richard II (JB Sastre) l'une de ses pièces les plus énigmatiques, l'une de celles où il rigole le moins (avec le "roi Lear") et personne ne s'en aperçoit. Quel est donc cet étrange objet, me suis-je d'abord demandé ? De quel épusode du "Loft" s'agit-il donc ? Cela ressemble à du théâtre, à ce qui me semble, du théâtre en direct, je crois bien, et en direct du festival d'Avignon qui plus est ! Ça existe encore ce truc là ? des acteurs vivants qui déclament et gesticulent sur une scène nue devant des ruines ? Pouah! C'est dégueulasse ! À l'heure où les enfants se vautrent encore sur les canapés ! Pour qui nous prend-t-on ? On rentre chez soi après une dure journée de travail, bien crevé, on s'écroule devant la télé, on veut zapper entre "Secret Story" et "Belle toute nue" comme tout citoyen hébété qui se respecte et toc, tout ce qu'on trouve à nous montrer c'est Richard II en direct d'Avignon. de qui se moque-t-on, je vous le demande. Assez de tous ces alibis culturels incohérents, Rendez nous notre télé réalité quotidienne!
22 juillet 2010
20 juillet 2010
13 juillet 2010
Voyage à Paris, 1.5
Les matinées à la clinique se suivent et se ressemblent sous le ciel gris . Un évènement plutôt gai voire drôle me sort de la routine et flatte mon ego : On chasse ma tête, si je peux m'exprimer ainsi. Les professionnels de mon espèce sont si rares que me voilà devenu une denrée précieuse. Je reçois des propositions plus qu'honnêtes pour un job dans une autre clinique du groupe (qui en exploite plus de quinze dans toute la France, et achète les autres à tour de bras, excusez du peu). Le "siège" de ce groupe se situe justement à la clinique de B ; C'est même le château dont nous avons déjà parlé qui l'abrite. Vaste pièce parquetées, plafonds à caissons, cheminées monumentales abritent les centres de commandement, les secrétaires de direction en tailleur et la direction générale du département "psychiatrie"de cette prospère entreprise en expansion. On me propose de rencontrer le grand manitou en personne dans quelques jours. Je décide de me prêter au jeu en toute tranquillité, certain de ne pas vouloir quitter Cahors où le travail et la ville me plaisent. Mon ex-curé borderline va nettement mieux , tandis que mon financier surmené broie toujours du noir...Pluie battante tout l'après midi. Une petite accalmie le temps d'une visite au cimetière de Bagneux sur la tombe de mon père, calme bloc ici bas chu forcément d'un désastre obscur, que, selon le rite, nous décorons de petits cailloux bleus et solitaires. Plus tard j'essaie de chasser mon spleen avec une descente du Boul'mich où je suis tout à coup pris d'une faim anormale, véritable fringale, alors que j'ai déjeuné à la clinique, qui m'oblige à manger un truc au plus vite. J'entre au Monop du boulevard, celui qui est presque en face de chez Gibert, qui fut dans le temps lointain des années soixante un restaurant universitaire puis plus tard une sorte de Mac'do avant la lettre (Wimpy peut être, mais plus probablement Mac'do lui même qui a fini par acheter plus grand au coin de la rue Soufflot le successeur du café Maheux) Je n'y trouve évidemment rien qui convienne à mon régime. Je finis par me rabattre sur une sorte de sandwich nouvelle cuisine, qu'on appelle un wrap, un wrap de "poulet à la thaï", au goût absolument infect, je ne suis pourtant pas difficile quand la fringale me prend, immangeable mais que je mange quand même et que je fais descendre tout en poursuivant ma descente à pied avec un pack de jus de framboise cent pour cent naturel de marque "Innocent" (sans blague) contenant, quand j'en regarde la composition, intrigué que je suis par son goût bizarre, soixante pour cent de purée de banane... Après j'ai honte de moi, en me regardant dans les vitrines, comme une boulimique devant son frigo. Toujours en fuite, je pousse jusqu'au boulevard Saint Germain après avoir tenté d'entrer à "La Gentilhommière" et en être ressorti épouvanté de n'y avoir rien trouvé de ma jeunesse. Pousser la porte de chez "Séphora" où j'ai une mission ne me calme toujours pas. Une charmante jeune fille tirée à quatre épingles me vend avec compétence un certain vernis d'une certaine marque et d'une certaine couleur dont j'ai le nom sur un bout de papier froissé que j'ai sorti de ma poche. Pendant que je parcours le flanc bâbord du vaisseau spatial où sont alignés les parfums pour homme, mon portable sonne. C'est le grand manitou dont j'ai parlé en personne. Il me parait poli et un peu trop respectueux, pour un peu il me donnerait du professeur. je me laisse arracher une entrevue un matin à l'aube à la clinique tout en testant le nouveau Kenzo. La même charmante jeune fille me demande si elle peut m'aider. Je lui répond que non. Personne ne peut m'aider. Je ne tiens pas en place. Impossible de me calmer non plus à la librairie du "Moniteur", place de l'Odéon, où je n'arrive pas à me concentrer plus de dix minutes sur les beaux livres d'architecture qui m'enchantent habituellement. A nouveau sous la pluie battante, je remonte cette fois le boulevard, et me mets à l'abri chez "Gap", place de la Sorbonne où je finis par dénicher un T shirt pour offrir à Oxy. Mais je ne suis pas très sûr que cela lui plaise - c'est pourtant la version chic du T shirt "I love Paris" qu'elle m'avait commandé - je pousse donc en évitant les flaques d'eau jusqu'à chez "Jennifer" où ma main n'avait pas mis le pied depuis au moins trente ans (mais ce n'était pas une boutique de fringues à l'époque) et j'y choisis un petit haut trash très tendance qui lui permettra tout autant de frimer auprès des copines de son collège à Lauzerte, Tarn et Garonne. Après - il fallait bien que la retraite de Russie prenne fin - on me retrouve dans l'arrière salle du "Rostand" dont le luxe de bon aloi a fini par avoir raison de mon angoisse, attablé devant un jus de tomate olives cacahuètes (toujours la fringale) à lire l'"Équipe" de la première à la dernière page et parcourir au moins tous les tires du "Monde". Enfin rassuré, je peux tranquillement traverser la place Edmond Rostand et terminer la remontée du boulevard jusqu'au 119. Dîner d'oiseaux avec la mamie après quoi je n'ai plus que la force de m'étaler devant la télé qui qui clignote dans le noir et ne s'arrête jamais (finale de la Ligue Europa, Athletico de Madrid bat Fulham 2 à 1 après prolongation)
27 juin 2010
23 juin 2010
15 juin 2010
14 juin 2010
Voyage à Paris, 1.4
Il pleut des cordes ce matin. Les embouteillages ne m'amusent déjà plus. Le charme des grandes villes est-il soluble dans les intempéries ? Pour celui qui vient s'y distraire, très certainement. On lui gâche son plaisir. Il n'en a pas pour ses frais. Les autres, ceux qui y habitent font comme partout ailleurs, prennent leur mal en patience. Il est tellement difficile pour l'esprit humain de dissocier la pluie des larmes, le mauvais temps de la tristesse. C'est que, malgré tout l'optimisme dont nous sommes capables le mauvais temps nous force tôt ou tard à nous tenir à l'abri. "Braver" le mauvais temps est une épreuve, souvent surhumaine. Quand il pleut, quand il vente, on se calfeutre, on se protège. Et se calfeutrer, s'enfermer à Paris ville lumière ou à Cases-Mondenard dans le Lot et Garonne profond, ne sont pas des expériences très différentes l'une de l'autre. La plus animée des métropoles tend à ressembler à n'importe quel trou. Cette malheureuse congruence se retrouve bien dans l'image de l'automobiliste enfermé dans sa voiture dans les embouteillages sous la pluie. Je me traîne donc à la vitesse des escargots dans la petite Matiz sur la bretelle bloquée de l'A6 à la Poterne des Peupliers sans d'autre distraction que le touche pare-choc, le bruit des essuie-glaces entremêlés des éclats débat sur le Proche Orient à la radio sur France Cul. Si le chien est le meilleur ami de l'homme, son pire ennemi c'est l'humide, car il le tient en sa tanière. Ne parlons pas du chien humide. Une automobile sous la pluie est-elle autre chose qu'une tanière roulante ? Bref, c'est perdu dans ces pensées molles que j'arrive à peu près à l'heure à B. alors que j'avais bravement prévu d'y arriver au moins une heure à l' avance. Qu'en aurait-il été si j'avais juste prévu d'arriver à l'heure ? Les allées de gravier détrempées secrètent une boue liquide et laiteuse qui s'incruste dans les chaussures, les chaises de jardins s'amassent vides devant les portes de pavillons. Sans le soleil, la clinique s'endort et retrouve ses airs d'hôpital. Mais la gravité et la réserve inhabituelle des soignants ce matin a d'autres causes. Au déjeuner (c'est comme dans les collèges anglais, les soignants mangent à une grande table dans le restaurant des patients) j'apprendrai que E.P. un médecin très aimé de tous, l'âme de la clinique en quelque sorte, vient de tomber gravement malade. Les dernières nouvelles ne sont pas rassurantes. Les patients, qui ne savent rien, eux, sont égaux à eux mêmes, nombriliques, forcément. L'après midi me retrouve parisien, quartierlatinois plus précisément. On pourrait imaginer un village, disons une petite ville, enfin pas si petite, de la taille de Brives ou Montauban voire de Châteauroux, plus grande que Cahors ou Auxerre en tout cas, occupant la rive gauche d'un fleuve de moyenne importance, incluant à la rigueur, deux îles étroites, reliés par un enchevêtrement de ponts entre elles et aux rives du fleuve, traversée par deux boulevards principaux se coupant à angle droit, avec un grand jardin à la française qui mériterait le nom de parc mais qu'on a toujours appelé jardin, plantée d'une colline surmontée d'une grande église en forme de temple grec appelée pompeusement "montagne" d'où descendent, dévalant la pente comme des ruisseaux, des petites rues charmantes et animées, avec rien autour, c'est à dire ni rive droite du fleuve au Nord ni quartiers périphériques au Sud, ni quartiers chics à l'Ouest ni populaires à l'Est, comme si on avait gommé le reste de la cité ou plutôt comme si on l'avait négligée, comptée pour rien, faisant comme si elle n'existait pas, même si on ne l'avait jamais connue, un peu comme les hémiplégiques font de la partie de leur corps paralysée. Sous la pluie, la descente du Saint Michel est moins gaie que prévu. Retour à "Compagnies" après deux mois d'infidélité (ombre d'"Ombres Blanches"...) longues retrouvailles et minutieuses stations dans les rayons. Je ne respecte pas ma promesse de ne pas flamber mais pas trop : j'ai juste acheté "Hors limites" de Gherasim Luca (un magnifique poème d'amour entendu magnifiquement dit sur France Cul dans la voiture quelques jours plus tôt) un manuel de psychiatrie d'un certain Fourcade sur les états limites (sujet qui me préoccupe depuis quelques mois) et juste avant de passer à la caisse le dernier Erri Luca (que je porte depuis toujours dans mon coeur) Hors limite, Luca, Etat-limite, Erri Luca. A ce niveau là on n'appelle plus ça une coïncidence mais une persévération. Évènement minuscule, mais joliment fortuit. Soirée cosy au "Rendez-vous" avec les garçons, place Denfert-Rochereau.
Voyage à Paris, x (voyage à Paris, 2)
Je viens de faire un voyage à Paris entre deux livraisons de la série intitulée "Voyage à Paris" que vous pouvez lire ces derniers temps et qui concerne un précèdent voyage à Paris que j'ai fait début mai. J'aurais du donc intituler les entrées déjà ici publiés : "Voyage à Paris, 1.x ( x = 1;2;3 ... etc.) et celle-ci : "Voyage à Paris, 2", qui est en quelque sorte incidente, ce qui aurait permis de ne pas perturber la chronologie de la première série, relatée, comme vous l'avez peut être lu, en différé. On aurait ainsi "mélangé" direct et différé grâce à la numérotation sans que le lecteur ciscoblogueur s'y perde. Mon idée était même de créer une sorte de décalage entre une première série et la deuxième, entre l'incident et le différé, entre l'entrant et le déjà là en train de se faire, un peu à la manière de ce qui se fait en musique par exemple, dans les canons ou les fugues où on fait entrer les thèmes l'un après l'autre et où on fait se répondre les voix. Chaque série de texte constituant une voix, le tout permettant en quelque sorte de faire chanter les souvenirs et la mémoire sans rien perdre des répétitions et des variations. Mais finalement je viens de décider de reporter la réintroduction du thème, c'est à dire la relation de la deuxième série, et de ne pas rendre compte de ce récent voyage pour des raisons, disons, encore obscures, dont l'une est que je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée... En revanche je vais adopter la nouvelle numérotation, au cas où, dès la prochaine livraison du "Voyage à Paris" (première série, en cours) qui s'intitulera donc, logiquement : "Voyage à Paris, 1.4", ce qui me permettra d'intercaler ultérieurement autant de "Voyages à Paris sous forme "Voyages à Paris, x" que nécessaire sans en perturber le bon ordre (je me demande si je ne lis trop de maths en ce moment...)
09 juin 2010
Une image d'une blogueuse cent pour cent islandaise, Rebekka Guöleifsdottir (sans blague) un tantinet nombrilique, comme il se doit mais très douée.
08 juin 2010
Voyage à Paris, 3
Le trajet Dormeil Courpont-sur-orme se fait par les liaisons de banlieue à banlieue (A6, A104 dite "Francilienne", N20, A10...) à travers une vaste baie de personne à la Peter Handke, des échangeurs autoroutiers, des cités, des zones commerciales, des friches industrielles et des champs maraîchers qui n'en finissent pas. Aux abords de Montlhery, alors qu'on se rapprocherait plutôt de Paris, le paysage, un peu plus structuré, commence cependant à prendre des airs de campagne, certes très peuplée, mais de campagne tout de même, avec des arbres, des prés et des collines. C'est là que se cache le château de B. , petit manoir XVII° à tourelles et à douves ouvrant d'un côté sur un parc avec bassins, naïades et tritons, charmilles où se poursuivent des nymphes et des satyres en pierre, broderies de buis et arbres centenaires, et de l'autre sur une cour d'honneur pavée, avec statues de lions couchés, grilles, lanternes et lanternons. La clinique n'occupe pas la belle bâtisse qui sert plutôt à l'administration et pour les colloques mais les communs et l'ancienne roseraie, dont les remaniements successifs ont fait un improbable mais somme toute assez réussi mélimélo architectural. C'est ce genre de décor qui donne à certaines institutions psychiatriques leur côté "Abbaye de Thélème" et la clinique de B. n'est pas en reste, ce qui ne veut pas du tout dire qu'on est ici en colonie de vacances, Dieu me tripote, et même peut-on parfois rendre grâce au ciel que la beauté de ces lieux d'accueil, l'harmonie qui y règne physiquement, pour ainsi dire, vienne parfois compenser l'horreur de certaines souffrances. Quand il fait beau les malades prennent le soleil sur les vastes pelouses ou bien l'ombre des chênes et des cèdres majestueux, font leur jogging dans les allées de platanes, se réunissent près de la grotte artificielle au fond du parc (quoique, la plupart du temps on peut plus facilement les trouver assis en grappes sur les fauteuils de jardin, serrés près de l'entrée de chaque pavillon, qui sont le premier lieu fumeur possible) En été, malgré tous les avertissements, les interdictions et les admonestations on les retrouve brûlés par le soleil, hâlés comme après un séjour aux Seychelles, ce que certains ou plutôt certaines voudraient bien faire croire à un entourage trop inquiet. Je fais la connaissance de Valère, financier burntouté, Artemise, inquiétante héroïne de Desperate Housewives, Sganarelle, suicidaire à répétition, Arnolphe, sympathique alcoolique, Oronte prêtre défroqué délirant mystique et quelques autres. On visite les patients dans leurs chambres (il faut parfois les chercher un peu partout, même au fond du parc) parce qu'on ne peut pas les recevoir dans les bureaux qui ressemblent, allez savoir pourquoi, au milieu de tout ce confort cossu, à des placards. J'affirme que contrairement à certaines idées reçues le métier de psychiatre est un métier physique : J'ai arpenté les couloirs et les escaliers de la clinique jusqu'à plus de vingt heures. Je rejoins Paris dans la petite Matiz louée le matin par la RN20 qui se jette dans l'A6 en franchissant l'Écoute s'il Pleut (joli nom pour une rivière, n'est-il pas ?) à peu près à la hauteur d'Antony. Nous dinons avec Nathan au japonais de la rue Gay-Lussac que dans un lointain passé nous appelions le "chinois de la rue Gay-Lussac" mais qui est, comme chacun sait et comme presque tous les japonais de Paris, tenu par des chinois qui, descendants des chinois d'antan, sacrifiant l'honneur national au goût du jour, se sont convertis à la mode de la world cuisine. Il n'est pas plus mauvais qu'un autre. Le midi il est plein d'étudiantes et de profs (Institut d'Études Hispaniques, Normale Sup'), Nathan y emmène sa grand-mère une fois par semaine et quand j'étais dormeillois j"allais les rejoindre à la fin du déjeuner. Maintenant il est tard. Nous sommes quasiment seuls devant nos menus L, devisant tranquillement sans la grand-mère qui dort depuis longtemps dans son lit avec la télé allumée.
Le trajet Dormeil Courpont-sur-orme se fait par les liaisons de banlieue à banlieue (A6, A104 dite "Francilienne", N20, A10...) à travers une vaste baie de personne à la Peter Handke, des échangeurs autoroutiers, des cités, des zones commerciales, des friches industrielles et des champs maraîchers qui n'en finissent pas. Aux abords de Montlhery, alors qu'on se rapprocherait plutôt de Paris, le paysage, un peu plus structuré, commence cependant à prendre des airs de campagne, certes très peuplée, mais de campagne tout de même, avec des arbres, des prés et des collines. C'est là que se cache le château de B. , petit manoir XVII° à tourelles et à douves ouvrant d'un côté sur un parc avec bassins, naïades et tritons, charmilles où se poursuivent des nymphes et des satyres en pierre, broderies de buis et arbres centenaires, et de l'autre sur une cour d'honneur pavée, avec statues de lions couchés, grilles, lanternes et lanternons. La clinique n'occupe pas la belle bâtisse qui sert plutôt à l'administration et pour les colloques mais les communs et l'ancienne roseraie, dont les remaniements successifs ont fait un improbable mais somme toute assez réussi mélimélo architectural. C'est ce genre de décor qui donne à certaines institutions psychiatriques leur côté "Abbaye de Thélème" et la clinique de B. n'est pas en reste, ce qui ne veut pas du tout dire qu'on est ici en colonie de vacances, Dieu me tripote, et même peut-on parfois rendre grâce au ciel que la beauté de ces lieux d'accueil, l'harmonie qui y règne physiquement, pour ainsi dire, vienne parfois compenser l'horreur de certaines souffrances. Quand il fait beau les malades prennent le soleil sur les vastes pelouses ou bien l'ombre des chênes et des cèdres majestueux, font leur jogging dans les allées de platanes, se réunissent près de la grotte artificielle au fond du parc (quoique, la plupart du temps on peut plus facilement les trouver assis en grappes sur les fauteuils de jardin, serrés près de l'entrée de chaque pavillon, qui sont le premier lieu fumeur possible) En été, malgré tous les avertissements, les interdictions et les admonestations on les retrouve brûlés par le soleil, hâlés comme après un séjour aux Seychelles, ce que certains ou plutôt certaines voudraient bien faire croire à un entourage trop inquiet. Je fais la connaissance de Valère, financier burntouté, Artemise, inquiétante héroïne de Desperate Housewives, Sganarelle, suicidaire à répétition, Arnolphe, sympathique alcoolique, Oronte prêtre défroqué délirant mystique et quelques autres. On visite les patients dans leurs chambres (il faut parfois les chercher un peu partout, même au fond du parc) parce qu'on ne peut pas les recevoir dans les bureaux qui ressemblent, allez savoir pourquoi, au milieu de tout ce confort cossu, à des placards. J'affirme que contrairement à certaines idées reçues le métier de psychiatre est un métier physique : J'ai arpenté les couloirs et les escaliers de la clinique jusqu'à plus de vingt heures. Je rejoins Paris dans la petite Matiz louée le matin par la RN20 qui se jette dans l'A6 en franchissant l'Écoute s'il Pleut (joli nom pour une rivière, n'est-il pas ?) à peu près à la hauteur d'Antony. Nous dinons avec Nathan au japonais de la rue Gay-Lussac que dans un lointain passé nous appelions le "chinois de la rue Gay-Lussac" mais qui est, comme chacun sait et comme presque tous les japonais de Paris, tenu par des chinois qui, descendants des chinois d'antan, sacrifiant l'honneur national au goût du jour, se sont convertis à la mode de la world cuisine. Il n'est pas plus mauvais qu'un autre. Le midi il est plein d'étudiantes et de profs (Institut d'Études Hispaniques, Normale Sup'), Nathan y emmène sa grand-mère une fois par semaine et quand j'étais dormeillois j"allais les rejoindre à la fin du déjeuner. Maintenant il est tard. Nous sommes quasiment seuls devant nos menus L, devisant tranquillement sans la grand-mère qui dort depuis longtemps dans son lit avec la télé allumée.
02 juin 2010
26 mai 2010
Voyage à Paris, 2
Cette fois ci je m'y étais pris à l'avance pour parer toute mauvaise surprise. Soucieux d'éviter la fatigue d'un long aller et retour et surtout de ménager la vieille Polo, j'avais téléphoné chez Avis pour retenir une voiture pour la semaine, un véhicule catégorie "découverte" à un prix presque promotionnel. Le jour dit donc, le lendemain de mon arrivée, je me transporte à la première heure en autobus Place d'Italie, chez Avis, dont on m'avait donné l'adresse lors de ma réservation. Mais pas moyen de trouver l'agence Avis, ni avenue Vincent Auriol, là où on me l'avait dit, ni nulle part ailleurs Place d'Italie. Une mauvaise blague. Assez décontenancé j'avise alors si j'ose dire, l'agence Hertz, et j'y entre, lumineuse idée, pour demander où se trouve l'agence Avis. Un monsieur moustachu en costume trois pièce cravate me répond très aimablement qu'il n'en sait rien, vu que c'est soin premier jour à l'agence. Je lui répond que le fait que j'ai retenu chez la concurrence n'est pas une raison pour se foutre de ma gueule (un peu de fair play, que diable, quand on est un bon commercial) et s'il lui plaît qu'il me donne rapidement la bonne adresse il sera bien aimable. Son collègue, plus ancien dans la maison, vers qui il se tourne, me répond tout aussi aimablement qu'il n'y a jamais eu d'agence Avis Place d'Italie. Comment ça! J'ai bien retenu il y a quinze jours un véhicule catégorie "découverte" chez Avis Place d'Italie et plus précisément 213 avenue Vincent Auriol où je me trouve présentement je n'ai pas la berlue tout de même! Le monsieur, sans se laisser démonter par ma morgue et mon humeur franchement rébarbative me suggère encore plus aimablement que si c'est 213 avenue Vincent Auriol que j'ai loué une voiture cela ne peut pas être chez Avis, mais il y a bien des chances que ce soit chez Hertz qui est précisément logé à cette adresse et d'ailleurs on va le savoir tout de suite si vous avez l'amabilité de me donner votre nom et l'heure de location s'il vous plaît. Ébranlé par l'élégance de la solution à un problème en passe de devenir insoluble, je débite mon nom et tous les détails. Le monsieur ouvre un grand registre et à ma grande surprise tout s'arrange comme par enchantement et dans les pubs pour les agences de location de voitures. J'avais bien loué chez Hertz et non chez Avis. J'avais littéralement cherché midi à quatorze heures. Honteux, je me confonds en excuses très embarrassées : mais de rien ne vous en faites pas on a l'habitude, Avis ou Hertz, hein, personne n'est obligé de s'en souvenir surtout après quinze jours etc. Je manque de paniquer comme dans les attaques de confusion mais je me remets, ravi que la réalité se remette en ordre toute seule. On me conduit donc avec tous les égards et sans la moindre rancune mais avec un sourire en coin vers mon carrosse catégorie "découverte" garé sur le trottoir, une magnifique Chevrolet "Matiz" (et non pas "Matisse", les héritiers, au contraire des Picasso ont du s'y opposer) sorte de minuscule caisse à savon sur roue que je n'ai jamais vu rouler nulle part - vous en avez vu vous des Chevrolets "Matiz" dans les rues ? - modèle entrée de gamme (très) et promotionné (peu) contrastant plutôt, jurant même, avec la munificence du coupé Mercedes des pubs télévisées qui passent en boucle en cette saison de retour des weekends printaniers. Mais qu'importe le fourgon pourvu qu'on ait la vitesse! C'est donc enfermé dans cet ersatz de mini-bolide que je m'engage bravement dans les embouteillages et les travaux de l'autoroute A6 comme cela ne m'était pas arrivé depuis deux mois. Pour un peu, j'en serais presque ému. l'hôpital de Dormeil est toujours à la même place. La frénésie immobilière qui, même en ces temps de crise, rogne ses espaces et ses parkings n'a pas cessé comme par enchantement, je constate qu'elle a logiquement gagné du terrain : les immeubles de rapport qui le cernent à l'étouffer ont gagné deux ou trois étages. J'ai toujours aimé l'hôpital de Dormeil, le bâtiment. C'est un élégant puzzle moderne aux couleurs vives datant du début des années quatre vingt et de la victoire de la gauche sans laquelle il ne serait jamais sorti de terre. Il ne fait pas vraiment ses trente ans (il a l'âge de Jérémie, mon premier fils qui ne les fait pas non plus) Il paraît que c'est l'âge maximum pour un hôpital de nos jours. On doit le remplacer en 2012 par l'immense bâtiment en construction au bord de la francilienne depuis des années, le nec plus ultra des nouveaux hôpitaux à ce qu'on dit, et qui remplacera du même coup aussi celui, voisin, d'Evry atteint par la limite d'âge et le double emploi. Il y a moins de six mois je travaillais au troisième étage. Présentement je viens dire bonjour, en touriste, un peu ému. Je fais la surprise. Seule Rita est au courant (elle a parlé d'une surprise, on lui a dit de mettre la surprise au frigo, elle a répondu avec son inimitable accent russe que la surprise ne se mange pas) je ne m'attendais pas à un accueil aussi chaleureux. On s' embrasse comme du bon pain, on fait des photos de groupe. Après, nous allons déjeuner avec l'ancienne équipe au Self, comme nous le faisions touts les midis. Tout le monde est là, c'est comme si je n'étais pas parti, sauf que ce n'est pas moi mais mon fantôme. Les problèmes, les petites histoires, toujours les mêmes, elles aussi, celles là même qui me rendaient fou, me font maintenant rire de bon cœur. Je ne regrette pas d'être parti, loin de là. Je suis bien, cependant, au milieu des miens. Un peu plus tard, avant même que je quitte les lieux sur la pointe des pieds, tout le monde, à nouveau absorbé les soucis du jour, aura repris ses activités et m'aura déjà oublié. C'est la vie.
24 mai 2010
Voyage à Paris, 1
Dimanche 9 mai. Après un moi d'avril splendide et triomphal, mauvais temps, pourri . Je prends le Toulouse-Paris de 12 heures trente qui s'arrête juste deux minutes à Cahors. J'ai une mauvaise place, dans le sens contraire à la marche, enfermé contre le mur, avec les trois quart de la fenêtre masquée par le siège de devant. Mais bon, le paysage mouillé et gris n'est pas si attrayant. Mon voisin s'est endormi rapidement. Les wagons, qui ne sont plus compartimentés, sont maintenant de grands dortoirs alvéolés, où l'on collectionne deux par deux, des échantillons du genre humain, hommes, femmes, enfants aux regards perdus, voyageurs diaphanes et désœuvrés, enfermés dans leurs bulles, walkman, DVD sur les portables, bouquins, mots fléchés, mastications lentes de sandwichs emballés dans des films d'alu, sommeil, rêves. J'ai acheté au petit Relais H de la gare une belle pile des magazines que je ne lis jamais que dans le train, "La Recherche" "Science et Vie", "Le Nouvel Obs", "Beaux Arts". Après les avoir feuilleté longuement et consciencieusement les uns après les autres nous n'avons pas fait plus d'un quart du trajet. Restent quatre heures, un gouffre. Nous ne sommes même pas encore arrivés à Limoges et sa splendide gare kitsch. Je me mets à la lecture d'"Orages ordinaires" de William Boyd dont j'avais adoré il y a plus de vingt ans "Un anglais sous les tropiques", "les nouvelles confessions" "Brazzaville plage" et plus récemment la "Vie aux Aguets", qui se lit bien (cet art de vous emmener avec lui dans son histoire) mais qui présentement me déçoit assez. A destination, je l'oublierai d'ailleurs sur mon siège sans en connaître la fin et sans trop de regrets. Hypnotisé, à l'instar de tous les échantillons du genre humain, par le fascinant défilement du paysage devant la vitre, j'ouvre mon calepin Clairefontaine, assuré d'y noter sans tarder les deux ou trois haïkus de train qui ne manqueront pas d'éclore tout écrits dans mon esprit ainsi disposé à leur rencontre. Je resterai cependant sec un long moment, le bic en l'air, ne parvenant à accoucher, devoir accompli, que du médiocre "Les forêts pressées/Défilent à la fenêtre/Du train immobile" déjà ici déposé, selon ma règle. J'élide l'arrivée à Paris, le quai désert, les gens pressés, les travaux interminables de la gare d'Austerlitz, le taxi qui roule à gauche sur le boulevard Saint Marcel, le soir qui tombe sur la station Port Royal : J'ai dormi dans une pièce transformée en bureau qui est mon antique chambre d'enfant. J' y ai feuilleté, avant de m'endormir de vieux livres, des bibles et des livres de prières en hébreu qu'on ouvre par la fin, aux pages parcheminées, vieux de deux cent cinquante ans qui furent ceux de l'arrière grand père de mon grand père et j'ai tenté d'y retrouver le Kaddisch que je n'ai pas su dire sur la tombe de mon père.
Dimanche 9 mai. Après un moi d'avril splendide et triomphal, mauvais temps, pourri . Je prends le Toulouse-Paris de 12 heures trente qui s'arrête juste deux minutes à Cahors. J'ai une mauvaise place, dans le sens contraire à la marche, enfermé contre le mur, avec les trois quart de la fenêtre masquée par le siège de devant. Mais bon, le paysage mouillé et gris n'est pas si attrayant. Mon voisin s'est endormi rapidement. Les wagons, qui ne sont plus compartimentés, sont maintenant de grands dortoirs alvéolés, où l'on collectionne deux par deux, des échantillons du genre humain, hommes, femmes, enfants aux regards perdus, voyageurs diaphanes et désœuvrés, enfermés dans leurs bulles, walkman, DVD sur les portables, bouquins, mots fléchés, mastications lentes de sandwichs emballés dans des films d'alu, sommeil, rêves. J'ai acheté au petit Relais H de la gare une belle pile des magazines que je ne lis jamais que dans le train, "La Recherche" "Science et Vie", "Le Nouvel Obs", "Beaux Arts". Après les avoir feuilleté longuement et consciencieusement les uns après les autres nous n'avons pas fait plus d'un quart du trajet. Restent quatre heures, un gouffre. Nous ne sommes même pas encore arrivés à Limoges et sa splendide gare kitsch. Je me mets à la lecture d'"Orages ordinaires" de William Boyd dont j'avais adoré il y a plus de vingt ans "Un anglais sous les tropiques", "les nouvelles confessions" "Brazzaville plage" et plus récemment la "Vie aux Aguets", qui se lit bien (cet art de vous emmener avec lui dans son histoire) mais qui présentement me déçoit assez. A destination, je l'oublierai d'ailleurs sur mon siège sans en connaître la fin et sans trop de regrets. Hypnotisé, à l'instar de tous les échantillons du genre humain, par le fascinant défilement du paysage devant la vitre, j'ouvre mon calepin Clairefontaine, assuré d'y noter sans tarder les deux ou trois haïkus de train qui ne manqueront pas d'éclore tout écrits dans mon esprit ainsi disposé à leur rencontre. Je resterai cependant sec un long moment, le bic en l'air, ne parvenant à accoucher, devoir accompli, que du médiocre "Les forêts pressées/Défilent à la fenêtre/Du train immobile" déjà ici déposé, selon ma règle. J'élide l'arrivée à Paris, le quai désert, les gens pressés, les travaux interminables de la gare d'Austerlitz, le taxi qui roule à gauche sur le boulevard Saint Marcel, le soir qui tombe sur la station Port Royal : J'ai dormi dans une pièce transformée en bureau qui est mon antique chambre d'enfant. J' y ai feuilleté, avant de m'endormir de vieux livres, des bibles et des livres de prières en hébreu qu'on ouvre par la fin, aux pages parcheminées, vieux de deux cent cinquante ans qui furent ceux de l'arrière grand père de mon grand père et j'ai tenté d'y retrouver le Kaddisch que je n'ai pas su dire sur la tombe de mon père.
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